Projet de résolution sur la question du Sahara
Position du Royaume du Maroc
Le projet de résolution présenté, le mardi 9 avril, au Groupe des Amis sur la question du Sahara constitue une évolution dangereuse, car injustifiée et extrémiste. Le Maroc le rejette catégoriquement. Il ne peut constituer une base de négociation et ce pour les raisons suivantes :
- Une approche dangereuse :
L’examen par le Conseil de Sécurité de la question du Sahara se fait dans le cadre du Chapitre VI de la Charte des Nations Unies. Depuis toujours le Conseil a encouragé, exhorté et soutenu les parties, excluant, ainsi, toute imposition aux parties d’une quelconque option ou proposition sur l’ensemble des aspects du différend. Un changement d’approche serait porteur de dangers et saperait le consensus qui a toujours prévalu parmi les membres du Conseil et l’adhésion des parties. Les membres du « Groupe des amis » ont, de par leur statut, une responsabilité particulière pour préserver cette approche.
- Une approche synonyme de prime politique aux autres parties :
Le projet donne entièrement satisfaction aux revendications politiquement motivées de l’Algérie et du polisario, au détriment du Maroc. Dans leur portée et leur impact, les propositions contenues dans le texte dépassent de loin le domaine des droits de l’homme. Elles constituent un endossement pur et simple de la position politique des autres parties.
- Une approche préjudiciable au processus politique :
Le texte proposé vient en nette rupture avec les efforts déployés pour une relance sereine et prometteuse du processus politique, sur la base des conclusions de la dernière tournée régionale de l’Envoyé personnel.
Cette rupture est d’autant plus préjudiciable qu’elle cible, injustement, la partie la plus engagée dans le processus, celle-là même qui a fourni l’exclusivité des efforts pour conforter la nouvelle démarche de M. Ross.
- Une approche injustifiée:
Rien sur le terrain ne justifie une telle proposition extrême. Contrairement aux autres situations où existent un monitoring au sein des Opérations de maintien de la paix, le Sahara ne connaît de ni violations massives ni systématiques des droits de l’homme susceptibles de justifier l’élargissement du mandat de la MINURSO ou l’établissement d’un mécanisme international similaire.
Le Maroc a pris, dans le cadre des ses responsabilités nationales et internationales, des mesures indépendantes et crédibles pour la promotion et la protection des droits de l’homme (renforcement du CNDH y compris au Sahara, et ouverture totale aux procédures spéciales et coopération constructive avec les mécanismes onusiens des Droits de l’Homme).
- Des propositions inapplicables :
Le monitoring des droits de l’homme tel que proposé dans le texte est inapplicable, car il crée une symétrie trompeuse entre, d’une part, un Etat souverain, membre des Nations Unies et partie à des instruments juridiques internationaux et d’autre part un acteur non étatique dépourvu de toute obligation internationale, particulièrement en matière des droits de l’homme.
De plus, le texte crée une situation inédite, où l’Algérie, Etat responsable de tout ce qui se passe sur son territoire national, y compris à Tindouf qui abrite les camps, est dédouanée, tandis que le polisario se trouve valorisé et titulaire d’obligations internationales, sans bases juridiques conventionnelles.
- Une démarche qui fragilise la Minurso :
Loin de renforcer la MINURSO, le texte proposé compromet sa mission. La politisation des activités de la MINURSO est de nature à remettre en cause l’un des acquis importants et précieux de la MINURSO et de la communauté internationale, en l’occurrence la supervision du cessez-le-feu.
Cette politisation va à l’encontre des efforts déployés par le Maroc pour faciliter les activités de la MINURSO et trouver des solutions pragmatiques et constructives aux quelques difficultés pratiques soulevées dans le rapport 2012 du Secrétaire Général.
- Une démarche qui ignore des efforts déployés par le Maroc :
Depuis 2011, le Maroc a mis en place, de sa propre initiative, des mesures sérieuses, crédibles et palpables destinées à donner suite à toute allégation de violation des droits de l’homme au Sahara. Les mesures nationales ont été complétées par une dimension internationale, à travers l’accueil, sans précédents, de rapporteurs spéciaux, sans parler des délégations gouvernementales, médiatiques, parlementaires et ONG.
Après que le Conseil se soit félicité, en 2011, de ces initiatives, le texte proposé contredit la démarche progressive jusqu’à présent préconisée.
En outre, et sans attendre que ces initiatives produisent leur plein effet, le texte décide, de manière précipitée, de leur substituer un mécanisme international fondamentalement différent.
Proposition de texte sur le Sahara/proposition d’attitude à adopter
- Le texte proposé par les USA porte préjudice aux intérêts suprêmes du Royaume.
- Les dispositions relatives à l’élargissement du mandat, à l’établissement de la commission militaire de vérification et à la reconnaissance des zones sous contrôle du polisario, constituent une évolution grave et une dérive dangereuse.
- Cette attitude tranche avec l’approche suivie, jusqu’à présent, par les américains. Elle a été justifiée par :
- le changement à la tête du Département d’Etat ;
- l’influence de la Fondation RFK ;
- les retombées du retrait de confiance de M. Ross ;
- le besoin exprimé dans le rapport du SG pour « un mécanisme indépendant, impartial, global et soutenu ».
- Si le message américain a été très clair, l’on pourrait légitimement s’interroger sur sa portée : s’agissait-il de démontrer que l’administration a fourni un effort dans cette résolution, sans avoir entièrement satisfaction sur le résultat final. Une éventuelle opposition de la France et de la Russie offrirait une issue « facesaving » au département d’Etat ?
- Vu la démarche et la méthode américaines, ainsi que le caractère extrêmement dangereux de leurs propositions, notre pays doit maintenir, à tous les niveaux, un discours ferme et une attitude intransigeante, sans aucune ouverture.
- Au cours des prochains jours, l’action diplomatique devrait s’orienter vers 2 directions :
- Culpabiliser les USA : impact sur le plan interne, effets sur nos relations bilatérales, parti pris en faveur de l’Algérie et du polisario, conséquences sur le processus de négociation et sur la MINURSO, reconsidération de l’ouverture sur les procédures spéciales.
- Mobiliser la France, la Russie et l’Espagne : notre argumentaire devrait couvrir à la fois la méthode et le contenu (voir éléments de langage en annexe).
- Sur le plan interne, adopter une démarche de communication claire, progressive et prudente (voir texte d’une première réaction).
Projet de Déclaration
Le Maroc rejette catégoriquement toute proposition tendant à l’élargissement du Mandat de la MINURSO ou à la mise en place d’un mécanisme alternatif de surveillance des Droits de l’Homme dans ses provinces du Sud.
Cette position est constante et ne changera jamais. Elle est fondée sur des considérations politiques et juridiques évidentes.
Depuis la présentation, en 2007, par le Royaume du Maroc de son initiative d’autonomie,la question des droits de l’homme a été constamment instrumentalisée pour tenter de dévier le processus de négociation et de servir de prétexte, aux autres parties, pour ne pas s’engager dans la recherche d’une solution politique au différend régional sur le Sahara.
Le Maroc, de son propre gré, a adopté des mesures et pris des initiatives pour la promotion et la protection des droits de l’homme, y compris dans la région du Sahara. Ces mesures s’inscrivent dans le prolongement des réformes audacieuses et substantielles lancées par S. M. le Roi Mohammed VI. Le Conseil de Sécurité s’en est, d’ailleurs, félicité.
Dans ce cadre, le renforcement de l’indépendance des mécanismes nationaux et l’ouverture sur les procédures spéciales des Nations Unies répondent largement aux attentes de la communauté internationale et plus particulièrement des membres du Conseil de Sécurité.
Le Maroc demeure confiant en la sagesse des membres du Conseil de Sécurité et leur capacité à trouver les formules appropriées pour préserver les acquis, renforcer le consensus et immuniser le processus. Le contexte sécuritaire régional actuel exige une relance rapide des efforts de l’Envoyé personnel pour parvenir à une solution consensuelle à ce différend.