C’est une coalition étrangère bien hétéroclite qui s’est portée au secours des rebelles libyens. Dans ses rangs, l’on compte des puissances occidentales, dont les plus agissantes aux plans politique et militaire sont la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. A leurs côtés, se sont distingués le Qatar et, moins visibles dans l’engagement que lui, d’autres Emirats du Golfe, mais aussi l’Arabie Saoudite, le Koweït et la Jordanie. L’intervention de cette coalition a eu pour but de voler au secours de rebelles mus par la détermination d’en finir avec le régime dictatorial de Kadhafi et de lui substituer un pouvoir basé sur la démocratie et le respect de la souveraineté populaire.
Que l’on nous permette de faire remarquer que les Etats arabes qui participent de façon multiforme aux évènements qui se déroulent en Libye ont eu une tout autre position concernant les révoltes populaires qui se sont produites en Tunisie, en Egypte et même au Yémen. En la circonstance, ils avaient au contraire exprimé leur soutien aux dictateurs contestés de ces pays et affiché leur incompréhension des mouvements populaires qui les ont abattus.
Comment alors les puissances occidentales, qui se targuent d’agir en faveur de l’avènement d’une ère démocratique et libertaire en Libye, se retrouvent à coopérer avec ces Etats dont les régimes sont eux-mêmes absolument réfractaires à ces concepts qui sont censés être à l’origine et à la base de l’intervention en Libye ? Le rôle joué dans la crise libyenne par ces Etats jette la suspicion sur les véritables motivations qui sont derrière cette intervention en Libye. L’on voit mal en effet l’Arabie Saoudite, le Qatar et toutes les monarchies arabes travaillant à l’instauration d’un régime populaire et démocratique en Libye.
Les opinions arabes ne sont pas dupes de leur engagement au côté de la rébellion libyenne et cela explique qu’elles soient très réservées dans leurs appréciations sur ce qui s’est passé et risque de se produire en Libye. Les puissances occidentales et les Etats arabes que l’on retrouve dans la coalition antilibyenne partagent en fait la même méfiance à l’égard du printemps arabe.
Ce qui s’est passé en Tunisie et en Egypte les a pris de court. Un deal a été depuis scellé entre eux, par lequel ils ont décidé de coopérer pour vider ce printemps arabe de ce qui en lui leur fait peur. Pour les Occidentaux, que les révoltes qui éclatent sous l’onde de choc des exemples tunisiens et égyptiens restent sous leur contrôle et ne donnent pas naissance à des régimes populaires et démocratiques susceptibles de remettre en cause leur influence et leurs intérêts dans le monde arabe. Pour les monarchies et les Emirats, que l’Occident ferme les yeux sur ce qui se passe chez eux et qui, au plan des libertés et de la démocratie, est encore plus odieux que ce qui a «légitimé» l’intervention internationale en Libye.
Ce printemps arabe, que les puissances dites démocratiques déclarent soutenir et accompagner pour la réalisation des revendications dont il est porteur, ne pourra être entier et irréversible que lorsque son vent soufflera sur ces monarchies et Emirats, qu’une cynique politique à géographie variable de l’Occident préserve de la contagion en ignorant la contestation populaire qui s’y exprime.
Le Quotidien d’Oran, 28/08/2011
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