Procureurs progressistes: Sánchez assume « l’héritage chronique de Franco » au Sahara

Tags : Espagne, Pedro Sanchez, Sahara Occidental, fiscales progressistas, UPF, Maroc, Algérie,

Dans une lettre ouverte envoyée à Sánchez, l’Union progressiste des procureurs publics affirme que la nouvelle position de l’Espagne sur le conflit « contrevient au droit international actuel ».

Par Ignacio Cembrero

Le président Pedro Sánchez a ordonné l’exhumation en 2019 du corps du dictateur Francisco Franco à Cuelgamuros, mais les procureurs progressistes l’accusent maintenant de suivre la politique de Franco en soutenant, il y a un an, la solution préconisée par le Maroc pour résoudre le conflit du Sahara occidental. Cette solution consiste à accorder l’autonomie à l’ancienne colonie espagnole en contournant le référendum d’autodétermination que Rabat et le Front Polisario avaient convenu en 1991, en même temps qu’un cessez-le-feu. L’Union progressiste des procureurs (UPF), la deuxième plus importante association de procureurs, a envoyé samedi une lettre ouverte au chef de l’exécutif [ici en PDF] dans laquelle elle lui reproche de « ne pas remplir efficacement les obligations dérivées » du statut de l’Espagne « en tant que puissance administrante du territoire » en promouvant un référendum d’autodétermination pour le décoloniser. « L’omission [par le gouvernement] du respect de ces obligations est un héritage chronique de l’époque de la dictature franquiste », poursuit la FPU dans sa lettre.

Le gouvernement nie que l’Espagne est toujours la puissance administrante 47 ans après son retrait du Sahara. L’avis de Hans Corell en 2002, chef du conseil juridique de l’ONU, a soutenu, cependant, que l’Espagne était la puissance administrante même si elle ne pouvait pas exercer ce rôle parce que le Maroc contrôlait de facto le territoire. « La nouvelle position que, en tant que président du gouvernement, vous maintenez non seulement perpétue cette inaction historique [du régime franquiste], mais semble également s’aligner sur l’accord indigne et illégal signé en 1975 par notre pays (Pactes de Madrid) par lequel l’Espagne a cédé une partie du territoire du Sahara occidental au Maroc et une autre partie à la Mauritanie, un accord qui n’a jamais été reconnu comme valide par l’ONU », souligne l’UPF dans sa lettre.

Le Maroc ne respecte même pas cet accord signé avec l’Espagne juste avant la mort du général Franco. L’accord accordait le tiers sud de la colonie espagnole à la Mauritanie, mais la junte militaire qui dirigeait ce pays a décidé de se retirer du territoire en août 1979 et l’armée marocaine s’en est emparée et y reste sans aucun titre.

Il aura fallu attendre un an pour que les procureurs progressistes se prononcent, par le biais de cette lettre, puisque M. Sánchez s’est rendu à Rabat le 7 avril 2022 pour mettre fin à 15 mois de crise bilatérale lors d’un dîner avec le roi Mohammed VI. Il y a confirmé l’inflexion de la politique étrangère espagnole sur le Sahara en signant la déclaration conjointe hispano-marocaine. Il l’a ratifiée le 2 février lors du sommet de Rabat entre les gouvernements espagnol et marocain. Inés Herrero, la présidente de l’UPF, explique au téléphone qu’elle a visité avec plusieurs de ses collègues les camps de réfugiés sahraouis dans le sud-ouest de l’Algérie au début de ce mois. « Nous avons pu vivre une expérience d’intégration avec les Sahraouis et aussi nous plonger dans l’étude juridique de la situation » du Sahara.

Leur conclusion est que « cette nouvelle position politique » de Sánchez « aggrave les positions prises par nos gouvernements précédents et, ce qui est encore plus inquiétant, contrevient au droit international en vigueur ». Dans leur lettre, les procureurs rappellent au président que « les traités internationaux valablement conclus et publiés officiellement en Espagne font partie de l’ordre juridique interne et sont, par conséquent, obligatoirement respectés ». Ils lui demandent donc « en tant que président du gouvernement espagnol, d’adopter les mesures nécessaires pour assurer le respect effectif de toutes les obligations internationales qui correspondent à l’Espagne afin de parvenir à la tenue du référendum d’autodétermination du peuple du Sahara occidental ». Sánchez ne le fera pas, tout comme les gouvernements démocratiques précédents depuis la transition ne l’ont pas fait afin d’éviter de déclencher une crise avec le voisin marocain. La différence avec les précédents chefs de gouvernement est qu’aucun d’entre eux n’avait mis par écrit, à trois reprises en un an, son alignement sur la solution proposée par le Maroc au conflit.

El Confidencial, 10/04/2023

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