Wikileaks mauritanien : Première années d'indépendance agitée par les agissements marocains

Evaluations françaises de la Mauritanie en période fondatrice : Comment les français voyaient l’évolution du jeune Etat (suite)

Suite de la publication des comptes-rendus hebdomadaires – commencée les 8 et 19 Mars, 19 Avril, 10 et 17 Mai, 21 Juin et 12 Juillet derniers


6ème série 

1961 – l’an I de l’indépendance 

Ces compte-rendus montrent la perplexité française qui ne tient pas seulement au manque d’accords explicites entre Paris et Nouakchott pour régler l’ensemble des relations franco-mauritaniennes à la suite de l’indépendance, acquise depuis quatre mois, mais porte surtout sur une faible connaissance des acteurs. Moktar Ould Daddah paraît peu déchiffrable, surtout sur les grandes questions – coopération avec la France, orientations de l’Union africaine et Malgache – et l’ambassade se trompe complètement en continuant d’accorder un rôle au président démissionnaire de l’Assemblée nationale, Sidi El Moktar N’Diaye. Mais attentisme partagé entre France et Mauritanie, à leur niveau local, pour ce qui est de la menace marocaine avec toujours des diversions possibles, concertées ou de hasard
Ould Kaïge

Compte-rendu hebdomadaire n° 78
Semaine du 26 Mars au 1er Avril 1961.
N° 93
SECRET
Saint-Louis, le 1er Avril 1961
Alors que les menaces armées marocaines se maintiennent au Nord, un grave incident, survenu le 27 Mars sur la frontière Est, risque de provoquer une sérieuse tension entre la MAURITANIE et le MALI.
On se souvient que le 20 Mars dernier, à la demande des Espagnols qui annonçaient la présence d’une bande d’incontrôlables marocains à l’Ouest de l’Oued LEGSEISSHA et à une quinzaine de kilomètres à l’intérieur de la SEGUIET EL HAMRA, les troupes françaises du secteur de FORT-TRINQUET avaient fait mouvement en direction de TOUCCAT sur le parallèle 27°, puis qu’elles avaient été stoppées dans leur progression et avaient regagné le territoire mauritanien, en exécutions du Ministre de la Défense Nationale autorisant seulement des reconnaissances aériennes non armées sur le territoire espagnol. En fait le retour de nos Forces Terrestres à leurs positions primitives n’est intervenu qu’au moment où les premiers éléments français arrivaient à TOUCCAT, les deux Compagnies sahariennes motorisées qu’elles comportaient ont donc manifesté spectaculairement leur présence et cela été d’un effet psychologique certain tant auprès des tribus REGUEIBAT que de nos « incontrôlés du ZEMMOUR », auxquels le Colonel AUBINIERE a trouvé un excellent moral. Les reconnaissances aériennes poursuivies n’ayant permis à aucun moment de déceler la présence d’une bande en uniforme des F.A.R. dans la région où elle avait été signalée et seuls des détachements espagnols ayant été repérés, le Commandant du Groupement Saharien n° 1 en était arrivé à se demander si cette bande avait réellement existé et s’il ne s’agissait pas plutôt d’une patrouille espagnole qui aurait été confondue avec des marocains en uniforme.
Or, le 29 Mars un groupe de combat espagnol s’est heurté à un élément de l’A.L.N. dans la même région de l’Oued LEGSEISSHA , au lieu dit EL HZEN. Deux Marocains ont été tués, un autre fait prisonnier. De leur côté, les Espagnols ont eu un blessé. D’autre part, des renseignements de bonne source font état de l’infiltration de petites équipes d’incontrôlés marocains dans la SEGUIET jusqu’à une soixantaine de kilomètres de profondeur. Il serait toutefois imprudent d’en conclure que nous nous trouvons à la veille d’une opération d’envergure des marocains. On ne s’attend guère en effet à voir le Capitaine BOUGRINE du 3ème Bureau de l’Etat-major Général Chérifien, qui assure la liaison entre les F.A.R. et l’A.L.N. assurer un tel commandement. Sa réputation en fait un homme d’études et de bureau plutôt qu’un chef de guerre, et son grade est trop peu élevé. Il serait différemment si des Officiers comme le Colonel OUFKIR ou le Commandant DRISS BEN OMAR venaient à prendre la tête de l’ensemble des F.A.R. et de l’A.L.N. qui demeure évalué entre cinq et sept mille hommes. Mais comme il est fait état d’achats importants de Rahlas (selles) et de chameaux dans les postes du Sud marocain et qu’HORMA OULD BABANA est resté à GOULIMINE, il est plus probable que nous allons prochainement assister à une multiplication des raids de petites bandes, visant à créer un climat d’insécurité et à pourrir la situation en territoire espagnol et en MAURITANIE. Cependant pour y faire face, les Espagnols disposent d’effectifs importants atteignant près de onze mille hommes, et en MAURITANIE notre dispositif a été renforcé de la manière dont il a été rendu compte dans la dernière synthèse, à l’exception toutefois des deux Compagnies sahariennes motorisées de TINDOUF qui n’ont pas encore gagné FORT-TRINQUET mais se trouvent déjà placées sous les ordres du commandement militaire en MAURITANIE.
Cd dispositif est articulé de telle façon qu’il puisse aussi faire face à une menace venant du MALI et l’évolution de la situation à la frontière Est montre que c’est une sage mesure. Un grave incident est en effet survenu le 27 Mars à AFRARA, village situé en territoire mauritanien dans la subdivision de KANKOSSA, cercle de KIFFA, à cinq kilomètres de la frontière de la subdivision de YELIMANE au MALI, au cours duquel un garde malien a été tué. Selon les renseignements donnés par les services mauritaniens, celui-ci se trouvant sans autorisation à AFRARA , a fait l’objet de deux sommations successives de la part du Chef de Subdivision de KANKOSSA qui était là avec deux de ses goumiers. Le garde malien ayant refusé d’obtempérer s’est enfui à la seconde sommation. Le Chef de subdivision a alors donné l’ordre de tirer en l’air puis de tirer correctement. Blessé à la jambe, le garde malien a riposté en trouant le vêtement d’un goumier. Ce dernier l’a alors achevé. Le Chef de Subdivision a rapporté à son poste toutes les pièces à conviction et a laissé le cadavre sur place. L’incident a eu lieu en présence de nombreux maures et Sarakollés.
Le Premier Ministre par intérim, M. DIADIE SAMBA DIOM, Ministre des Travaux Publics, a télégraphié aussitôt au Président MODIBO KEITA pour lui faire part de cet évènement et lui en exposer la version officielle mauritanienne. En même temps, comme il craignait une vive réaction du MALI, il m’a demandé de faire transporter à KIFFA par un avion de l’Armée de l’Air un renfort d’une vingtaine de goumiers, ce qui a été fait le 30 Mars. Il m’a demandé aussi « pour parer à toute éventualité » de diriger sur KIFFA un détachement de l’Armée de la Communauté de la valeur d’une section. Mais il ne m’a paru possible de lui donner satisfaction sur ce dernier point, en raison d’abord des consignes générales données par le Premier Ministre de la République Française dans l’hypothèse de menaces maliennes, ensuite parce que la mission qui serait confiée à cette section dépassait manifestement le cadre d’une opération de maintien de l’ordre intérieur et pouvait revêtir un caractère de défense extérieure. J’ai tenu à rassurer le Premier Ministre par intérim en lui faisant connaître que nous étions en mesure, si nécessaire, de diriger vers l’Est Mauritanien des éléments importants à partir d’ATAR, où le Commandement disposait de réserves et des moyens de transport nécessaires. A mon passage à NOUAKCHOTT, le 31 Mars, le Ministre de l’Intérieur qui assumait l’intérim du Gouvernement après le départ de M. AHMADOU DIADIE SAMBA DIOM pour LONDRES, m’a fait part de son entière satisfaction de ce dispositif.
Au moment où ce compte-rendu est établi, nous ne possédons encore aucune indication précise sur les intentions des autorités du MALI. Selon des renseignements provenant de source à protéger, la version malienne de l’incident serait que le garde malien a été tué alors qu’il tentait de prendre contact avec le Chef de patrouille maure entre les villages d’AFRARA-Mauritanie et KARDIDI-Mali. Le Chef de Subdivision de YELIMANE-Mali aurait proclamé l’état de siège à KARDIDI et aussi à AFRARA, ce qui paraît plus surprenant.
Quoi qu’il en soit, cet incident regrettable est venu animer gravement des querelles frontalières qui paraissaient en voie d’apaisement. L’incident du puits de BOUGUENDOUZ avait été en effet heureusement réglé à la suite d’une entrevue, le 25 Mars, entre les Commandants de Cercle de NEMA et de GOUNDAM. Le puits avait été évacué par les Forces du MALI qui s’y étaient installées, une patrouille mauritanienne y étant maintenue. Les conventions antérieures reconnaissant aux ressortissants du MALI le droit d’y faire boire leurs troupeaux, avaient été confirmées.
L’enquête sur les attentats du 8 Mars n’a pas progressé sensiblement. Cependant, la mise en place de la Cour Criminelle Spéciale va permettre de reprendre l’enquête suivant de nouvelles méthodes, par l’intermédiaire de l’autorité administrative qui se substitue à la magistrature régulière dessaisie. A ATAR, en dehors des suspects arrêtés, vingt-huit personnes connues pour leurs sentiments pro-marocains, en particulier des commerçants, ont fait l’objet d’un internement administratif décidé par le Commandant de Cercle. Celui-ci aurait l’intention de demander que ces suspects soient déférés à la Cour Criminelle Spéciale et condamnés à « l’indignité nationale et à la confiscation de leurs biens ». Anticipant sur cette mesure, il A déjà rassemblé les camions leur appartenant et les utilise au transport de ses goumiers.
Le Commissaire de Police d’ATAR, ISSELMOU OULD KHATTRI, vient d’être relevé de ses fonctions à la suite d’une inspection qu’ont effectuée MM. AHMED OULD BA, Directeur de l’Intérieur, et CHEVANCE, Chef du Service des Renseignements Généraux. Ce Commissaire dont les sympathies nahdistes sont connues, avait adressé au Commandant de Cercle un rapport dans lequel il insinuait que les derniers attentats avaient été exécutés à l’instigation des Autorités Militaires Françaises pour leur fournir le prétexte de reprendre le contrôle de la MAURITANIE par une action d’envergure. L’attentat manqué du Bar de la « CROIX DU SUD » au cours duquel de nombreux militaires auraient pu être atteints pour peu que le tireur ait fait preuve d’un minimum d’adresse lui semblait un indice suspect. De même, le calme et la sérénité manifestée par les militaires et leurs familles qui continuent à aller au cinéma et à fréquenter les bars comme si rien ne s’était passé, lui paraissaient étayer son hypothèse. Ce rapport étant parvenu à la connaissance des Autorités Militaires locales, celles-ci ont fait connaître au Commandant de Cercle qu’il leur était impossible de continuer à collaborer à la recherche des coupables si le Commissaire de Police n’était pas publiquement et solennellement désavoué. C’est ce qui vient d’être fait par son rappel.
A NOUAKCHOTT, l’apaisement des esprits est sensible, bien que les recherches au sujet de l’auteur du dernier attentat n’aient pas abouti. Le couvre-feu vient d’être reporté à 24 heures, permettant la réouverture du cinéma.
Quant au Gouvernement Sénégalais, il s’est soucié de manifester par des mesures concrètes sa réprobation du terrorisme en MAURITANIE. Le 20 Mars des perquisitions ont été effectuées au domicile des principaux membres de l’ex-parti de la NAHDA, résidant à DAKAR-MEDINA. Vingt-cinq personnes ont été conduites au Commissariat pour interrogatoire et vérification de leur situation d’étrangers. L’enquête en cours prouve sans discussion que tous ces individus sont en relation avec l’Ambassade du MAROC à DAKAR. Le Président MAMADOU DIA a fait savoir cependant au Ministre de l’Intérieur qu’il désirait que les Services de la Sûreté opèrent avec tact et discrétion, afin de ne pas donner à cette Ambassade la possibilité d’élever une protestation officielle auprès de lui. Dans la journée du 28 Mars, l’Ambassade du MAROC a d’ailleurs reçu une délégation Nahdiste qui s’est réunie ensuite chez M. OUMAR KANE, représentant d’EL HADJ IBRAHIMA NIASSE à DAKAR, en présence de deux représentants de l’Ambassade, pour étudier la ligne de conduite à adopter en vue d’obtenir le rattachement de la MAURITANIE au MAROC. Les manifestations envisagées à l’occasion de la Fête de l’Indépendance du SENEGAL, n’ont finalement pas été retenues par suite des mesures prises par le Gouvernement Sénégalais.
Pendant que ces évènements se déroulaient en MAURITANIE, le Premier Ministre MOKTAR OULD DADDAH participait à la Conférence qui a réuni du 26 au 29 Mars à YAOUNDE les Chefs des douze Etats d’expression française, c’est-à-dire tous à l’exception du TOGO, du MALI et de la GUINEE.
Dès le dimanche 26 au soir, des instructions ont été envoyées aux délégations à l’O.N.U., afin qu’elles prennent l’initiative de déposer une résolution à l’Assemblée Générale en vue de l’admission de la République Islamique. Fort de l’appui renouvelé de ses collègues, le Premier Ministre Mauritanien n’a donc pas voulu se prêter aux manœuvres dilatoires marocaines, tendant à un report à la session de Septembre de la question mauritanienne. C’est d’ailleurs probablement dans le même souci que l’Ambassadeur du MAROC à DAKAR aurait activement mais vainement cherché à avoir un entretien en tête à tête avec Me MOKTAR OULD DADDAH à son dernier passage dans la capitale du SENEGAL. Mais ce dernier a accepté seulement de se prêter à une entrevue en présence de tiers, notamment du Président MAMADOU DIA, entrevue qui n’a pas non plus eu lieu. Aussi bien la délégation mauritanienne à NEW-YORK, se présente-t-elle avec plus d’atouts, puisque son Chef, M. SOULEYMANE OULD CHEIKH SIDYA qui vient de regagner NEW-YORK, via TUNIS et PARIS, est accompagné de M. BOYAGUI OULD ABIDINE, Président de l’ex-NAHDA, dont les déclarations à l’AFP ont été sans ambigüité puisqu’il a indiqué :
« Avant que s’ouvre à l’O.N.U. le débat sur la MAURITANIE, nous tenons à affirmer notre désir d’éviter que ce pays ne devienne un pion sur l’échiquier de la guerre froide ou le théâtre d’évènements violents résultant de l’opposition entre différentes nations africaines. La MAURITANIE entend jouir en paix des attributions de sa souveraineté nationale afin de se consacrer efficacement aux tâches innombrables et importantes qui l’attendent. Notre devise demeure : ’’Unité à l’intérieur, amitié pour tous à l’extérieur’’ : ma présence aux côtés du Président SIDYA prouve que l’unité intérieure est d’ores et déjà réalisée ».
De source à protéger avec un soin tout particulier, j’ai pu recueillir l’impression excellente laissée par la Conférence de YAOUNDE, qui a été marquée par une volonté manifeste d’union et de regroupement des Etats participants. Ceux-ci se félicitent de la passation d’accords de coopération entre la France et les Etats de l’Entente, ont constaté avec satisfaction que l’ensemble de leurs relations avec notre Pays reposait désormais non sur des liens formels mais sur des réalités, des sentiments et une identité d’intérêts. Il est apparu à certains, notamment aux leaders sénégalais très sensibles à cet aspect particulier de la Conférence, que la Communauté était en train de se reconstruire de l’extérieur.
C’est dans cet esprit qu’aurait été décidée la création d’une Union Africaine et Malgache reposant essentiellement sur une diplomatie concertée et qui demeure ouverte aux autres Etats Africains qui voudront s’y rallier – sous-entendu GUINEE, TOGO, MALI. La COTE D’IVOIRE, dont le Président HOUPHOUET-BOIGNY a déjà préparé un projet de représentation diplomatique commune, a été chargée d’élaborer les bases de cette nouvelle organisation politique, qui seront soumises à la Conférence de TANANARIVE prévue le 4 Juillet prochain. Cette Conférence devra étudier aussi l’Accord de Défense Commune, dont le principe a été arrêté. Ce serait une sorte d’O.T.A.N. Africain, dont le siège est d’ores et déjà fixé à OUGADOUGOU et qui s’articulerait avec les accords particuliers de coopération militaire signés avec la France. Pour régler ce problème et celui des relations entre la France et l’Union Africaine et Malgache, les douze Etats envisageraient soit d’inviter le Général DE GAULLE à la prochaine Conférence de Tananarive, soit de se rendre solennellement à PARIS à l’issue de celle-ci.
Concernant l’ALGERIE, la Conférence s’est souciée d’adopter une attitude aussi prudente que possible, afin de ne pas gêner l’action du Gouvernement Français tout en se félicitant des négociations qui vont s’ouvrir en concordance avec les recommandations de la dernière Conférence de BRAZZAVILLE. Une référence à l’Indépendance de l’ALGERIE qui figurait dans l’avant-projet du communiqué final, a été finalement supprimée.
Au sujet du CONGO, la Conférence a condamné l’action de l’O.N.U. chaque fois que celle-ci paraissait attentatoire à la souveraineté de la République Congolaise. En même temps, sans prendre parti en faveur des tendances opposées, les Chefs des douze Etats auraient décidé d’intervenir par tous les moyens y compris militaires, pour ramener la paix, en agissant dans le même esprit que le Président TSIRANANA lorsqu’il a appelé les leaders congolais à se réunir dans la capitale malgache.
La République du CAMEROUN a obtenu l’appui des autres Etats dans l’action qu’elle a entreprise à l’O.N.U. pour contester les résultats du referendum dans la région Nord de l’Ex-CAMEROUN Britannique.
En matière économique, le Traité relatif à l’Organisation Africaine et Malgache de Coopération Economique a été signé dans la forme où il avait été préparé par les experts réunis à DAKAR. Le régime des investissements offerts aux capitaux privés va faire l’objet d’une unification et les douze Etats adhéreront à tout Fonds de garantie international ou européen qui pourrait être créé. Le TCHAD et la MAURITANIE avaient proposé l’institution immédiate entre les Douze d’un Fonds de Garantie, mais l’opposition de la COTE D’IVOIRE, qui craignait de faire les frais de l’opération, n’a pas permis de faire aboutir le projet.
La volonté d’une association avec la Communauté Economique Européenne a été solennellement réaffirmée, les modalités de cette association devant faire l’objet d’une négociation d’égal à égal qui recherchera d’abord l’ouverture d’un marché préférentiel pour les produits tropicaux. Enfin, la Compagnie AIR AFRIQUE a été créée, malgré certaines difficultés dues aux pourparlers que le TCHAD avait menés pour son compte avec les représentants de la firme DOUGLAS au NIGERIA et qui visaient à établir des relations aériennes avec la LIBYE et le SOUDAN Anglo-égyptien. La MAURITANIE a obtenu un traitement exceptionnel de faveur, toutes ses lignes intérieures étant prises en charge par la nouvelle Compagnie pendant trois ans, sans subvention de la République Islamique en cas de déficit, alors que cet avantage n’a été consenti aux autres Etats que pour deux ans et quelques lignes très limitées.
Le Premier Ministre MOKTAR OULD DADDAH séjourne actuellement à ABIDJAN où il est l’hôte du Président HOUPHOUET-BOIGNY. De là il regagnera DAKAR pour assister aux Fêtes de l’Indépendance du SENEGAL.
NOUVELLES BREVES.
(. . .)
Pierre ANTHONIOZ
* * *
Compte-rendu hebdomadaire n° 79
Semaine du 2 au 8 Avril 1961.
SECRET
Saint-Louis, le 8 Avril 1961
Le Premier Ministre, M. MOKTAR OULD DADDAH, est rentré dans la Capitale Mauritanienne dans la matinée du Samedi 8 Avril, après avoir participé aux discussions de la Conférence de Yaoundé, séjourné ensuite à ABIDJAN où il a été l’hôte di Président de la République de COTE D’IVOIRE, représenté enfin son pays aux fêtes de l’Indépendance du SENEGAL les 3 et 4 Avril en compagnie de M. SIDI EL MOKTAR.
Ce dernier y assistait en qualité de Président de l’Assemblée Nationale, ce qui peut surprendre puisqu’il a démissionné de ce poste, il y a quelques semaines. En fait, on peut considérer que M. SIDI EL MOKTAR conserve au moins le droit à ce titre s’il n’en exerce plus les fonctions, l’Assemblée n’ayant pas accepté sa démission. Tous les observateurs s’accordent d’ailleurs à penser qu’il reviendra tôt ou tard sur sa décision et que dans son conflit avec le Premier Ministre interviendra un compromis dont il n’est cependant pas possible de déceler encore très clairement les bases. En plus d’une opposition permanente de caractère, de méthodes et de sympathies politiques, qui a été décrite dans une précédente synthèse, leur différend actuel repose sur deux points précis : d’une part, le renouvellement de l’Assemblée que M. SIDI EL MOKTAR estime nécessaire dans un délai rapide, d’autre part la négociation des accords de coopération avec la France qui lui paraît trop tarder. La perspective d’élections anticipées ne séduisant guère les Députés en place, dont certains n’ont pas d’illusions sur le renouvellement d’un mandat obtenu à la faveur d’un découpage électoral critiqué, M. SIDI EL MOKTAR malgré la résonnance que sa proposition a pu avoir dans l’opinion, s’est trouvé désavoué par la majorité du Groupe Parlementaire P.R.M., alors que l’on pouvait penser que son autorité était plus grande. Dans ces conditions, il est possible que tacitement il renonce pour le moment à son projet si en contrepartie l’ouverture de négociations avec la France lui apportait un sujet de satisfaction. C’est alors que dans un climat plus détendu, l’Assemblée pourrait reprendre l’examen du projet gouvernemental de révision constitutionnelle, tendant à l’établissement d’un régime présidentiel à l’égard duquel aucune objection de principe n’a été élevée par le Président démissionnaire de l’Assemblée, peu soucieux d’assumer personnellement la magistrature suprême et qui désire seulement que les prérogatives parlementaires soient sauvegardées en matière législative. En dehors de raisons plus impérieuses qui militent en faveur de la signature d‘accords de coopération avec la France, il est possible donc que des considérations de politique intérieure aient aussi conduit le Premier Ministre Mauritanien a manifesté le désir que les négociations franco-mauritaniennes s’ouvrent au début du mois de Mai, lorsque le 16 Mars, j’ai eu une entretien avec lui pour procéder, en l’absence d’accords de coopération, à un échange de lettres concernant la défense de la frontière du Nord.
Néanmoins à DAKAR, le Mardi 4 Avril, Maître MOKTAR OULD DADDAH m’a informé que par suite d’un calendrier extrêmement chargé, il ne lui paraissait pas possible de se rendre à PARIS avant la fin du mois de Mai ou le début du mois de Juin. Il doit, en effet, recevoir les lettres de créance des représentants diplomatiques de l’ESPAGNE, de la BELGIQUE et de l’ITALIE, réceptions qu’il souhaite effectuer à des semaines différentes. Il doit se rendre ensuite du 5 au 13 Mai à la Conférence de MONROVIA consacrée à l’affaire congolaise et à la situation générale en AFRIQUE, puis à celle de LAGOS, convoquée par Sir ABUBAKAR TAFEWA BALAWA en vue d’étudier les problèmes de coopération technique au Sud du SAHARA. Enfin il lui faudra suivre les débats de l’Assemblée Nationale dont constitutionnellement la première session s’ouvre pendant la première quinzaine de Mai. On s’interroge sur les motifs qui ont pu guider le Premier Ministre à ajourner encore l’ouverture des négociations franco-mauritaniennes, alors qu’il avait certainement la possibilité de se rendre à Paris dans le courant du mois d’Avril. Il serait surprenant qu’à YAOUNDE un tel conseil ait pu lui être donné, alors que tous les membres de la Conférence se sont félicités des projets d’accords en voie de conclusion entre la FRANCE et les pays de l’Entente, qui seuls avec la MAURITANIE n’ont pas encore de liens particuliers avec notre Pays. On peut alors se demander si à DAKAR Me MOKTAR OULD DADDAH, qui a toujours eu un souci profond de se faire reconnaître par les Etats Arabes, ne s’est pas laissé influencer par les Délégués qu’ils avaient envoyés aux Fêtes de l’Indépendance du SENEGAL et avec lesquels il a eu de nombreux contacts.
(. . .)
Pierre ANTHONIOZ

Prochainement
Lecture des répliques au colonel Mohamed Khouna Ould Haïdalla : réflexion sur le putschisme mauritanien première manière
– Chronique Ould Kaïge : 2-3 Septembre 1958, option du parti gouvernemental
-Suite documents diplomatiques français : Avril-Mai 1961

SOURCE : LE CALAME, 24/08/2011

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