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L’ancienne puissance coloniale fait face à une concurrence d’influence sur le continent, notamment de la part de la Chine et de la Russie
Vingt et un pays africains se sont abstenus ou sont restés à l’écart la semaine dernière du vote de l’Assemblée générale des Nations unies sur une résolution demandant le retrait de la Russie d’Ukraine. Parmi eux, six avaient une pertinence particulière, et qui donne à réfléchir, pour la France.
Le président Emmanuel Macron avait visité deux d’entre eux, le Cameroun et la Guinée Bissau, en juillet dernier. Trois autres – l’Angola, le Gabon et le Congo – l’accueilleront plus tard cette semaine. Macky Sall, le président du sixième, le Sénégal, est considéré comme un ami et était invité à l’Élysée il y a tout juste un mois.
Pour ajouter l’insulte à l’injure, le Mali, qui s’était abstenu lors d’un vote similaire en octobre dernier, a décidé de voter contre la résolution cette fois, rejoignant la Russie et des pays comme la Corée du Nord et la Biélorussie. Bien que pas tout à fait inattendue, cette décision a été un rappel douloureux des échecs de la France dans un pays où ses forces armées ont perdu 58 hommes combattant des groupes djihadistes, avant d’être expulsées l’année dernière par une junte militaire pour faire place aux mercenaires russes du groupe Wagner. Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, qui se rend fréquemment en Afrique ces jours-ci, s’est rendu début février à la junte à Bamako pour donner ses instructions de vote.
Un Macron châtié entame cette semaine son 18e voyage en Afrique en tant que président. Il n’a pas renoncé à son ambition de transformer la relation vieille de plusieurs décennies de la France avec ses anciennes colonies ; au contraire, il la considère comme encore plus nécessaire dans le monde fragmenté d’aujourd’hui. Mais le dirigeant français a dû repenser son approche. Une réinitialisation avec l’Afrique est absolument nécessaire.
Ce sont des moments différents des premiers jours de son premier mandat lorsque, en novembre 2017, Macron a prononcé un discours passionné devant un auditorium bondé à l’université de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso. En tant que premier président français né après l’ère coloniale, il a déclaré que l’époque de la vieille politique africaine de la France était révolue. Il a promis un nouveau modèle, plus équilibré et respectueux des identités africaines.
Nul doute qu’il recevrait aujourd’hui un accueil encore moins enthousiaste de la part des étudiants de Ouagadougou. Après le Mali, l’instabilité politique, l’insécurité, le ressentiment anti-français et les campagnes de désinformation russes se sont propagées au Burkina Faso, qui a également demandé aux forces françaises de quitter le pays. Meurtrie mais réticente à se retirer complètement de la région du Sahel alors que la violence et l’insécurité menacent désormais même les États côtiers d’Afrique de l’Ouest, la France redéploie ses forces et adapte sa stratégie à une présence plus discrète. Un responsable de l’Éllysée décrit cette « nouvelle philosophie » comme « la fin d’un cycle où la France s’est mise en première ligne. On passe à un cycle où on va plutôt travailler en arrière-plan. »
Cela a été une leçon d’humilité. Le programme de transformation de Macron s’est rapidement heurté aux réalités sur le terrain. Il voulait que la France se débarrasse de son habit colonial ; mais lutter contre le terrorisme, aux côtés des gouvernements locaux, impliquait de maintenir des bases militaires qui étaient, en fait, des vestiges de son passé colonial. Ce n’est pas facile de faire semblant d’être parti alors qu’on est encore là.
Par souci de stabilité, le président français a fini par contredire ses propres idéaux professés. Il a assisté aux funérailles du président tchadien Idriss Déby en 2021, approuvant ainsi implicitement le transfert de pouvoir hautement antidémocratique au fils de Déby. Mais la France n’avait-elle pas besoin de conserver une base aérienne à N’Djamena pour ravitailler ses troupes dans la région ?
Son soutien au président ivoirien Alassane Ouattara, élu en 2020 pour un troisième mandat que l’opposition considérait comme inconstitutionnel, rappelait aussi les vieilles habitudes françaises. Mais qui voulait faire face à une autre crise dans un pays clé d’Afrique de l’Ouest ?
Alors que la France s’enlisait dans sa réponse militaire à la propagation des assauts djihadistes, le continent changeait. Avec l’impact de la mondialisation, les pays d’Afrique ont vu le monde différemment et le monde les a vus différemment.
La France n’est devenue qu’un acteur de plus parmi de nombreuses puissances concurrentes. La Russie, jouant sur les liens étroits que l’Union soviétique entretenait avec les élites africaines, revient en force, ciblant directement l’influence française. La Chine et la Turquie sont de grands acteurs sur le continent, avec des agendas allant bien au-delà de leurs intérêts économiques. Les gouvernements africains ont maintenant toute une gamme de partenaires parmi lesquels choisir et ne prendront pas conseil auprès de leurs anciens « protecteurs ».
Ainsi, lors du prochain voyage de Macron, attendez-vous à beaucoup d’accent sur la biodiversité, des propositions d’aide à la lutte contre le changement climatique, des offres sur la coopération agricole ainsi que des partenariats culturels. Convaincue que l’Afrique et sa diaspora en Europe sont trop importantes pour être laissées de côté, la France tente à nouveau.
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