Mehdi Benchabane
Souvent vues comme étant limitées par le processus de colonisation, l’établissement des frontières au Maghreb est nettement plus ancien.
« Dans le cas du Maghreb, il en est, à mon avis, tout autrement car on peut dire qu’entre le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, les frontières sont d’une ancienneté tout à fait exceptionnelle et que leur tracé ne résulte en rien de dominations étrangères. Ne correspondant, ni à des accidents naturels, ni à des contrastes culturels (et ceci me parait essentiel), elles sont de beaucoup antérieures à l’installation de la domination ottomane au début du xvie siècle, sur l’Algérie et la Tunisie. C’est du moins le cas dans les régions septentrionales, où se trouve
depuis toujours l’essentiel de la population. » (Yves Lacoste, géographe)
Les frontières tunisiennes sont en réalités les plus anciennes, c’est un héritage de Carthage. Zone la plus urbanisée d’Afrique sous les Romains, elle garda cette délimitation (approximative bien sûr) même après l’arrivée des musulmans (Ifriqiya). L’Empire ottoman ne fit que consolider cette frontière au XVIème siècle à partir du territoire de la dynastie maghrébine précédente les Hafsides (XIIIè-XVIème siècle) aux limites de l’actuelle Algérie.
Les beylicat de Tunis et celui d’Alger ne firent que s’appuyer sur une frontière déjà existante entre les deux futures nations.
La frontière algéro-marocaine est un peu plus récente et s’est approximativement fixée au XIIIème siècle suite à la rivalité entre les Mérinides (Maroc) et les Zianides (ouest algérien) notamment autour de la ville de Tlemcen. Elle devint la frontière entre le territoire des sultans Saadiens (Maroc) et la province ottomane d’Alger au XVIème siècle.
Contrairement aux idées reçues, les frontières géographiques du Maghreb sont très anciennes. Elles sont le résultat de l’économie (circulation de l’or jusqu’aux ports maghrébins durant le Moyen Age) et des rivalités politico-historiques entre les différents pouvoirs tribaux maghrébins.
Le pouvoir colonial français entérina ses frontières septentrionales et les délimita avec précision, mais il ne fut pas du tout celui qui les traça dans leur globalité. Le grand sud, mis à part, les choses étant un peu plus complexes.
Pour l’anecdote, rappelons que seule la dynastie Almohade ( الموَحدون) unifia le Maghreb dans sa totalité au XIIème et XIIIème siècle.
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