Rabat avait en tête l’expression « nous aurons toujours Paris », et il avait tort.
Pedro García Vázquez*
Je ne vois pas de meilleur moyen d’apporter une dose de romantisme au conflit généré par le Maroc à Ceuta que de faire référence à Casablanca, le film mythique avec Humphrey Bogart (Rick) et Ingrid Berman (Ilsa). Rabat avait en tête l’expression « nous aurions toujours Paris », et il avait tort. Cette fois, la France s’est rangée du côté de ses partenaires européens. Finie l’ambiguïté calculée à l’égard du pays du Maghreb, qui a voulu faire de la crise migratoire de Ceuta un conflit bilatéral avec l’Espagne et s’est retrouvé condamné par le Parlement européen, dans une résolution sans précédent.
Le Maroc a commis une erreur, et doit faire amende honorable. L’habile diplomatie alaouite, qui a réussi contre vents et marées à obtenir la reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara occidental, a du pain sur la planche. Enhardi par le soutien de Donald Trump, le gouvernement de Rabat a pensé que tout ce qui est vert était de l’origan, et que la pression serait le meilleur moyen d’atteindre ses objectifs stratégiques. Et ça a échoué.
La décision d’exclure les ports espagnols de l’opération traversée du Détroit (Marhaba, en arabe) est probablement une nouvelle tentative de faire pression sur les autorités espagnoles en raison du préjudice économique des compagnies maritimes et des autorités portuaires impliquées dans ce dispositif. Cependant, comme c’était le cas en 2020, je pense que c’est la meilleure nouvelle possible. Gérer le transit de dizaines de milliers de Nord-Africains dans le territoire espagnol, sans une collaboration totale entre les autorités espagnoles et marocaines, aurait été un non-sens, source probable de nombreux conflits. Et, à l’heure actuelle, la méfiance fait que tout geste par action ou par omission de la part de l’Espagne pourrait être considéré comme une supposée nouvelle agression envers Rabat.
Le début, ou plutôt la reprise, d’une belle amitié – pour paraphraser Rick – est ce dont les deux ont besoin. L’Espagne et le Maroc ne sont pas condamnés à être amis. Ils y sont obligés pour des raisons géographiques et stratégiques, mais surtout pour préserver les bonnes relations qui existent entre les peuples voisins. Alors, rejoue-la, Sam. Le temps passera. Les conflits territoriaux se poursuivront, mais le bon sens prévaudra. J’espère.
*Journaliste. Directeur de l’information de 7 Televisión y Publicaciones del Sur.
Andalucía información, 11 juin 2021
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