Pour les Américains et les Européens, le printemps arabe ne doit et ne peut concerner les Palestiniens. Ce peuple, qui subit une injustice permanente et constante, est condamné à un hiver permanent
tant qu’Israël l’exigera. Comme le disait Mahmoud Darwich, les grandes métropoles s’affligent quand un camp de réfugiés esquisse un sourire. Beaucoup de Palestiniens n’ont guère le sourire en suivant les péripéties de la demande de reconnaissance en tant qu’Etat par l’ONU formulée par l’Autorité palestinienne.
Certains ne discernent pas de stratégie ou de but clair derrière cette initiative d’une Autorité délégitimée et discréditée par un sempiternel dialogue de dupes qui a servi de couverture à l’extension des colonies et d’alibi pour essayer de criminaliser la résistance. L’Autorité palestinienne, avancent ses détracteurs, est à bout de souffle : plutôt que de prendre acte d’un échec monumental et d’en finir avec la stratégie des illusions, elle tente de se donner un objectif spectaculaire mais à la finalité peu évidente. D’autres craignent que cette volonté de faire reconnaître l’Etat palestinien par l’Onu ne se traduise dans les faits par un renoncement à des exigences fondamentales, dont le droit du retour des réfugiés.
Mais l’initiative est soutenue aussi au-delà des partisans de Mahmoud Abbas et beaucoup estiment que le rejet du Hamas est un réflexe pavlovien de parti en compétition avec le Fatah. Ces milieux, politiquement disparates, soulignent que les réserves, fondées, exprimées çà et là ne doivent pas dispenser les Palestiniens d’utiliser tous les moyens possibles pour faire avancer leur cause. Ceux-là retiennent surtout, une fois n’est pas coutume, que Mahmoud Abbas n’a pas cédé aux pressions et aux menaces des Américains et des Européens qui cherchaient à le dissuader de saisir l’instance internationale. Ces pressions se poursuivent d’ailleurs et l’administration Obama a promis de faire usage de son veto. Les Américains n’ont pas ménagé leurs efforts et ils ont envoyé, pour travailler au corps Mahmoud Abbas, un militant sioniste assumé, bien connu sous nos cieux, en la personne de l’ambassadeur Dennis Ross.
De toute évidence, les responsables de Ramallah n’ont rien à attendre d’un Barack Obama qui s’avère un politique décevant, sans vision et sans courage, qui a complètement abdiqué devant le lobby israélien. Abbas ne pouvait plus reculer après une telle annonce, expression d’un réel sentiment de frustration et de lassitude tant il a été tourné en bourrique par l’administration américaine.
A défaut de démissionner, voire de dissoudre l’Autorité palestinienne face au lamentable échec de ses « négociateurs », Mahmoud Abbas s’est donné l’ultime mission de bousculer l’agenda onusien. Pas de clerc pour beaucoup, chant du cygne pour d’autres, la réaction du chef de l’Autorité peut se défendre. On peut même le créditer d’un – ultime ? – sursaut de dignité qui lui permet de résister au diktat des parrains d’un simulacre de processus de paix qui s’est révélé être un tragique miroir aux alouettes.
Que Mahmoud Abbas contraigne l’administration Obama à recourir au veto et les Européens à faire étalage de mauvaise foi est, en définitive, plutôt utile. Surtout en ces temps très particuliers où les Occidentaux, toute honte bue, font mine d’applaudir le mouvement des peuples arabes vers la liberté, la démocratie et les droits de l’homme. Dans ce contexte trouble, cette initiative est propice à une salutaire décantation quant à la substance des proclamations démocratiques de l’Occident.
Dans ce printemps arabe propice à de gigantesques opérations de marketing, cette initiative pourra au moins permettre à tous ceux qui aspirent à la liberté et à la justice de prendre sur le fait, en flagrant délit de duplicité, les discoureurs occidentaux qui œuvrent, derrière plusieurs écrans de fumée, à perpétuer l’oppression du peuple palestinien.
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