La poussière de Ghaza atteint le Maroc

La poussière de Gaza atteint Rabat

Les actes pro-palestiniens au Maroc ternissent le rétablissement des relations avec Israël

La poussière de Gaza a atteint le Maroc, de l’autre côté de la barrière de Ceuta. Il y a quelques mois à peine, Mohamed VI a dû s’imposer à l’opinion publique et à son propre chef de gouvernement islamiste pour rétablir les relations diplomatiques avec Israël.

La suspension, en 2000, avait été provoquée par la deuxième intifada, elle-même provoquée par la marche d’Ariel Sharon sur l’Esplanade des Mosquées. Vingt et un ans plus tard, les dures charges policières sur la même scène à Jérusalem, puis aggravées par les images de destruction à Gaza, exigent de grands équilibres à Rabat.

Dimanche après-midi, trente-six heures avant le simulacre de marche verte à Ceuta, les titres des journaux marocains étaient différents. Soixante villes manifestaient « pour la libération de la Palestine » et « pour l’abolition de la normalisation ». Tout cela après que le gouvernement ait renoncé à les interdire comme auparavant, pour des raisons de santé.

L’ambassadeur d’Israël a quitté Rabat samedi « pour des raisons personnelles », mais Israël suit de près l’évolution de la situation au Maroc. Pas moins de dix des trente-quatre ministres de Beniamin Netanyahou sont nés au Maroc ou sont les enfants de Marocains. Aryeh Deri, de l’Intérieur, est né à Meknes. Amir Peretz, de l’économie, est né à Bejaad. L’étoile montante du Likoud, Amir Ohana, de la sécurité intérieure, est le fils de Marocains, comme Rafi Peretz, David Amsalem, Miri Regev, Orly Levy, Michael Biton, Merav Cohen et Miki Zohar.

Le commandant Eliezer Toledano, qui commande la campagne actuelle contre le Hamas à Gaza, est également fils de Marocains.

Pendant ce temps, les drones fournis par Israël ciblent les mouvements du Front Polisario. Précisément, l’argument utilisé par le ministre marocain des affaires étrangères – qui a passé dix ans à l’ONU – pour faire sortir du placard la relation avec Israël est que l’accord est allé de pair avec la reconnaissance de « la marocanité du Sahara occidental » par les États-Unis.

Peu de temps avant, au milieu de la gueule de bois de ce que l’on a appelé les accords d’Abraham, les Émirats arabes unis ont ouvert un consulat à Laayoune. Après le Bahreïn et le Soudan, le Maroc a signé.

Tout cela malgré les manifestations de l’année dernière au Maroc contre la « trahison » de la position panarabe traditionnelle, qui conditionne la normalisation à la création de l’État palestinien.

L’affaire de Gaza a atteint le Maroc. Mais bien avant cela, dans les années 1950, un quart de million de Juifs marocains sont arrivés aux portes de Gaza, occupant les localités d’où la population palestinienne avait été balayée – en direction de Gaza.

Aujourd’hui, ils sont au moins trois fois plus nombreux, le deuxième pays le plus représenté en Israël après la Russie. Au Maroc, il reste à peine trois mille sépharades, même si certains d’entre eux sont aussi importants que le conseiller de Mohamed VI, André Azoulay, père du directeur général de l’Unesco.

Dans les municipalités les plus exposées aux projectiles, comme Asderot, Ascalon ou Beersheba, la majorité de la population est Mizrachi, c’est-à-dire des Juifs originaires de pays arabes et musulmans.

Ce qui est nouveau, en revanche, c’est qu’après soixante-dix ans d’occupation d’une position subalterne dans la société d’Israël – un État fondé par des Ashkénazes d’Europe centrale, avec un niveau d’éducation plus élevé – une partie importante a progressé. Et il l’a fait en faisant pencher la Knesset vers la droite.

En tant que minorité relativement défavorisée, les Mizrajis sont aussi ceux qui vivent le plus souvent dans des villes mixtes. Derrière le cri de ralliement « mort aux Arabes » se cachent souvent des jeunes dont les parents et les grands-parents parlent arabe à la maison.

La spéculation immobilière féroce fait d’eux, ainsi que d’une minorité encore plus pauvre, les ultra-orthodoxes, les locataires les plus courants des colonies subventionnées sur la ligne de front de l’occupation.

Shas, le parti religieux des Mizrahim, est un bâton récurrent pour les majorités de Netanyahu, qui est ashkénaze. Mais sa propre base électorale est fondée sur les juifs orientaux.

Si Gaza n’a pas déclenché la marche sur Ceuta, elle l’a rendue pratique. Selon Mohammed Charef, directeur d’un observatoire des migrations, l’ouverture des frontières est une démarche soutenue par plusieurs pays.

Et elle couvre le dos d’un premier ministre, Saadedin al-Othmani, qui sur le papier est un islamiste et qui est sur la sellette sur la question palestinienne. Mohammed VI, conscient du moment, a compensé en envoyant deux avions d’aide à Gaza.

Enfin, le Maroc fonde de grands espoirs sur les investissements de ces fils prodigues, qui n’attendent que des vols directs. Le portail immobilier Mubawab assure que le trafic en provenance d’Israël « a quadruplé », même si les achats attendent que la poussière retombe.

La Vanguardia, 20 mai 2021

Etiquettes : Maroc, Israël, Palestine, Ghaza, Hamas, bombardement, agression, Jérusalem, Al Qods,

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