Le double jeu de la presse marocaine

Par Samir Ould Ali

Bien avant les bouleversements induits par les printemps arabes – et en dépit des campagnes médiatiques incendiaires régulièrement organisées contre l’Algérie – le Maroc avait, à plusieurs reprises, ouvertement souhaité la réouverture des frontières terrestres fermées depuis l’attentat islamiste commis dans un hôtel de Marrakech en 1994, attribué par Rabat aux services secrets algériens, qui avait entraîné une série de mesures (expulsion des ressortissants algériens installés au Maroc, instauration du visa d’entrée…) dont celle, définitive, décidée par la partie algérienne, de fermer purement et simplement les frontières. 

 
En novembre 2008, Mohamed VI avait estimé que le conflit sur la question du Sahara ne saurait justifier la poursuite de la fermeture des frontières entre les deux pays et appelé le président Bouteflika à renforcer «les relations de fraternité et de bon voisinage» pour un Maghreb uni «fondé sur des bases saines et solides.» Une année après, à l’occasion d’un Sommet arabe autour des questions économiques, sociales et de développement, le souverain chérifien est revenu à la charge pour regretter «la persistance de la fermeture absurde, par une seule partie (algérienne en l’occurrence puisque le Maroc avait levé la restriction en juillet 2004, Ndr) des frontières entre deux pays voisins» qui, conjuguée à d’autres entraves, aggrave la situation de l’Union du Maghreb et ralentit le processus d’intégration arabe.
 
Ces appels royaux sont évidemment soutenus par les médias marocains qui, ne craignant pas d’alterner le chaud et le froid, substituent volontiers les encouragements pour la réouverture des frontières algéro-marocaines aux accusations de complots divers contre les autorités algériennes. La dernière offensive médiatique du royaume chérifien a été enregistrée à la veille du match retour mémorable ayant opposé les équipes nationales des deux pays à Marrakech début juin, pour le compte des éliminatoires de la coupe d’Afrique des nations. Quelques semaines avant la rencontre sportive – s’appuyant probablement sur les déclarations optimistes faites par les dirigeants des deux pays à diverses occasions – plusieurs journaux marocains avaient annoncé la réouverture des frontières pour la veille du match. Ce que le premier ministre algérien, Ahmed Ouyahia, avait refuté, le 02 juin justement, en indiquant que cela n’était pas encore «à l’ordre du jour» même si, a-t-il soutenu, l’Algérie n’a aucun désaccord bilatéral avec le Maroc : «La preuve nos échanges commerciaux sont très importants et le Maroc se classe en première position dans les échanges commerciaux avec l’Algérie en Afrique». Cependant, la réouverture des frontières, a continué le premier ministre, est subordonnée à un climat «empreint de bonne foi et de confiance mutuelle entre voisins», ce qui, d’après lui, n’est pas le cas aujourd’hui en raison notamment de certains agissements marocains visant à impliquer l’Algérie dans l’envoi de troupes de mercenaires à la rescousse d’El Kaddafi. Pour les autorités algériennes, d’autres facteurs ne plaident pas pour l’ouverture des frontières: il s’agit notamment du trafic de drogue et de l’émigration clandestine qui constituent un danger pour l’économie nationale. Mais, cela la presse marocaine évite soigneusement de l’évoquer…
La Tribune d’Algérie, 17/06/2011

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