Constitution algérienne de 1976 concernant le statut des femmes
• Article 39 : « Les libertés fondamentales et les droits de l’homme et du citoyen sont garantis. Tous les citoyens sont égaux en droits et en devoirs. Toute discrimination fondée sur les préjugés de sexe, de race ou de métier, est proscrite. »
• Article 40 : « La loi est la même pour tous, qu’elle protège, qu’elle contraigne ou qu’elle réprime. »
• Article 41 : « L’État assure l’égalité de tous les citoyens en supprimant les obstacles d’ordre économique, social et culturel qui limitent en fait l’égalité entre les citoyens, entravent l’épanouissement de la personne humaine et empêchent la participation effective de tous les citoyens à l’organisation politique, économique, sociale et culturelle. »
• Article 42 : « Tous les droits politiques, économiques, sociaux et culturels de la femme algérienne sont garantis par la Constitution. »
Le Code de la famille
• 1er article : « Toutes les relations entre les membres de la famille sont régies par les dispositions de cette loi », c’est-à-dire du code de la famille.
Comment est venu ce code ? Après deux tentatives avortées à la suite d’un fort rejet de la population, en 1966, une première version du Code de la famille est adoptée en 1984. Ce code est en régression théorique par rapport à la Constitution de 1976.
Il relègue la femme au statut de mineure, légalise la polygamie, et permet à l’homme, en cas de divorce, de conserver le domicile sans avoir à assurer les besoins de sa famille.
Révision de 2005
En 2005, après plusieurs débats, ce code est légèrement modifié. Contrairement aux attentes de militantes féministes algériennes, le wali, tuteur lors du mariage, est conservé, pour ne pas heurter la virilité de l’Algérien. Aussi la polygamie est soumise à l’assentiment de la première femme, et le code impose à l’époux d’assurer le logement des enfants, qui sont désormais confiés à la mère.
Dispositions majeures de la réforme. Cette révision a touché plusieurs aspects en renforçant les droits de la femme. Elle a touché avant tout le mariage et sa dissolution.
Mariage. La révision a introduit dans le code de la famille une notion qui n’existait pas dans la précédente mouture : la volonté de chacun des futurs conjoints de s’engager dans une union matrimoniale.
La révision a également mis fin à la différence de l’âge minimum légal de mariage entre sexes. Cet âge a été uniformisé à 19 ans, l’âge de la majorité légale.
A la suite de cette révision, le rôle du wali de la future épouse a été limité à celui de simple représentant, alors qu’il avait le pouvoir de refuser ou accepter le mariage de la future épouse auparavant. Par ailleurs, la réforme a restreint la polygamie en la limitant à des cas précis, tels que le handicap de la première épouse ou son incapacité à procréer, et en la soumettant à l’autorisation d’un juge après consultation de cette dernière.
De plus, la réforme a supprimé l’obligation aux femmes mariées voulant voyager à l’étranger d’avoir une autorisation de sortie du territoire signée par l’époux. Elle a instauré également la possibilité aux femmes divorcées de signer l’autorisation parentale de sortie du territoire pour leurs enfants mineurs pour qu’ils puissent voyager à l’étranger, alors que seul le père pouvait émettre cette autorisation auparavant.
Filiation. La filiation et la transmission de la nationalité algérienne ont été modifiées.
L’article 44 établit la reconnaissance de maternité, ce qui permet à la mère célibataire de reconnaître son enfant et de lui transmettre son patronyme. De manière générale, en effet, la filiation est exclusivement patrilinéaire et d’ordre juridique (le droit algérien ne reconnaissait que la filiation légitime).
Par ailleurs, les femmes peuvent désormais transmettre la nationalité algérienne à leurs enfants nés de mariages avec des étrangers.
Enfin, l’expertise scientifique (test de paternité, par analyse de sang ou test ADN) est désormais acceptée: l’article 40 du Code algérien permet au juge de « recourir aux moyens de preuves scientifiques en matière de filiation ». Cependant, le droit au respect de l’intégrité physique garanti par la Constitution (art. 34) peut permettre au sujet de refuser cette analyse.
Anti-constitutionnalité. Même après les amendements du Code de la famille de février 2005, certains affirment que ces articles contreviendraient toujours à l’article 29 de la Constitution algérienne qui prévoit l’égalité devant la loi « sans que puisse prévaloir aucune discrimination pour cause de naissance, de race, de sexe, d’opinion ou de toute autre condition ou circonstance personnelle ou sociale» . Ainsi, l’article 93 du code continue à imposer que le tuteur testamentaire soit musulman. Le nouvel article 32 n’annule plus le mariage en cas d’apostasie mais la considère toujours comme un empêchement au mariage. De même, un apostat ne peut hériter d’un parent musulman selon l’article 1381.
Vie sociale et droits politiques
• Une nouvelle loi a été promulguée permettant notamment aux femmes une meilleure représentation au niveau des assemblées élues.
Concernant la représentation des femmes au niveau politique, la loi organique n° 12-03 du 12 janvier 2012 prévoit dans son article premier que « [cette loi] définit les modalités augmentant les chances d’accès de la femme à la représentation dans les assemblées élues », ouvrant ainsi la voie à l’instauration d’un quota prédéfini pour les femmes sur les listes électorales.
En 2012, les femmes entrent massivement (146 femmes élues, soit un taux de 31,6%) à l’Assemblée populaire nationale (APN), jusque-là occupée quasi exclusivement par des hommes.
• Une autre loi qui instaure un fonds d’aide aux femmes divorcées.
Cet argent est donc versé aux mères directement notamment quand le père n’a pas de revenus stables. Mais il est tenu de rembourser à l’Etat la pension versée. Cependant, l’application de cette disposition tarde à venir.
• Une loi contre les violences faites aux femmes.
En 2015, les violences faites aux femmes relève du code pénal et l’auteur est passible de prison.
La loi n° 15/19 du 30 décembre 2015 criminalise la violence conjugale, le harcèlement de rue, le vol entre époux et la dépossession des biens de la femme par l’époux. Agresser son conjoint ou son ancien conjoint est passible d’une peine allant jusqu’à vingt ans de prison, en fonction des blessures de la victime, et si l’agression provoque la mort de la victime, son auteur encourt la prison à perpétuité. Fait nouveau, ces amendements criminalisent également le harcèlement sexuel dans les lieux publics.
Cette loi a été bloquée au niveau du Parlement par les islamo-conservateurs. Cela dit, une campagne contre ce blocage a été menée pendant des mois par les militantes, entre autres des moudjahidates [terme qui renvoie aux femmes combattantes de la révolution], des étudiantes, des politiciennes …
Malheureusement, cette loi contient une clause : « Le Pardon ». [Le pardon de l’épouse met fin aux poursuites judiciaires dans les cas les moins graves, mais elles sont maintenues, bien qu’allégées, dans les plus graves. Soumia Salhi, féministe et syndicaliste, reconnaît une « avancée », mais souligne cependant que « la clause sur le pardon pose problème car c’est une mise en échec de la parole des femmes et un message d’impunité aux auteurs des violences ».]
Le poids de la société
Malgré cet arsenal juridique en faveur de la femme, les droits des femmes en Algérie ne sont pas accompagnés d’une évolution significative au niveau des mentalités et des attitudes envers ces mêmes droits.
La famille qui constitue le noyau de la société est la première à entretenir et à percuter les us et traditions. Les filles en dépit de leur instruction se soumettent au diktat du conservatisme. Cependant, la situation d’une région à l’autre change. Par exemple, dans les grandes villes, les femmes se sont imposées notamment par le travail. Ce qui n’est pas le cas dans les villages et les localités reculées du pays.
Abordant le monde du travail, après la scolarisation obligatoire pour les filles et les garçons instaurée au lendemain de l’indépendance, les femmes ont réussi à émerger dans certains domaines. Et des années après, les voilà qui constituent la force de travail, par exemple, dans l’éducation, l’enseignement supérieur, la santé ainsi que l’administration.
En Algérie, dans le secteur public, la discrimination salariale n’existe pas. Travail égal, salaire égal. Il faut relever que dans le secteur dit informel et le secteur privé la précarisation de l’emploi est conjuguée au féminin. La femme algérienne est capable de relever les défis dans des secteurs qui auparavant étaient la chasse gardée des hommes. Elles sont pilotes, conducteurs de métro, ingénieurs dans le Sud…
Cela dit, ces femmes actives n’arrivent pas aux postes de responsabilité. 5% des postes seulement sont occupés par les femmes. Des avancées notables sont réalisées en faveur des droits de la femme.
Toutefois, en Algérie, il est constaté un recul dans la lutte pour l’émancipation de la femme. En outre, il est à relever que le combat des femmes est élitiste et citadin. Les couches sociales défavorisées, les localités les plus reculées ne s’impliquent pas dans ce combat. Absence de prise de conscience des femmes par rapport à leur situation. Des campagnes sont lancées dans ce sens. En vain. Il y a une absence de mouvement associatif féminin qui prenne en charge ces revendications, régression de la société (conservatisme et religiosité) n’aidant en rien notre cause.
Cependant un espoir existe. Des jeunes femmes relancent le combat et mènent des campagnes. Celles-ci ne sont pas issues de tradition de gauche et ne sont pas militantes politiques. Toutefois, elles ont compris l’enjeu et la réalité de leur situation qu’elles veulent changer et améliorer.
Pour rappel, la première discrimination institutionnelle contre les femmes fut et reste le code de la famille obscurantiste et moyenâgeux. Et la première revendication des militantes pour les droits et l’émancipation de la femme reste et demeure l’abrogation du code de la « honte ».
A ce titre, il reste beaucoup de choses à accomplir ; il est donc de notre devoir de mener cette bataille avec toutes les Algériennes qui aspirent à des lois égalitaires et citoyennes.
Ce texte de Keltoum Ben est issu d’une conférence donnée en Suisse en janvier 2018.
http://alencontre.org/moyenorient/algerie/algerie-les-droits-des-femmes-beaucoup-reste-a-faire.html
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