Le jugement imminent sur l’accord de pêche UE-Maroc dans les eaux du Sahara menace d’aggraver la crise.
La Cour de justice de l’Union européenne se prononcera dans les prochaines semaines sur le traité qui permet au Maroc de bénéficier économiquement d’activités commerciales en territoire occupé. Les représentants du Front Polisario soulignent que cette question est au cœur de la nouvelle crise ouverte entre l’Espagne et le royaume alaouite.
Rabat est à l’attente du Luxembourg. Dans quelques semaines, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) se prononcera sur le recours déposé par le Front Polisario contre l’accord de pêche avec le Maroc, qui permet l’exploitation des eaux du Sahara occidental au profit du royaume alaouite. Ce ne sera pas le premier jugement de ce type, mais il sera l’un des plus lourds de conséquences : la récente crise migratoire générée par le Maroc n’était qu’un avertissement de ce qui pourrait arriver si les tribunaux donnent encore la raison au peuple sahraoui.
« C’est l’un des éléments de fond de la crise actuelle entre le Maroc et l’Espagne », affirme depuis Bruxelles Oubi Bucharaya, représentant du Front Polisario auprès de l’Union européenne. Le diplomate sahraoui est optimiste, tout en mettant en garde contre la réponse possible de Mohamed VI : les derniers épisodes à Ceuta, souligne Bucharaya, « montrent le type de réaction que le Maroc pourrait mettre en place » si la Cour de justice de l’UE devait à nouveau se prononcer contre l’exploitation économique des territoires occupés – y compris leurs eaux – par Rabat.
Selon les chiffres de l’UE cités par le portail CE Sahraoui, le Maroc a exporté en 2019 « du poisson, des tomates et des melons du Sahara occidental vers l’Europe pour une valeur de 434 millions d’euros ». De cette manière, le royaume tire des avantages économiques des territoires occupés, ce qui heurte de front le droit international.
Un an plus tôt, la CJEU avait rendu une décision confirmant l’accord de pêche UE-Maroc, bien qu’elle ait averti que les eaux adjacentes au Sahara Occidental étaient exclues. « L’avocat général de cette cour a remarqué dans ses conclusions en 2018 que l’accord de pêche violait le droit international et violait le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui, alors que l’UE reconnaissait, bien qu’elle le nie, l’occupation du territoire », souligne Juan Soroeta, professeur de droit international public et de relations internationales à l’Université du Pays basque et président de l’Association internationale pour l’observation des droits de l’homme (AIODH).
Ces conclusions n’ont pas été mentionnées par la CJUE, qui s’est limitée à établir qu’à partir de cet arrêt, les accords avec le Maroc ne seraient conformes au droit international que s’ils avaient le consentement du peuple du Sahara Occidental. « La Commission européenne a ensuite envoyé une équipe de personnalités dans les territoires occupés pour rencontrer les associations de colons du territoire, après quoi ils ont fait un rapport dans lequel ils ont assuré qu’ils avaient le « consentement » du peuple du Sahara occidental parce que toutes les associations, sauf une, le Front Polisario, ont accepté leur demande », explique Soroeta, qui souligne un aspect essentiel : « Ce sont précisément les colons qui travaillent à l’exploitation des ressources naturelles du Sahara occidental ».
Ayant satisfait à cette exigence, le Conseil de l’Europe a porté l’accord commercial devant le Parlement européen, qui a voté en sa faveur, permettant ainsi son entrée en vigueur. Le Front Polisario a fait appel de cette décision, et la balle est maintenant dans le camp de la CJUE. « Pour accepter les accords, la Cour devra établir que l’opinion des colons est équivalente à celle de la population sahraouie, ce qui est une véritable barbarie », résume M. Soroeta.
Dans cette ligne, le professeur de l’UPV souligne que « la présence des colons dans les territoires occupés est illégale, car elle viole les Conventions de Genève qui interdisent expressément le transfert de population du territoire de l’État occupant vers le territoire occupé ».
« Pieuvre et crevettes »
Dans un rapport rédigé en février dernier, l’Office économique et commercial espagnol à Rabat fait précisément allusion à ces accords, en évitant que leur avenir soit en réalité entre les mains de la CJUE. « Le secteur de la pêche se caractérise par une ouverture croissante, qui se traduit par la création d’entreprises communes tant dans l’industrie extractive de la pêche que dans celle de la conserverie, de la congélation, etc. », souligne le document.
À cet égard, elle souligne que « les produits de la pêche marocains entrent sans payer de droits de douane dans l’UE après l’entrée en vigueur de l’accord UE-Maroc sur les produits agricoles et de la pêche d’octobre 2012. » « Fin juillet 2018, un nouvel accord de pêche a été signé pour une période de quatre ans, dont les avantages sont déjà étendus aux stocks.
Publico.es, 01 juin 2021
Etiquettes : Maroc, Sahara Occidental, Union Européenne, UE, Cour Européenne de Justice, CURIA, TJUE, accord de pêche UE-Maroc, Front Polisario,
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