"Sa Majesté le Peuple"

L’Union européenne avait déjà décidé bien avant le référendum marocain que la Constitution portait le «modèle démocratique» à suivre par les «Arabes». Après le vote et les 98% de oui, l’organisation qui s’est érigée en parrain du «printemps arabe» considère que «les réformes proposées représentent une réponse significative aux aspirations légitimes du peuple marocain» et demande « une mise en œuvre rapide et réelle de ce programme». Il faut donc faire vite, avant l’essoufflement. Surtout que le «modèle» risque de connaître les mêmes ratés ou pire que les désormais ex-«modèles» tunisien et égyptien. D’ailleurs, les premiers dangers se précisent. Les citoyens marocains, les 2% qui n’acceptent plus d’être des sujets sont sortis pour dire que ce n’était pas le «modèle» qui leur convenait. Ceux auxquels il convient et qui auraient été 98% à dire oui n’ont pas été nombreux dans la rue. Ce qui augure que la partie n’est pas jouée. Le risque du syndrome égyptien, en particulier, est réel. La dernière déclaration du G8 destinée aux

«Arabes» est claire sur le sujet. Dans son point n°7, elle précise qu’ à court terme «l’ objectif collectif est d’éviter que l’instabilité ne compromette le processus de réformes politiques, et de concilier cohésion sociale et stabilité macroéconomique». Un cadre a été créé à cet effet qui s’appelle le «Partenariat de Deauville», chargé de mettre en place un «programme économique» tourné vers le privé et soutenu par le

FMI qui doit «fournir aux pays de la région qui s’engagent en faveur de la stabilité économique le soutien

nécessaire pour les aider à combler leurs besoins de financement extérieur». Parallèlement, les pays du G8 sont «déterminés à soutenir l’intégration des Pays du Partenariat dans l’économie régionale et mondiale

grâce à un développement du commerce et des investissements étrangers dans la région». Ces derniers

doivent, bien sûr, «faciliter le commerce, en réduisant les obstacles tarifaires et non tarifaires, en améliorant l’accès au secteur des services et en encourageant les investissements directs et la convergence réglementaire». Ces mesures seront réalisées sous étroite surveillance et «les stratégies de transition» examinées de façon à vérifier qu’elles correspondent bien au cursus voulu. Mais, tout ne roule pas comme prévu. Les «gouvernements provisoires» issus des «révolutions» ne semblent pas du tout tenir la route et ne réussissent pas à rétablir la «cohésion sociale». L’Egypte vient déjà de donner un grand coup de pied dans l’édifice deauvilien en remettant en cause l’intervention du FMI. Pas très rassurant pour la suite. Alors que, selon Alexandre Adler, «plutôt que de céder aux intimidations de la rue, le roi a pris les devants, dans la continuité (de la) monarchie marocaine». Ce qui explique qu’il en était fait un «modèle» et une «exception» parmi ces Etats qui sont loin de réussir là où le Makhzen sait y faire. Sauf cet imprévu qui a fait du 4 juillet, une journée de cauchemar, alors que tout semblait ficelé. Malgré les satisfécits des Grandes Démocraties, malgré les fleurs de la Grande Presse, malgré le filtrage des moteurs de recherche, Google en tête, les citoyens marocains ont crié «Sa Majesté le peuple !», «Son Excellence le peuple !», «Son Altesse le peuple ! 

Les Débats, 06/07/2011

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