Déborah GUIDEZ
L’Union du Maghreb Arabe est incontestablement la structure régionale qui connaît le plus de difficultés dans son orientation, sa politique et ses initiatives. Analyse d’une organisation intergouvernementale en proie à des divergences internes, en particulier territoriales.
L’UMA a décidé en janvier dernier de se doter d’une banque régionale, à l’occasion de la 5ème conférence sur l’intégration économique maghrébine. La Banque maghrébine d’investissement et de commerce extérieur était un projet de longue date ; sa concrétisation effective étant l’objet de la 5ème conférence. Dorénavant dotée d’un capital de 100 millions de dollars, elle est « destinée à financer l’intégration maghrébine à travers des projets structurants {…} tout ce qui touche aux nouvelles technologies aussi, mais également des autoroutes qui peuvent relier les différents pays maghrébins » explique Sid’ Ahmed Ould Raiss, gouverneur de la banque centrale de Mauritanie.
Cette réalisation première constitue-t-elle un pas décisif ? Bien qu’il soit trop tôt pour y apporter un élément de réponse, le fait est que cette volonté d’agir de manière concertée s’est longtemps fait attendre. Créée en 1989, l’UMA est composée de l’Algérie, de la Mauritanie, du Maroc, de la Tunisie et de la Lybie, l’objectif premier étant d’organiser le Maghreb autour d’un grand ensemble régional. Malgré une certaine homogénéité culturelle, des ressources naturelles, un important potentiel énergétique, industriel et agricole et la proximité des marchés européen et africain, l’organisation n’a su laisser place à des avancées significatives. Pour cause, le Conseil des chefs d’États ne s’est pas réuni depuis 1994, malgré la tentative du Président tunisien Moncef Marzouki, deux mois après son élection, de relancer l’UMA en février 2012.
Ce manque d’initiatives et de projets s’explique principalement par un conflit non résolu : celui du Sahara occidental. Outre certains obstacles à surmonter pour une véritable intégration régionale (règles de transparence, libéralisation des échanges et harmonisation juridique entre autres), le frein à toute avancée réside dans le désaccord qui oppose toujours le Maroc et l’Algérie. Un bref historique paraît nécessaire : le territoire du Rio de Oro et de la Seguiet el-Hamra, situés dans le Sahara occidental, se sont retrouvés libérés de la domination espagnole en 1975 pour ensuite être annexés par le Maroc. Le Front Polisario revendique ce territoire et y installe la République arabe sahraouie démocratique (RASD) l’année suivante. Ce conflit mériterait une présentation exhaustive ; toutefois, afin de résumer de manière succinte, la revendication territoriale oppose l’État du Maroc aux autochtones, réunis sous la bannière du Front Polisario.
Les relations diplomatiques tendues entre le Maroc et l’Algérie s’expliquent par le soutien de celle-ci au Polisario, et ce dès le début du conflit, en vertu du droit des peuples à l’autodétermination. Par ailleurs, le gouvernement de la RASD et nombre de réfugiés sahraouis se situent à Tindouf, ville algérienne. Ce conflit perdure et paralyse toutes les négociations entreprises pour rendre l’UMA effective, en particulier depuis 1994, date à partir de laquelle l’Algérie et le Maroc prennent la décision de fermer leur frontière commune. Les deux États représentant à eux seuls 55% du PIB et 72% de la population de l’UMA, il est aisément compréhensible que la viabilité même de l’Union soit remise en cause.
Échec d’ordre politique donc, mais également économique. L’absence d’un marché commun a un coût élevé pour les pays : alors que des accords énergétiques ou agroalimentaires favoriseraient le commerce interne et réduiraient ainsi les coûts d’importation, certaines entreprises marocaines, prises au piège par cet état de fait, doivent faire transiter leurs marchandises par l’Europe si elles souhaitent approvisionner des entreprises algériennes. Cela allonge évidemment les délais de livraison et les frais de transport. Selon le FMI, le commerce intermaghrébin représente en moyenne 1,3% de la totalité des échanges extérieurs. Ce taux régional est le plus bas au monde.
Malgré certaines initiatives (en avril 2013 est entrepris un projet de stratégie sécuritaire concernant le renforcement de la lutte contre les trafics de drogue et contre le financement des terroristes), il paraît évident que la seule condition pour une réelle intégration régionale au Maghreb demeure l’amélioration des relations algéro-marocaines. Reste à savoir si les récents efforts déployés par le Maroc en vue de parvenir à « une solution politique, négociée, consensuelle et définitive à la question du Sahara » porteront leurs fruits.
Bibliographie:
http://www.saphirnews.com/La-difficile-montee-en-puissance-de-l-Union-du-Maghreb-arabe_a17766.html
http://www.lematin.ma/express/UMA-24-ans-apres_Le-non-Maghreb-coA-te-cher-aux-Maghrebins/178004.html
http://terangaweb.com/limpasse-de-lunion-du-maghreb-arabe/
Giblin, Béatrice, Les conflits dans le monde. Approche géopolitique, Paris : Armand Colin, 2011, 352 pages.
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