Espagne, Maroc et Arabie Saoudite : monarques alliés
Le 22 novembre 1975, Juan Carlos Ier prêtait serment en tant que roi d’Espagne, jurant fidélité aux principes qui structuraient le Mouvement national [franquiste]. Une semaine plus tôt, toujours en tant que prince et chef d’État par intérim (étant donné l’état de santé de Franco), il avait expédié la reddition de la dernière colonie espagnole, le Sahara occidental, au Maroc et à la Mauritanie, par le biais des Accords tripartites de Madrid. Le début de la seconde restauration bourbonienne dans notre pays [la première eut lieu de 1871 à 1934, NdT] était ainsi lié à l’une des pages les plus noires de la politique étrangère espagnole. Un événement au sujet duquel il semble régner une sorte d’amnésie collective, notamment en ce qui concerne le rôle e l’alors prince Juan dans la trahison du peuple sahraoui et la relation qui s’en est suivie avec la monarchie marocaine.
La prudence extrême dans le traitement de la figure et de l’image du monarque que les médias et l’establishment politique espagnols ont observé traditionnellement s’est traduite non seulement dans la couverture systématique des scandales « personnels » et financiers du roi émérite, mais elle a aussi consisté à éviter d’analyser son rôle dans les nombreux épisodes historiques dont il a été co-protagoniste. Les récentes révélations sur la fondation offshore Lucum, dans laquelle Juan Carlos I a thésaurisé 100 millions d’euros de commissions censément illégales en provenance d’Arabie Saoudite, ont été un véritable scandale d’État. Un de plus. Ce sont les enquêtes des tribunaux suisses sur son ancienne maîtresse Corinna Larsen et une série d’articles dans divers médias internationaux qui ont finalement mis fin à l’habituel black-out de l’information, rendant impossible la poursuite de la dissimulation des pots-de-vin.
Mais comment Juan Carlos en était-il venu à gagner la faveur de la théocratie totalitaire saoudienne au point d’accumuler une telle somme d’argent ? En tirant sur ce fil, nous pouvons reconstituer une longue histoire qui, depuis des décennies, a tissé une toile d’amitié, d’échanges de faveurs, d’équilibres géopolitiques et d’affaires juteuses. Le travail du roi émérite au service de la dynastie saoudienne a commencé avant même qu’il ne monte sur le trône, alors qu’il était encore un prince. Le journaliste Jaime Peñafiel explique comment « en 1973, alors qu’une grande crise pétrolière avait lieu en Espagne, Franco, qui connaissait déjà la proximité de Juan Carlos avec la famille Al Saoud, lui a permis de parler au roi saoudien pour qu’il puisse nous alimenter en pétrole à cette époque très compliquée. Il a également permis au monarque désormais émérite de se faire payer quelques centimes pour les milliers de barils qui sont entrés en Espagne à cette époque. C’est avec cette commission à laquelle [le Premier ministre] Adolfo Suarez donna également son approbation, que le roi a forgé sa fortune ».[1]
On a beaucoup parlé du rôle supposé de Juan Carlos Ier dans la promotion de l’économie espagnole au niveau international. Ce qui n’a pas été trop mentionné et qui sera difficile à quantifier un jour, c’est le prix que ses efforts diplomatiques tant vantés ont eu. Au moins, il semble évident maintenant qu’ils n’étaient ni gratuits ni encore moins transparents. Et les relations hispano-saoudiennes en sont un exemple clair. Car au-delà des commissions récemment découvertes ou des cadeaux somptueux comme le yacht Fortuna, l’Arabie saoudite a joué un rôle beaucoup plus important dans l’histoire récente de la monarchie espagnole.
Peu après que la monarchie parlementaire eut officiellement succédé à la dictature de Franco, le prince d’Arabie saoudite Fahd bin Abdelaziz al-Saoud a accordé un prêt sans intérêt de 100 millions d’euros à Juan Carlos Ier pour aider à « consolider la monarchie espagnole ». Un prêt dont on ignore, à ce jour, s’il a été remboursé. Certains esprits naïfs pourraient attribuer cette « générosité saoudienne » à une marque de courtoisie entre monarchies « amies ». Cependant, il n’est pas nécessaire d’avoir étudié un master en relations internationales pour savoir que la maison des Saoud a traditionnellement utilisé ce qu’on appelle la « diplomatie des pétrodollars » pour servir ses intérêts géostratégiques.
Le rôle de la politique internationale dans la consolidation du règne d’Hassan II
Quelques années avant ce prêt aux Bourbons, les Saoudiens avaient soutenu de manière décisive la consolidation du règne d’Hassan II au Maroc, devenant ses principaux soutiens et protecteurs dans le monde arabe. Il faut rappeler que la situation de la jeune monarchie marocaine à la fin des années 60 et au début des années 70 n’était pas exactement simple : elle avait subi deux tentatives de coup d’État en 1971 et 1972, elle rencontrait la réticence ou la suspicion d’une partie de l’armée, et les partis nationalistes fortement présents dans les villes remettaient son pouvoir en question. Face à cette situation d’instabilité interne, Hassan II a décidé d’avoir une politique étrangère agressive qui pourrait être un baume pour ses problèmes internes. Une politique étrangère qui reposait sur deux postulats : le renforcement des relations avec les pays arabes (contrecarrant au passage l’influence de l’Algérie) et l’annexion du Sahara espagnol. Deux piliers stratégiquement ordonnés dans le temps.
Tout d’abord, Hassan II s’est attaché à consolider ses relations avec la majorité des pays arabes. À cette fin, il a renforcé ses relations avec d’autres monarchies arabes (Jordanie, Arabie Saoudite et Émirats Arabes Unis), à partir d’un principe « de solidarité » dans la défense commune de leurs régimes respectifs, et d’autre part, il a envoyé un message au monde arabe avec la participation du Maroc à la guerre d’Octobre 1973 contre Israël. Un conflit qui, bien qu’il se soit terminé sans atteindre d’objectif militaire majeur, a permis d’améliorer les relations avec les pays de la Ligue arabe et, en même temps, de contenter une partie importante des commandants des Forces armées royales (FAR) de son propre pays.
Mais Hassan II a fait de « l’annexion du Sahara la pièce maîtresse de sa politique étrangère et la base sur laquelle établir définitivement le trône. Il avait un plan à moyen terme : occuper le peuple marocain, les militaires et politiques avec la revendication du Sahara, en attendant la crise de la succession espagnole. Ce fut un succès. La défense de la cause palestinienne et surtout la revendication du Sahara ont apporté une trêve dans la vie politique nationale »[2]. Pour mener à bien son plan d’annexion du Sahara occidental espagnol, Hassan II avait deux alliés fondamentaux : les USA et l’Arabie saoudite. Les premiers ont fourni le soutien géopolitique, la seconde l’argent. Mais procédons pas à pas.
Avec une Algérie socialiste et une Mauritanie incertaine, les USAméricains n’avaient aucun doute : dans la région, c’était sur le Maroc qu’il fallait miser. Mais ce soutien devait se faire sans déstabiliser l’Espagne voisine, qui se trouvait dans une situation très compliquée avec la mort imminente de Franco et une transition incertaine menée formellement par une monarchie bourbonienne en pleine résurrection. Ainsi, le secrétaire d’État usaméricain, Henry Kissinger, a décidé de forcer un accord entre les deux côtés du détroit de Gibraltar, en profitant du fait que les deux pays étaient alliés des USA dans le cadre de la Guerre froide. Ainsi, lorsqu’en novembre 1973, Kissinger a rencontré pour la première fois Hassan II, « l’USAméricain a déclaré qu’il partageait l’avis du roi selon lequel ce serait une erreur de créer un État artificiel appelé Sahara. En août de l’année suivante, Kissinger exprime la même idée au ministre Laraki, plus clairement, puisqu’il se montre opposé à l’indépendance du Sahara et est enclin à ce que le rôle dominant dans la région soit joué par le Maroc, et non par l’Algérie »[3].
De la combinaison de conseillers usaméricains et de financements en pétrodollars saoudiens est née l’opération d’occupation du Sahara, initialement baptisée Marche Blanche, puis renommée Marche Verte. Dans son livre La historia prohibida del Sáhara Español (L’histoire interdite du Sahara espagnol), Tomás Bárbulo raconte comment « un petit groupe de Marocains a été conseillé par des agents américains pour un projet secret appelé Marche blanche. Les travaux ont été financés par l’Arabie Saoudite et réalisés par un cabinet d’études stratégiques à Londres. Hassan II avait chargé son secrétaire à la Défense, le colonel Achahbar, de superviser les travaux (…) le secrétaire d’État américain a clôturé la rétrocession du Sahara au Maroc par un télégramme envoyé à Rabat depuis l’ambassade des États-Unis à Beyrouth : « Laissa pourra parfaitement se dérouler dans les deux mois. Il l’aidera en tout », disait le texte. Laissa était le nom de code de la Marche blanche, que Hassan II lancera deux mois plus tard, sous le nom de Marche verte. Il, c’étaient les USA »[4].
Le 16 octobre 1975, le Tribunal international de justice de La Haye a émis un avis sur les revendications du Maroc et de la Mauritanie sur le territoire du Sahara. Le tribunal international écrivait qu’ « aucun lien de souveraineté territoriale n’a été établi entre le territoire du Sahara occidental et le Royaume du Maroc ou le complexe mauritanien. Ainsi, la Cour n’a trouvé aucun lien juridique de nature (…) à modifier la décolonisation du Sahara occidental et en particulier le principe d’autodétermination par l’expression libre et authentique de la volonté des peuples du territoire ». Cet avis constituait une défaite diplomatique manifeste pour les aspirations d’Hassan II sur le Sahara, face à laquelle il décida d’accélérer ses plans d’invasion. Rapidement, le monarque s’est adressé à son pays et au monde entier, annonçant le début de la Marche verte. « Il ne nous reste plus qu’à reprendre notre Sahara, dont les portes nous ont été ouvertes ».
Il rendit alors publique l’annonce historique qu’il avait soigneusement préparée avec l’aide de Kissinger : dans quelques jours, le roi lui-même mènerait vers ce territoire une marche pacifique de civils, protégée par les Forces armées royales[5].
Mais la Marche verte conçue par les USA et financée par l’Arabie Saoudite n’était pas seulement une stratégie militaire pour occuper le Sahara espagnol, frustrant ainsi le processus de décolonisation qui aurait dû s’ouvrir. C’était aussi un mouvement d’exaltation patriotique fondamental pour la consolidation de la monarchie d’Hassan II. Comme le souligne Javier Otazu, « la Marche verte, qui a ensuite marqué la vie de générations entières de Marocains, a enlevé aux partis nationalistes l’essence même de leur discours patriotique et les a contraints à se replier sur une nécessaire union nationale face à la guerre du Sahara qui a suivi et qui a duré quinze ans »[6]. Depuis lors, les dates les plus importantes du calendrier officiel marocain sont devenues la Fête du Trône et l’anniversaire de la Marche Verte : les deux événements fondamentaux dans la consolidation de la monarchie alaouite.
Selon les chroniques officielles, le 6 novembre 1975, alors que la puissance occupante espagnole est suspendue à l’agonie d’un dictateur, un détachement de 350 000 civils arborant des drapeaux marocains et portant des portraits d’Hassan II a traversé la frontière du Sahara espagnol avec beaucoup d’enthousiasme., On estime à 25 000 le nombre de soldats marocains des Forces armées royales (FAR) qui marchaient parmi les civils censés être désarmés. Et c’est à ce moment précis que le prince Juan Carlos entre en jeu dans toute cette histoire.
L’occupation du Sahara et le rôle de Juan Carlos Ier
Après la mort de l’amiral Carrero Blanco, le principal défenseur du maintien du Sahara comme colonie espagnole, et avec un Franco mourant, il semblait peu probable que le prince Juan Carlos décide de risquer l’avenir de la couronne dans une aventure africaine impliquant une éventuelle confrontation militaire avec le Maroc. Ou du moins, cela a toujours été la tentative d’explication la plus plausible pour justifier les décisions et les mouvements du prince Juan Carlos dans la crise politique du Sahara : un mélange d’opportunisme et de conservatisme qui aurait conduit à l’abandon du Sahara en échange de la sécurisation de sa couronne. Mais les récentes déclassifications de documents confidentiels de la CIA sur ce sujet indiquent que le monarque émérite a joué un rôle beaucoup plus actif dans l’occupation marocaine du Sahara espagnol. Et une fois de plus, nous devons nous fier à des sources extérieures.
En janvier 2017, 12 millions de pages de la CIA ont été déclassifiées, dont 12 500 traitent de l’Espagne. Dans beaucoup d’entre elles, le nom de Juan Carlos I se distingue. Selon les informations révélées par le service de renseignement US, le roi émérite est devenu l’un des informateurs les plus précieux des USA, fournissant des informations confidentielles à son contact à Madrid, l’ambassadeur Wells Stabler. Mais en outre, les documents de la CIA précisent que le rôle de l’ancien monarque ne se limitait pas à la médiation pour résoudre un conflit qui s’est terminé par le retrait de l’armée espagnole du Sahara. Au contraire, « Juan Carlos a passé un accord secret avec Hassan II pour que le détachement avancé de la gigantesque Marche verte, par laquelle le Maroc a pris possession du Sahara occidental, puisse pénétrer de quelques centaines de mètres dans la colonie espagnole dont l’armée espagnole s’était auparavant retirée de la frontière nord. Il a également accepté qu’une délégation d’une cinquantaine de fonctionnaires et d’espions marocains pénètre à El Ayoun, la capitale du Sahara, à la même heure. Cette double cession, qui a consommé la conquête marocaine de la dernière colonie espagnole, est consignée dans certains documents déclassifiés de la CIA[7].
De plus, quelques jours avant l’entrée officielle de la Marche verte au Sahara occidental, alors que le prince Juan Carlos assumait le poste de chef de l’État par intérim, des unités des FAR ont envahi le nord de la colonie, occupant des postes abandonnés par l’armée espagnole. Les troupes espagnoles avaient reçu l’ordre de Madrid de regarder ailleurs. Seul le Front Polisario a affronté les envahisseurs, à la stupéfaction des troupes coloniales espagnoles qui voyaient l’occupation marocaine entre impassibilité et impuissance.
Le 1er novembre, cinq jours avant l’arrivée de la Marche verte dans le Sahara espagnol, Juan Carlos, en tant que chef d’État par intérim, a réuni à La Zarzuela le gouvernement et les chefs d’état-major de l’armée pour les informer qu’il se rendrait à El Ayoun. « Franco est à deux pas de la mort et je suis l’héritier… en fonction. Je vais donc me rendre à El Ayoun pour expliquer à Gomez de Salazar (gouverneur du Sahara espagnol) et à ses hommes ce que nous devons faire et comment nous allons le faire. Nous allons nous retirer du Sahara, mais en bon ordre et avec dignité. Non pas parce que nous avons été vaincus, mais parce que l’armée ne peut pas tirer sur une foule de femmes et d’enfants désarmés ». La justification de Juan Carlos était totalement incohérente, car les services secrets espagnols et l’armée espagnole elle-même avaient signalé la présence de milliers de soldats des FAR au sein de la Marche verte. Mais l’argument anticipait le cynisme qui allait être la marque de fabrique du futur monarque.
Un cynisme que Juan Carlos allait répéter à son arrivée à El Ayoun, cette fois devant les commandants militaires stationnés au Sahara. Selon la transcription officielle elle-même, le jeune prince affirma : « L’Espagne respectera ses engagements et nous souhaitons protéger les droits légitimes de la population civile sahraouie »[8]. Seulement deux semaines plus tard, le 14 novembre 1975, les accords tripartites ont été signés à Madrid, par lesquels l’Espagne a remis unilatéralement le Sahara occidental à une administration tripartite formée par l’Espagne elle-même, le Maroc et la Mauritanie. Le but de ces accords n’était autre que de légaliser l’occupation marocaine et mauritanienne du Sahara. Une occupation qui était alors presque terminée et qui allait déclencher une guerre sanglante qui dura plus de quinze ans. L’Assemblée générale des Nations unies a rejeté les prétendus « Accords de Madrid » ainsi que l’occupation, en adoptant une résolution qui exigeait le respect du droit international, appelait l’Espagne à conclure le processus de décolonisation et reconnaissait le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination.
Certains auteurs soulignent que le prince Juan Carlos a renoncé au Sahara espagnol par crainte de se lancer dans une guerre coloniale aux résultats incertains. Et que l’expérience portugaise en Angola et au Mozambique, prélude à la Révolution des Œillets qui suivra, a pesé lourd dans les décisions et les craintes de la hiérarchie franquiste et surtout du futur monarque, dans cette décision. Mais ce calcul prétendument « stratégique » omet de préciser qu’il y avait toujours une alternative sur la table : que l’Espagne délègue ses responsabilités de puissance décolonisatrice, en transférant pour une période intérimaire de six mois l’administration du territoire à l’ONU, qui aurait organisé et supervisé le référendum d’autodétermination au Sahara. Cela était stipulé dans le Plan Waldheim que le Secrétaire général des Nations unies a proposé avec insistance pour garantir une solution qui préserverait les droits du peuple sahraoui et permettrait à l’Espagne de remplir ses engagements internationaux. Une proposition que Juan Carlos I, en tant que chef d’État en exercice, a directement rejetée.
De l’occupation du Sahara à la restauration bourbonienne
C’est ainsi que naît la nouvelle monarchie espagnole, qui rend hommage aux intérêts des USA en exécutant leur ordre de reddition du Sahara au Maroc. Comme l’écrit Bernardo Vidal, un militaire espagnol stationné au Sahara et membre de l’Union militaire démocratique (UMD), « L’apogée de l’ère franquiste, ou le début de la monarchie, appelez ça comme vous voulez, a été ce qu’on a appelé la décolonisation du Sahara, qui, en pure éthique militaire ou politique, pourrait être qualifiée de tromperie ou de trahison (…) humiliante tromperie des militaires espagnols, qui ont joué le rôle de marionnettes au service d’intérêts très spécifiques et de la poignée de ceux qui, sur ordre des USA, ont vendu le Sahara au Maroc »[9].
Sur l’échiquier mondial de la Guerre froide, l’administration usaméricaine était prête à tout pour ne pas permettre l’instauration d’un régime socialiste favorable à l’Algérie, alliée des Soviétiques, dans une zone d’une importance stratégique comme le Sahara occidental, tant par sa situation géographique que par ses ressources en phosphate. En outre, dans le même mouvement, ils ont assuré la stabilité de la monarchie marocaine, rivale de l’Algérie et située sur le flanc nord-ouest de l’Afrique, avec un littoral sur deux mers et la capacité de contrôler le détroit qui relie la Méditerranée et l’Atlantique. De même, l’Arabie saoudite s’est assuré un allié important au sein de la Ligue arabe, particulièrement bien venu depuis la chute des monarchies d’Irak (1958) et de Libye (1969).
Dans un autre des rapports déclassifiés par la CIA, fait avant l’occupation marocaine du Sahara, le futur monarque Juan Carlos est décrit comme une personne peu capable de mener une transition démocratique et, surtout, le peu d’enthousiasme populaire pour la restauration monarchique en Espagne est souligné : « Il y a peu d’enthousiasme pour Juan Carlos et la monarchie en Espagne, mais une certaine disposition à le soutenir car il n’y a pas de meilleure alternative », dit le document. « S’il parvient à préserver l’ordre public tout en parvenant à l’ouverture politique, il gagnera des soutiens. Le défi est énorme. Et il est peu probable que le nouveau roi ait les qualités nécessaires pour le relever[10].
Cependant, après le rôle joué dans le conflit du Sahara, la figure de Juan Carlos en tant qu’allié international des USA a pris du poids dans les rapports de la CIA, jusqu’à ce qu’il soit désigné comme le « moteur du changement » dans un mémo de 1983.
Mais outre le début des juteuses commissions saoudiennes sur les comptes secrets que nous ne connaissons que maintenant, Juan Carlos a obtenu d’autres récompenses importantes grâce à sa « gestion » du conflit sahraoui. À l’époque, le jeune prétendant au trône et les élites politiques espagnoles qui dirigeaient la transition post-franquiste étaient bien conscients que l’un des principaux obstacles à la restauration des Bourbons était le manque de légitimité internationale, surtout après leur refus de tenir une consultation populaire pour entériner la monarchie de peur de la perdre, comme Adolfo Suarez lui-même l’a admis dans un moment de relàachement. Et c’est là que la Maison Blanche a rendu une partie de la faveur du Sahara à Juan Carlos, le recevant aux USA pour son premier voyage officiel en tant que roi, avec la reconnaissance internationale dont il avait besoin.
Nous ne saurons peut-être jamais si ce prêt sans intérêt de 100 millions d’euros accordé par l’Arabie saoudite à Juan Carlos Ier pour aider à « consolider la monarchie espagnole » était une autre « commission » pour son rôle de premier plan dans l’occupation marocaine du Sahara occidental qui intéressait tant Riyad. Ce qui ne fait aucun doute, c’est que l’occupation du Sahara est devenue un événement historique indispensable pour comprendre l’évolution ultérieure de la consolidation des monarchies marocaine et espagnole. C’est ainsi que les deux maisons royales étaient intimement liées, comme on l’a vu il y a un peu plus de vingt ans, lorsque Juan Carlos a été ému aux larmes en présentant ses condoléances à Mohamed VI pour la mort de son père, Hassan II, décédé à Rabat le 23 juillet 1999. En quittant les funérailles, le monarque espagnol a déclaré : « J’ai dit au roi Mohamed VI que tout comme, le roi Hassan II était mon frère aîné, je suis maintenant son frère aîné ». En fin de compte, tout reste en famille.
Notes
1/ www.revistavanityfair.es/realeza/articulos/rey-juan-carlos-relacion-arabia-saudi-comisiones/34261
2/ Rodríguez Jiménez, José Luis. “Agonía, traición, huida. El final del Sáhara español. Critica 2015. pp 288
3/ Rodríguez Jiménez, José Luis. “Agonía, traición, huida. El final del Sáhara español. Critica 2015. pp 705
4/ Barbulo, Tomas: “La historia prohibida del Sáhara Español.” Península 2017. pp 269
5/ Barbulo, Tomas: “La historia prohibida del Sáhara Español.” Península 2017. pp 273-274
6/ Otazu, Javier: “Marruecos, El extraño vecino”. Catarata 2019. pp 63
7/ www.vanitatis.elconfidencial.com/casas-reales/2019-07-23/hassan-ii-aniversario-20-muerte-juan-carlos-rey_2138847/
8/ Barbulo, Tomas: “La historia prohibida del Sáhara Español.” Península 2017 pp 289
9/ Barbulo, Tomas: “La historia prohibida del Sáhara Español.” Península 2017. pp 347
10/ www.elespanol.com/espana/politica/20170118/186981945_0.html
Miguel Urbán
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