Pour la 3e fois, le mouvement des «jeunes du 20 février» qui compte 45.000 personnes se réapproprient la rue pour exprimer les attentes déçues en matière de lutte contre «la corruption et l’injustice» et le lancement de «profonds changements» constitutionnels et politiques. Les garanties, exprimées dans le discours du 9 mars par le roi Mohammed VI, n’ont donc pas grandement convaincu.
Les chantiers portant sur le renforcement de la justice et la séparation des pouvoirs n’ont pas eu plus d’écho que la commission pour la réforme de la constitution présidée par le juriste Abdelatif Menouni et appelée à présenter ses résultats le 16 juin. Aux marches et autres rassemblements qui se sont succédé après le discours du roi, l’appel à la reprise des manifestations dans plusieurs villes du royaume, lancées pour le 24 avril et soutenues par le Comité de soutien représenté par des ONG, des jeunes militants de partis et des syndicalistes, traduisent le rejet de la démarche dans le fond et la forme. Le mouvement des jeunes protestataires se réclame d’une refonte totale de la monarchie absolue qu’ils entendent remplacer par une monarchie parlementaire plus adaptée aux exigences de la bonne gouvernance et du contrôle de l’action gouvernementale. De la même manière, la commission pour la réforme a été boycottée par le mouvement du 20 Février et le PSU (Parti socialiste unifié). Elle a été également rejetée par l’AMDH (Association marocaine des droits humains) qui juge cette commission illégitime pour élaborer une Constitution démocratique. C’est dire que le fossé se creuse entre la monarchie et la société civile qui ne décolère pas. Dans le monde du travail, le bouillonnement est aussi intense. Le cycle de contestation sociale se poursuit à une cadence soutenue. Ainsi, après les deux grèves organisées en janvier et en février, des syndicats de travailleurs des collectivités locales (500.000 personnes) ont durci le ton pour protester contre une décision unilatérale du ministère de tutelle de promulguer des décrets relatifs aux statuts spéciaux pour certaines catégories d’employés.
Deux grèves nationales, prévues pour les 13 /14 et les 26 /27 avril, seront organisées par le syndicat démocratique des collectivités locales et la Fédération nationale des fonctionnaires des collectivités locales pour demander l’alignement des employés, des fonctionnaires et cadres du secteur sur le statut de la Fonction publique, de meilleures conditions de travail, la création d’un comité des œuvres sociales et la mise en place d’une nouvelle grille des indemnités. Le marasme social reflète l’échec patent du dialogue initié entre les syndicats et la tutelle. Il tend à prendre plus d’ampleur avec le désaveu de la Confédération démocratique du travail (CDT) et l’Union nationale du travail au Maroc (UNTM) qui ont décidé de quitter la table des négociations de la commission du secteur public du dialogue social et justifié leur retrait par la «fuite en avant» du gouvernement et le «revirement de dernière minute» du Premier ministre Abbas el Fassi s’agissant de ses promesses visant à répartir sur 3 ans l’enveloppe budgétaire (43 milliards de dirhams, soit 3,7 milliards d’euros) consacrée notamment à l’augmentation des salaires, la promotion exceptionnelle, la réforme du système de la retraite et l’indemnité pour la perte d’emploi. De la contestation des jeunes du 24 avril à la fronde du 1er mai, la spirale est-elle engagée ?
Larbi Chaabouni.
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