Tunisie, référendum, Kaïs Saïed, Constitution,
Par Mahmoud Benmostefa
Journée test pour le président tunisien Kaïs Saïed. En effet, le référendum sur la nouvelle constitution est perçu comme un véritable plébiscite pour sa personne et surtout son mode de gouvernance. Ils sont 9 millions 296 000 électeurs à se rendre aux bureaux de vote pour répondre par oui ou par non au texte proposé par le chef de l’Etat tunisien.
Un texte qui, néanmoins, ne fait pas l’unanimité. La classe politique tunisienne crie au hold-up démocratique et accuse le président Saïed de velléités autoritaires. D’ailleurs, les manifestants ont battu le pavé samedi pour dénoncer un retour à ce que certains qualifient de modèle beylical de gouvernance.
En effet, composé de 142 articles, le projet en question accorde de larges prérogatives au président de la République, contrairement à la Constitution de 2014 qui prévoyait un régime semi- parlementaire. Selon le draft de la Constitution, le régime de la Tunisie est un régime républicain et le président de la République désigne le Chef du gouvernement et ses membres, sur proposition de ce dernier. De même, le président de la République met fin au mandat du gouvernement ou à un de ses membres, soit directement ou encore sur proposition du Chef du gouvernement. Le président n’est pas, non plus, responsable des actes accomplis dans le cadre de son mandat, selon le projet.
Né du processus du 25 juillet 2021 qui a vu le chef de l’Etat geler l’activité du Parlement et proposer un nouveau cadre constitutionnel et institutionnel pour le pays, le référendum d’aujourd’hui polarise la scène politique tunisienne. Sous la conduite de l’opposant et président de l’Instance politique du parti «L’Espoir», Ahmed Néjib Chebbi, le «Front du Salut national» regroupe cinq partis dont trois étaient représentés au parlement dissous par Kaïs Saïed et qui totalisent 99 députés sur 217.
Il s’agit d’Ennahdha (53 députés), de «Qalb Tounes» (28 députés) et de la «Coalition de la Dignité» (18 députés) en plus du Mouvement de «La Tunisie la volonté» et du parti «L’Espoir». La «Campagne des Citoyens contre le coup d’Etat» et plusieurs autres parlementaires indépendants se sont joints à ce Front de refus.
Le Front du Salut national a appelé à boycotter le référendum, considérant que le projet de la Constitution proposé constitue «une régression qui menace de faire retourner le pays au pouvoir individuel absolu».
A son tour, la «Campagne nationale pour faire avorter le référendum» a appelé à boycotter le référendum.
Cette «Campagne», qui compte en son sein cinq partis politiques, qui sont le Parti républicain, le Courant démocrate (22 députés), le FDTL (social-démocrate), le Parti des Travailleurs et du Pôle (gauche).
Issam Chebbi, Secrétaire général du Parti Républicain, a appelé «les Tunisiens à nouveau à boycotter le référendum, et à ne pas y participer de quelque façon qu’elle soit, dans la mesure où toute participation va conférer une légitimité au processus».
Du côté des partisans du changement de la Constitution, le «Mouvement du Peuple» (Nassérien, 15 députés) qui a appelé à participer au référendum et à voter par «Oui».
Le Secrétaire général du Mouvement, Zouheir Maghzaoui, a indiqué que sa formation votera en faveur du projet de la nouvelle Constitution. Ce dernier a, dans des déclarations faites aux médias, salué la mention de la question de l’identité et celle des libertés individuelle et publiques dans le projet de la nouvelle Constitution, qu’il considère comme «meilleur» que la Loi fondamentale de 2014.
En plus de cette formation politique au poids moyen, figure le parti du «Courant populaire» (Nassérien, sans députés) qui a appelé aussi à voter favorablement au référendum. Dans le même ordre d’idées, le parti de «l’Alliance pour la Tunisie», a, dans un communiqué, exhorté les Tunisiens à «continuer à soutenir le processus de restauration, à travers le soutien du référendum et le vote par Oui».
Le référendum voulu par le président Saïd intervient cependant dans un contexte économique des plus difficiles. En vingt ans, le taux de chômage est passé de 13 % à 16 %. À partir des années 2000, la croissance est molle, à 2 % et ne permet plus au pays de faire face aux défis d’un développement équilibré au niveau régional, ni de créer suffisamment d’emplois, notamment pour les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur. A cela s’ajoute une inflation atteignant près de 8 % aujourd’hui.
Entre les manifestants anti-référendum et la volonté du président de faire aboutir son projet, les Tunisiens ne savent plus à quel saint se vouer. La répression de la manifestation de samedi, avenue Bourguiba est un avant-gout de ce que sera peut-être la Tunisie de demain. Un régime présidentiel fort, que beaucoup qualifient déjà de régime autoritaire.
Le Jeune Indépendant, 24 juil. 2022
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