De la Seine au Jourdain

En ces moments difficiles où les concepts universels de liberté, de justice ou d’anticolonialisme font l’objet d’une sape sournoise de la part des médias les plus puissants, le communiqué des Juifs de France pour la paix, vient mettre du baume à nos cœurs. Du baume parce qu’il est devenu insupportable de se voir taxer d’islamiste, d’antisémite ou d’anti-Marocain dès que l’on s’aventure à défendre les victimes de l’islamophobie, les victimes du sionisme ou les victimes de la politique coloniale du Makhzen. 

Ainsi, le sensible hommage à nos grands frères, tombés sous la répression assassine de la police française le 17 octobre 1961, prend une dimension particulière quand il est l’expression de Français qui, malheureusement, ont souffert eux aussi de la barbarie fasciste. Certes, tous les Juifs de France n’ont pas cette mémoire éclairée qui accepte de communier contre tous les néocolonialismes, en Cisjordanie ou à Dakhla, mais on doit se réjouir que certains des leurs expient la mauvaise conscience des autres. Pour qu’il n’y ait plus d’amalgame entre Juifs et sionistes d’abord, et pour que nous sachions parler de valeurs universelles partagées ne tolérant aucune restriction sous le fallacieux prétexte de l’appartenance religieuse. Au lendemain de révélations sur le passé tumultueux du chanteur «algérien» Enrico Macias, qui aurait participé à des exactions contre ses frères musulmans engagés dans la Révolution, les positions de l’UJFP, qui précise qu’elle compte parmi ses membres des hommes qui ont lutté au sein du mouvement de libération nationale, viennent sauver le bon sens. Le bon sens qui exige que la douleur doit rapprocher les hommes et, non pas les déchirer dans de sottes privatisations de la souffrance. On peut donc se féliciter que la commémoration d’une triste journée pour l’histoire du peuple algérien fasse remonter du fond de la Seine la culpabilité qui flottera un jour dans les eaux du Jourdain. Comme un cadavre, la vérité qu’on veut noyer finit par réapparaître à la surface de notre mauvaise foi. La France officielle attendra-t-elle encore longtemps pour une repentance plus que justifiée ? 
Nordine Mezalla

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