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Tunis (AFP) – Le juriste tunisien qui a supervisé la rédaction d’une nouvelle constitution soumise au président Kais Saied a déclaré dimanche qu’elle avait été transformée en une charte qui pourrait conduire à une dictature.
Certains articles du projet de constitution publiés jeudi dernier au journal officiel pourraient « ouvrir la voie à un régime dictatorial », a averti Sadeq Belaid, qui dirigeait un comité chargé de rédiger le document.
Le texte publié est « complètement différent » de celui remis en personne au président à la fin du mois dernier, a déclaré à l’AFP le juriste respecté.
En juillet de l’année dernière, Saied a orchestré une prise de pouvoir dramatique, que beaucoup ont dénoncée comme un coup d’État, limogeant le gouvernement et gelant le parlement.
Belaid était considéré comme une figure pro-Saied même lors des démarches ultérieures du président pour consolider davantage le pouvoir cette année.
Son désaveu de la constitution remaniée est donc un coup dur pour le président, quelques semaines seulement avant qu’il ne soit prévu de se rendre au référendum.
Contacté par l’AFP, Belaid a confirmé qu’il retirait son soutien au repêchage.
Depuis sa prise de pouvoir initiale, Saied est passé au pouvoir par décret et a étendu ses pouvoirs sur le pouvoir judiciaire et le conseil électoral.
Certains Tunisiens ont salué ses actions contre le système sclérosé issu de la révolution qui a renversé le dictateur Zine El Abidine Ben Ali en 2011.
Mais d’autres ont manifesté dans les rues et ont averti que le président visait des rivaux politiques et ramenait le pays vers l’autocratie.
‘Complètement différent’
La constitution d’une « nouvelle république » est au centre du programme de Saied pour reconstruire le système politique tunisien.
Le président prévoit d’organiser un référendum sur la constitution le 25 juillet, pour marquer un an depuis sa prise de pouvoir.
Le projet de constitution publié la semaine dernière accorde au président de larges pouvoirs pour gouverner.
Il lui permet d’exercer « des fonctions exécutives avec l’aide du gouvernement », dont il nommerait le chef.
Le président dirigerait également les forces armées et nommerait les juges. Le projet de constitution affaiblit le rôle du parlement.
Belaid a averti que le document publié « contient des risques et des lacunes considérables ».
Il pointe spécifiquement un article, qui, selon lui, comporte un « danger imminent » car il donnerait au président « des pouvoirs très étendus… qui pourraient conduire à un régime dictatorial ».
« C’est pourquoi, en tant que chef du comité national de constitution… je déclare, à regret et en toute bonne conscience… que le comité n’a rien à voir avec le document que le président » soumettra pour approbation lors d’un référendum, a ajouté Belaid .
Le projet de constitution modifié augure d’un « mauvais avenir » pour le pays, a-t-il affirmé.
Ses appréhensions ont d’abord été publiées sous forme de lettre dans le journal Assabah, et il s’est confié par la suite à l’AFP, confirmant qu’il en était l’auteur.
« Le texte que j’ai rédigé après plusieurs semaines de travail avec la participation de dizaines d’experts à tous les niveaux est complètement différent du texte qui a été publié », a-t-il déclaré à l’AFP.
Contrairement aux constitutions antérieures de la Tunisie, le projet ne fait pas non plus référence à l’islam en tant que religion d’État ou base de la loi.
La constitution de 2014, un compromis durement gagné entre Ennahdha d’inspiration islamiste, qui était le plus grand parti du parlement, et ses rivaux laïcs a créé un système où le président et le parlement avaient des pouvoirs exécutifs.
Il a été adopté trois ans après la révolution de 2011 du pays nord-africain qui a renversé Ben Ali.
France 24, 03/07/2022
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