Rémy Heitz nouveau procureur de Paris (choisi par Macron himself) marche-t-il sur les brisées de son prédécesseur François Molins, le virtuose du « circulez, il n’y a rien à voir » ?
Vous savez François Molins c’est ce procureur qui a refusé que l’on instruise sur les raisons de la disparition du coffre de Benalla et évidemment sur ce qu’il y avait dedans. Rappelons qu’au cours d’une perquisition absolument rocambolesque, grande première dans l’histoire judiciaire française la police s’était retirée avant d’effectuer la perquisition au domicile du gorille. Pour revenir et constater le lendemain que, ô surprise, le coffre personnel de Benalla avait disparu. Depuis, tout le monde se pose la question d’un air entendu : « qui a embarqué le coffre ? Qu’y avait-il donc de si important dans celui-ci ? Et pourquoi tout cela n’a pas intéressé Monsieur Molins ? » Les méchantes langues disent que poser la question c’est y répondre.
Eh bien, son successeur face au scandale provoqué par l’ahurissante affaire des passeports diplomatiques du body guard semble aussi avoir choisi son camp. On rappelle que pour effectuer des déplacements d’affaires en Afrique et notamment rencontrer quelques jours avant Emmanuel Macron le président du Tchad Alexandre Benalla aurait utilisé des passeports diplomatiques restés en sa possession après son licenciement, et ferait assez ouvertement, voire officiellement dans des courriers rendus publics, état de liens quasi organiques avec les services de l’Élysée. Le scandale bat son plein, et prudemment Jean-Yves le Drian s’est fendu d’un signalement au parquet de la non-restitution des documents à son ministère qui les avait délivrés.
Le parquet de Paris nous annonce précipitamment (histoire d’éteindre l’incendie ?) l’ouverture d’une enquête préliminaire pour la recherche de plusieurs infractions. Dont la presse parle en mettant en avant le délit « d’abus de confiance » prévue à l’article 314-1 du code pénal :
« L’abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé. L’abus de confiance est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. »
On pouvait craindre à la lecture de ce texte et la connaissance de son application que le parquet souhaite aller vers un enlisement. Car considérer que le fait de ne pas avoir rendu les passeports caractérise en abus de confiance est un peu tiré par les cheveux. L’article 314–1 vise essentiellement le détournement d’argent ou d’objets de valeur. Malgré une recherche approfondie en jurisprudence il est à craindre qu’il n’y ait pas précédent en matière de non-restitution de passeport.
Mais on apprend qu’est aussi visé dans ses deux alinéas l’article 433-13 du code :
« Est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait par toute personne :
1° D’exercer une activité dans des conditions de nature à créer dans l’esprit du public une confusion avec l’exercice d’une fonction publique ou d’une activité réservée aux officiers publics ou ministériels. 2° D’user de documents ou d’écrits présentant, avec des actes judiciaires ou extrajudiciaires ou avec des documents administratifs, une ressemblance de nature à provoquer une méprise dans l’esprit du public. »
Première observation amusante, l’article 433–12 a déjà été appliqué à Benalla pour l’usurpation de fonctions considérées comme effective lorsqu’il a joué les flics place de la Contrescarpe. Il les aura tous faits…
Cette fois-ci, il est visé par des soupçons de s’être comporté après son licenciement comme un agent officiel mandaté par l’Élysée, notamment en utilisant les fameux passeports. Ce qui est intéressant dans ces incriminations c’est que le parquet prend parti dans la polémique qui oppose l’Élysée et Benalla. Ce dernier prétend que tout ce qu’il a fait, l’a été en l’informant l’Élysée où il a gardé des contacts et quasiment avec leur accord. A priori l’enquête qui va se dérouler ne portera pas sur le comportement des services de l’Élysée dans leurs rapports postérieurs au mois de juillet avec Benalla, mais uniquement sur les activités de celui-ci entreprises à l’aide des passeports diplomatiques.