Documents français déclassifiés : La question de l’ouest saharien et la capacité de la Mauritanie au début de la guerre du Sahara

5ème série
Depuis la révision des accords de coopération, déclarés caducs par la Mauritanie à la fin de 1972, il n’y avait plus d’accord de défense ni de coopération militaire avec la France. La première évaluation – anonyme, document sans origine ni date – vient d’un des services de renseignements français (document 15) – milieu de Février 2011

La seconde analyse (document 16 – 13 Mars 1976) peut être attribuée à François Beslay – décédé en 2008 – premier chef du cabinet militaire de Moktar Ould Daddah, alors tout jeune Premier ministre d’une République débutante, puis fondateur de l’état-major national en 1961. La présente publication de cette note doit être considérée comme un hommage chaleureux à cet officier méhariste, amoureux d’un désert et de populations : les Regueibat, qu’il a admirablement connus et sur lesquels il a su écrire (Les Réguibats, de la paix française au Front Polisario – L’Harmattan. Novembre 1984. 187 pages). Un grand Français, Mauritanien d’adoption, serviteur de l’indépendance du nouvel Etat, collaborateur hors de pair du président-fondateur auquel il resta fidèle pendant l’exil de celui-ci. Moktar Ould Daddah l’évoque ainsi dans ses mémoires (La Mauritanie contre vents et marées : fin de 1943 p. 100 & à partir de1959-1961 p. 228) : « … le lieutenant Beslay été affecté à Fort-Trinquet. Ce jeune officier – nous  avions le même âge –  qui fut mon deuxième “patron” à Bir, allait devenir un ami pour moi. Sans préjugés, il n’avait pas la mentalité colonialiste. Esprit ouvert, cherchant le contact avec les Mauritaniens, il commença, dès son arrivée, à apprendre notre langue. Sainement curieux, spontané, il voulut, tout de suite, connaître, comprendre, notre pays et notre peuple. J’étais donc à mon aise avec lui. » – « Déjà subtil à comprendre autant de la part de ses compatriotes que des miens, le rôle joué par le Haut Commissaire de France dans notre marche à l’indépendance a eu son répondant dans mon propre entourage. En effet, étaient français, les deux premiers directeurs de mon cabinet, français aussi le premier de mes chefs d’état-major particulier et tant que je fus au pouvoir le secrétaire général du Conseil des ministres, avec le titre, puis sans le titre. Ces hommes ont été plus que des amis de la Mauritanie, ils surent se passionner et se dévouer pour ce qui leur sembla, sans aucun doute, la tâche la plus exaltante que puissent accomplir des hommes qui avaient pourtant à l’origine la vocation de coloniser notre pays. Ils étaient plus décolonisés dans leur tête et dans leur cœur, que beaucoup de mes compatriotes alors, mais leur présence dans l’intimité de notre pouvoir national ne présenta jamais d’ambigüité que dans l’esprit de leurs anciennes hiérarchies en France. – Le  commandant François Beslay, dont j’ai parlé plus haut, à propos de mon service à Bir Moghrein. Promotionnaire du futur général Le Borgne (cet officier démissionnaire en 1958 pour « ne pas servir une République Islamique » – NDLR), son service auprès de moi ne fut pas apprécié de sa hiérarchie nationale, puisqu’il ne dépassa pas le grade de commandant (il obtint cependant à la longue celui de colonel pour sa retraite… NDLR). – Telle quelle cette note présente des lacunes d’information, des erreurs de date, voire d’interprétation pour ce qui est des années 1970-1974, mais elle donne bien les origines de la question du Sahara occidental et le dialogue, en 1975-1976, des deux amis : le méhariste et le président, est éclairant.
Toutes deux mettent en évidence que Moktar Ould Daddah n’a en rien cherché le conflit avec l’Algérie et que celle-ci, dès le début, intervient sur le terrain à l’appui du Front Polisario.          
Les faits

Décembre 1975
7 – début des attaques du Front Polisario contre Aïn Ben Tili, Bir Oum Ghrein et la voie ferrée
9 – attaques sahraouies contre Bir Oum Ghrein et Al Inal (à 250 kms de Nouadhibou)
19 – le centre administratif de Fdérik est attaqué au mortier
20 – prise de contrôle mauritanienne de La Guera après dix jours de combat et occupation de Tichla
30 – à Zouerate, la centrale électrique et le dépôt d’essence sont attaqués par le Polisario
Janvier 1976
8 – les troupes marocaines prennent le contrôle de Dakhla (ex-Villa Cisneros) désertée par ses 5000 habitants sahraouis et les troupes espagnoles
11 – l’armée mauritanienne succède à Dakhla aux forces marocaines
20 – après trois jours de combat, la garnison mauritanienne à Aïn Ben Tili est détruite
24 – l’armée mauritanienne prend position à Awsred, à 150 kms de Zouerate
27 au 29 – à Amgala, violent combat algéro-marocain (pertes algériennes de 100 morts et 200 prisonniers)
Février 1976
12 – les forces marocaines contrôlent Mahbès, censément capital du Polisario
14 – l’armée mauritanienne entre sans combat dans Ain Ben Tili
22 – la Mauritanie confirme contrôler totalement la partie du Sahara qui lui est revenue
27 – proclamation de la « République arabe sahraouie et démocratique » (RASD) par le Front Polisario et le Conseil national provisoire sahraoui
28 – le drapeau espagnol est amené à Dakhla, 10 heures 30
Mars 1976
7 – le Maroc et la République islamique de Mauritanie rompent leurs relations diplomatiques avec l’Algérie qui vient de reconnaître la « RASD »
12 – décret créant la wilaya de Tiris el Gharbia, chef lieu Dakhla, qui comprend trois départements : Dakhla, Awsred, Aargoub ; le département de La Guera et l’oasis de Bir Gandouz sont rattachés à la VIIIème (Nouadhibou)
16 – accrochage près de Bir Oum Ghrein
30 – à  Dakhla, mesures pour approvisionner la population
31 – l’envoyé spécial de Kurt Waldheim, Olof Rydbeck, rencontre à Tindouf des dirigeants du Polisario 
Avril 1976
1er – la Mauritanie se déclare prête à discuter avec l’envoyé spécial de Kurt Waldheim « de toutes les questions qui ne touchent pas notre souveraineté »
2 – lettre au secrétaire général des Nations unies : « votre représentant se comporte d’une manière que vous avez vous-même exclue »
Ould Kaïge

Document n° 15  – confidentiel défense 328 – 27 – 4
Mauritanie : La « reconquête » par les armes
Entamée au mois de décembre, la conquête militaire de la partie mauritanienne du Sahara Occidental s’est poursuivie méthodiquement au cours des mois de janvier et de février. Par contre, la situation dans le secteur Nord du pays où se trouvent incontestablement les éléments les plus nombreux, les mieux armés et les plus déterminés du FPOLISARIO, a été fertile en rebondissements. Longtemps hésitante sur le parti à prendre, puis ne s’alignant – semble-t-il – qu’à son corps défendant sur la position marocaine, la Mauritanie, depuis quelques semaines s’est engagée résolument auprès du Maroc dans les opérations militaires. En outre, face aux attaques de plus en plus virulentes de l’Algérie, son espoir de sauvegarder l’essentiel des relations mauritano-algériennes est devenu vain et à son tour le gouvernement mauritanien a mis nominativement en cause l’Algérie et ses dirigeants.
Après la conquête des villes d’Argub et de Dakhla (ex-Villa Cisneros) début janvier, les Forces Armées mauritaniennes entamaient dès le 19 janvier la dernière étape de l’occupation systématique de la zone Sud du Rio de Oro. En dépit de sérieuses difficultés dues essentiellement à l’état défectueux des véhicules, les unités mauritaniennes atteignaient ainsi Awsred, le 23 janvier, et s’en emparaient assez facilement. Poursuivant leur action en direction d’Aguerit, elles occupaient ce dernier poste sans coup férir le 27 janvier. Toutefois des éléments du FPOLISARIO allaient pendant plusieurs jours attaquer et harceler les unités mauritaniennes installées à Awsred. Une véritable opération de nettoyage dans la région de Dumus et Tiznig el Khadra au Nord d’Awsred, devait être montée pour venir à bout des derniers rebelles. A l’heure actuelle, en dépit de quelques incidents provoqués par des mines, il apparaît que l’Armée mauritanienne contrôle à peu près complètement toute la zone au Sud du 24ème parallèle. Les nombreux ralliements de notables Sahraouis auprès des autorités mauritaniennes, sont à cet égard significatifs.
Dans le secteur Nord du pays (Zemmour – Bir Moghrein – Aïn ben Tili) sous la pression du FPOLISARIO efficacement appuyé par l’armée algérienne, la situation au cours de la 2ème quinzaine de janvier, s’était gravement détériorée. C’est seulement à l’action marocaine au Nord de la frontière et au retrait des éléments algériens que la Mauritanie doit d’avoir pu rétablir une situation très compromise.
Dès le début du mois de janvier, l’armée mauritanienne devait en effet subir dans ce secteur une forte pression de son adversaire sous formes d’attaquas, de harcèlements et d’embuscades. Bir Moghrein et Aïn ben Tili se trouvaient pratiquement isolés et ce dernier poste, après quatre jours d’attaque, tombait aux mais du FPOLISARIO. Au cours de cette action, le Capitaine SOUEDAT OULD OUEDAD était tué et des pertes particulièrement lourdes (tués, prisonniers, disparus) étaient à déplorer du côté mauritanien. Du 22 au 29, Bir Moghrein était pratiquement encerclé.
L’offensive déclenchée par le Maroc, en direction d’Amgala, de Tifariti, de Bir Lahlou (au Nord d’Aïn ben Tili) et de Mahbès, devait permettre à la garnison de Bir Moghrein de se renforcer et de reprendre l’initiative. Le 14 février, un détachement mauritanien se rendait à nouveau maître – pratiquement sans résistance de la part du FPOLISARIO – du poste et du village d’Aïn ben Tili. La situation autour de Bir Moghrein redevenait normale, les éléments armés Sahraouis s’étant repliés ou écartés.
A l’heure actuelle, les régions de la Guelta Zemmour et du Zemmour blanc semblent être encore tenues par le FPOLISARIO, mais les unités et garnisons mauritaniennes n’en sont pas pour autant à l’abri de toute action de harcèlement.
Au cours d’une réunion en séance extraordinaire du Conseil Nationale (deuxième instance du Parti), le 29 janvier 1976, le Président MOKTAR OULD DADDAH, sortant de sa réserve habituelle, mettait pour la première fois en cause l’Algérie dans les événements du Sahara Occidental. Constatant qu’en dehors des pays socialistes, peu d’Etats soutenaient l’Algérie dans cette affaire, la Mauritanie – sans prendre trop de risques – s’est décidée à répondre aux attaques algériennes et a ouvert une véritable campagne contre les dirigeants algériens. Il apparaît en outre que, sur le plan intérieur, cette prise de position nouvelle du président MOKTAR OULD DADDAH répondait au souhait de la majorité de la population mauritanienne.
Si l’Algérie a espéré un moment mettre le gouvernement de MOKTAR OULD DADDAH en difficulté, voire provoquer sa chute, il semble que pour l’instant cet espoir ait peu de chance de se réaliser. A l’heure actuelle, le pays semble quasi unanime sur la politique suivie par son gouvernement, et la mobilisation des esprits et des moyens lancée par le Conseil national trouvera sans aucun doute un écho favorable dans la population. Il est cependant souhaitable pour la Mauritanie que des aides extérieures importantes viennent compenser l’effort financier qu’elle a dû consentir sur le plan militaire. S’il n’en était pas ainsi, son développement économique serait compromis, entraînant ainsi un malaise social et une menace sérieuse pour le régime de M. MOKTAR OULD DADDAH.
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Document n° 16   – 1ère partie
     
Convention  de transcription : à la plume, par l’auteur de la note
13 Mars 1976
Annotation au crayon par un des lecteurs
BO cl. Dossier « Sahara ». Dossier de base. Considérations générale – documentation
N O T E
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Situation générale aux confins Algéro-Maroco-Mauritaniens
du point de vue de la MAURITANIE
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Les journaux français parlent fréquemment de ce problème mais aucun journaliste professionnel ne semble avoir jugé nécessaire de remonter aux « sources », et pour la plupart, ils se contentent de narrer des faits sans chercher à en donner les causes lointaines.
Or, il est évident que ces événements sont d’autant plus faciles à comprendre que l’on remonte un peu dans le passé pour analyser le problème « Sahraoui » et que l’on remet un peu en mémoire des lecteurs, l’histoire des relations de la MAURITANIE avec le MAROC et l’ALGERIE au cours des vingt dernières années, sans oublier celles avec la France.
Le problème Sahraoui :
Les « Sahraoui », comme il est à la mode, et je   le reconnais pratique de les appeler, sont de grands nomades chameliers, de race indiscutablement « maure », que les Sahariens de mon âge ont toujours connus sous le nom de « Regueibat Charg »   ou « Legouassem ». Appartenant, comme les « Regueibat Sahel »   à la grande famille Regueïbat, ils s’en distinguent par un nomadisme de plus grande ampleur  , par un caractère plus farouche, et par un amour encore plus grand de l’indépendance, amour tel qu’à l’intérieur de la cellule que constitue un « campement », ils s’installent normalement par « tentes » distantes de centaines de mètres les unes des autres dans un même campement.
« Fils des nuages », parce que les grands nomades vont avec leurs troupeaux là où les nuages crèvent, la pluie bienfaisante étant génératrice des pâturages nécessaires à la vie des troupeaux, et « amis de la paix lointaine », c’est-à-dire pacifiques certes, mais « de loin », sans accepter d’être les vassaux de qui que ce soit.
Evidemment quarante ans ont passé, et les Regueïbat Charg se sont un peu humanisés, et ont été contraints de nouer des liens un peu plus étroits avec les Espagnols, les Marocains et les Algériens. Ils ont cependant toujours manœuvré pour que ces liens soient les moins étroits possible, et en tous cas les plus légers à supporter. Le comportement de Khattri Ould Joumani est à cet égard bien caractéristique, à travers les volte-faces auxquelles il s’est livré depuis 1957. En 1957, en effet, il jouait le Maroc, qui venait d’organiser une soi-disant « Armée de libération de la Mauritanie », comprenant plus de Marocains que de Regueïbat, pour s’emparer au minimum du Nord de la Mauritanie, les Marocains au moment où la décision d’exploiter les gisements de fer de la Kedia d’Idjill venait de se concrétiser, « découvrant » soudainement que la Mauritanie était une province « marocaine », avec un parfait mépris de l’histoire.
En 1958, dès que, après l’opération « Ecouvillon » franco-espagnole de Janvier qui avait ramené les bandes maroco-sahraoui jusqu’au Maroc, après nettoyage du Rio de Oro et de la Seguiet el Hamra, il devenait un grand ami des Français et leur proposait sans vergogne, à condition qu’on arme ses fidèles, de se retourner contre les Marocains et d’organiser une guérilla contre eux dans le sud du pays.
Peu après, il faisait « ami-ami » avec les Espagnols et acceptait pour sa tribu un rattachement de principe au Sahara espagnol. « Joug » léger s’il en fût, puisque les « Charg » ne payaient pas d’impôts à l’Espagne, étaient matériellement et largement soutenus à chaque menace de famine, et étaient représentés aux Cortès en Espagne  .
En 1975, sentant le vent, et dès l’annonce d’un prochain accord hispano-marocain, il se précipite au Maroc pour aire acte d’allégeance vis-à-vis de Hassan II. En réalité, ces changements d’attitude n’avaient d’autre but que de rester « du côté du manche » et d’obtenir pour les « Charg » le statut le plus favorable possible, c’est-à-dire le moins contraignant possible.
Pour que ce tableau soit complet, il faut rappeler qu’à la suite des arrangements intervenus dans la région de Tindouf après le dernier conflit armé Maroc-Algérie, un certain nombre de « Charg », les moins nomades, et ceux ayant toujours fréquenté le sud algérien, passaient avec accord du Maroc sous un contrôle de principe des Algériens, sans opposition sévère des Espagnols qui, à dire vrai, depuis des années n’occupaient que très théoriquement l’intérieur du Sahara espagnol, portant leurs efforts sur la façade atlantique – port d’El Aïoun, débouché du gisement de phosphates dont ils commençaient la mise en exploitation.
Un mot sur les effectifs « réels » de Regueïbat Charg, les « Sahraouis » d’aujourd’hui : environ 20.000 en 1935, ils sont peut-être 50.000 actuellement ? – C’est certainement un chiffre maximum.
Les relations maroco-mauritaniennes :
En 1957, les Marocains avaient organisé une « Armée de libération de la Mauritanie », comprenant évidemment, pour la vraisemblance, un certain nombre de Maures – des Regueïbat Charg et quelques « Sahel », mais une majorité d’authentiques Marocains, dont des Marocains de l’armée régulière « en civil ».
Se basant sur une unique correspondance d’un Emir du Trarza (province du sud de la Mauritanie, dont est originaire le Président Moktar Ould DADDAH), qui dans la langue fleurie en usage entre Arabes, reconnaissait une allégeance religieuse vis-à-vis du Sultan du Maroc, « Emir des Croyants », le Maroc prétendait tout à coup que la Mauritanie n’était qu’une province marocaine, qui devait donc rentrer dans le giron de la mère patrie. Cette prise de position soudaine correspondait avec la décision de mise en exploitation du gisement de fer de la Kedia d’Idjil, très important et d’une remarquable qualité.
La Mauritanie, sous le régime de la loi-cadre, n’était pas encore indépendante, mais à la veille de l’être. Le gouvernement marocain de ‘époque, poussé par « l’Istiqlal », estimait-il qu’à la veille de se retirer de Mauritanie, la France n’interviendrait que mollement, ou peut-être même un lobby marocain assez puissant existant en France, laisserait faire ? Je l’ignore. Quoi qu’il en soit, après avoir passé plusieurs mois en Seguiet el Hamra et au Rio de Oro à s’organiser, sous l’œil neutre sinon bienveillant des Espagnols, les bandes de l’armée de libération attaquaient la Mauritanie en 1957, l’une d’entre elles arrivait même par surprise jusqu’à 15 km d’Atar. Refoulées respectivement au Rio de Oro et en Seguiet el Hamra, après de dures opérations dans la région nord de Bir Moghrein, Janvier et Février 1957, non sans pertes sérieuses de notre côté, les bandes laissaient sur le terrain d’assez nombreux cadavres, dont beaucoup de Marocains, et pas mal d’armes. Au cours des 3 mois qui suivirent, les relations franco-espagnoles s’étant améliorées après différents contacts entre méharistes et sahariens français et espagnols, les Espagnols retirèrent leur appui aux bandes… mais celles-ci cantonnaient toujours au Rio de Oro et en Seguiet.
Le 14 Juillet 1957, le général Cdt. Supérieur des troupes françaises de l’AOF et le Capitaine général du Sahara espagnol, arrêtaient le principe d’un nettoyage du Rio de Oro et de la Seguiet par une opération franco-espagnole. Celle-ci se déroula, de façon presque secrète, en 3 semaines, en Janvier 1958 – opération « Ecouvillon » – cependant que la presse tournait plutôt ses regards vers la frontière algéro-tunisienne : Sakkiet).
Début Février 1958, « l’armée de libération de la Mauritanie » qui avait compté environ 800 à 1.000 hommes en 4 ou 5 bandes bien armées, était refoulée en Maroc.
Le rêve marocain de conquête de la Mauritanie, et de ses mines de fer, s’évanouissait… au moins provisoirement.
Il convient à ce sujet de noter qu’en 1934, les forces françaises du Maroc, qui avaient « pacifié », à vrai dire sans tirer de coups de fusil, les confins sud du Maroc, et donc nord de la Mauritanie, avaient déjà manifesté l’intention de rattacher au Maroc le nord de la Mauritanie jusques et y compris Fort Gouraud (Kedia d’Idjil, gisement de fer). Grâce à l’opposition et à la clairvoyance du gouverneur de la Mauritanie, M. CHAELAS, rappelant que la Mauritanie était une « colonie » alors que le Maroc n’était qu’un « protectorat », le Général TRINQUET avait dû rabattre ses prétentions. Cependant, un commandement des confins algéro-maroco-mauritaniens avait été mis sur pied, qui empiétait sur le territoire de la Mauritanie  . Son siège était à Tiznit, et les troupes algéro-marocaines (françaises) occupaient Bir Moghrein et Aïn ben Tili en territoire mauritanien. La Mauritanie n’était représentée à Bir Moghrein, chez elle, que par un officier détaché par la Mauritanie auprès du Commandement des confins algéro-marocains » et Bir Moghrein était fâcheusement baptisé « Fort-Trinquet ».
Ce n’est qu’un détail historique, mais il n’est pas tellement surprenant que le commandement français du Maroc ayant à l’époque envisagé « d’annexer » le nord de la Mauritanie, le Maroc indépendant ait eu la même idée quelques années plus tard.
1959 à 1970 : années durant lesquelles la Mauritanie devint indépendante, fut admise à l’ONU à une énorme majorité sur présentation conjointe de la France et de la Tunisie, mais années durant lesquelles le Maroc s’obstina à refuser de reconnaître la Mauritanie comme un Etat indépendant. De 1960 à 1963, le Maroc entretient même en Mauritanie un climat d’insécurité, qui se traduisit par des attentats à Atar, Nema et Nouakchott, perpétrés par des Mauritaniens certes, mais avec des armes venues du Maroc ; 3 ministres du premier gouvernement mauritanien indépendant avaient rejoint le Maroc ; un ministère du Sahara avait été confié au Maroc à un ancien député mauritanien à l’Assemblée Nationale française  , et, hebdomadairement, la radio marocaine attaquait la Mauritanie et donnait les noms d’individus « à supprimer ».
Et puis, après 13 ans sans relations diplomatiques, et, il faut le reconnaître, à l’instigation d’Hassan II faisant taire son opposition, le Maroc a officiellement reconnu la Mauritanie. Cette réconciliation entre « pays-frères » suivant la terminologie en Afrique, fut célébrée avec éclat, en particulier à Nouakchott.
Puis en 1970 (ou 1971 ?), une réunion solennelle de 48 heures eut lieu à Nouadhibou entre Hassan II, Boumediene et Moktar Ould Daddah. A l’issue de cette réunion, ils affirmaient leur parfait accord
1°/ pour la décolonisation du Sahara dit espagnol par le départ des occupants
2°/ pour la fixation du sort des populations « libérées », par consultation populaire.
Leur accord réel et profond sur le premier point n’était pas douteux. En ce qui concerne le second, le sens donné à « consultation populaire » par l’Algérie (référendum) et la Mauritanie et le Maroc (certainement, et dès lors, prêts à se contenter d’un vote de la « Djemaa ») n’était sans doute pas le même.
Quoiqu’il en soit, le Colonel Boumedienne avait affirmé que l’Algérie n’avait aucune revendication territoriale à formuler sur les territoires « à libérer » ; il « aurait » cependant fait état de son désir sinon d’avoir une fenêtre sur l’Atlantique, tout au moins de pouvoir exporter par El Aïoun le fer de l’énorme gisement de Gara Djebilet, près de Tindouf, dont la sortie par la façade méditerranéenne de l’Algérie, n’était absolument pas rentable à cause de la distance.      
À suivre – 15 Février 2011 – documents diplomatiques : suite de la note du colonel François Beslay au début de la guerre du Sahara
NB – Les notes sont celles de l’auteur du document n° 15 – Situation générale…
  – L’auteur de la note, qui a vécu de nombreuses années au Sahara comme officier méhariste ou Commandant de cercle, use quelquefois de la forme personnelle et directe.
  – « Regueïbat de l’Est » ou plus exactement du Nord Est.
  – « Regueïbat du Nord » ou plus précisément du Nord et de l’Ouest.
  – zone de nomadisation de la Seguiet el Hamra à l’Ouest à Tabelbala dans le Sud-Algérien et à Taoudéni dans le Nord-Mali et englobant les régions orientales du Sahara mauritanien, à l’Est de la ligne Tourine – Ouadane – Tichitt

  – Par 4 députés, si je ne me trompe, dont Khattri Ould Joumani.

  – La limite sud des Confins était le 25° parallèle.
  – Horma ould Babana
Source : Le Calame, 09/02/2011

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