La France et les Etats-Unis se disputent le Sahel

La région du Sahel, au fil de ces quatre dernières années, a acquis une importance stratégique et attise les convoitises des superpuissances qui veulent s’y implanter en créant des arguments sécuritaires. Il s’agit-là de deux pays occidentaux, la France et les Etats-Unis, qui s’intéressent de plus en plus à cette vaste partie de la bande sahélo-saharienne. Ces deux pays se disputent le Sahel. Pour sa part, la France a déjà mobilisé ses troupes au Niger, mais également au Mali, voire même en Mauritanie, pour soi-disant lutter contre les groupuscules d’Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) implantés dans la région du Sahel. Pour les Etats-Unis, ce n’est pas encore le cas. Cela dit, aucune présence militaire américaine n’est mobilisée jusqu’aujourd’hui. Toutefois, les Américains ont soulevé, récemment à Alger, ce sujet. C’est par la voix de Robert McMallain qu’ils ont donné, indirectement, un ultimatum aux pays du Sahel afin de venir à bout des terroristes d’AQMI. Au-delà de cet ultimatum (non précisé) par le secrétaire d’Etat américain, les Etats-Unis vont intervenir «militairement» dans la région. «Nous avons confiance aux pays du Sahel pour lutter efficacement contre Al Qaïda au Maghreb. Toutefois, si jamais il y aurait une recrudescence des activités terroristes dans le Sahel, eh bien nous allons intervenir», avait expliqué, McMallain, lors d’une conférence de presse, tenue à l’ambassade des Etats-Unis à Alger. Cette mise en garde en direction des pays de pays de la région reflète les mauvaises intentions des Etats-Unis, qui veulent à tout prix s’engager avec leurs troupes militaires au Sahel. Un argument de taille qui laisse présager d’un avenir incertain pour cette région. Ainsi, outre les pays de cette zone, des voix s’élèvent pour impliquer «la communauté internationale» afin de «prendre en charge» cette question. Les Etats-Unis et la France sont les deux pays qui ont l’oeil sur le développement de la situation dans cette région sensible. Aux dernières nouvelles, la France s’est dite «préoccupée» par la montée du terrorisme au Sahel. L’ex-ministre français des Affaires étrangères, en l’occurrence Bernard Kouchner, avait effectué en octobre de l’année dernière, une visite au Mali et au Niger. Lors de sa virée malienne, le chef de la diplomatie française avait abordé avec le président malien Amadou Toumani Touré, le sujet en question. L’ex-ministre français avait estimé, dans une courte déclaration à la presse malienne et française, que la sécurité au Sahel est quelque chose de très important «plus encore pour son pays que pour le Mali et les autres pays voisins». L’ex-ministre avait évoqué également la tenue d’une «réunion plus large avec la communauté internationale» sur ce même thème, prévue en 2011, mais sans fixer de date. Ces déclarations sont intervenues au lendemain de la réunion des ministres des Affaires étrangères des pays de la bande sahélo-saharienne. Elle est intervenue également au moment où ces mêmes pays se trouvaient en phase préparatoire du Sommet des chefs d’Etat qui aura lieu à Bamako, au Mali. Face à ces ingérences étrangères, notamment la France et les Etats-Unis, les pays concernés se sont réunis à Tamanrasset pour trouver de nouveaux mécanismes afin de lutter contre AQMI, mais surtout de mettre un terme aux «intrusions» des pays superpuissants. Ne cherche-t-on pas à internationaliser une question d’ordre régional ? Peut-on y voir un désir d’ingérence de la part de la France et des Etats-Unis ? Dans le «Livre blanc» publié par le gouvernement français sur la nouvelle politique étrangère et européenne de la France, l’Afrique subsaharienne figure parmi les priorités de l’Hexagone. «…L’Afrique subsaharienne sera un voisinage à la fois d’opportunité, d’enjeux et de danger…», lit-on en page 16 de ce fascicule. Et d’expliquer en ce qui concerne l’opportunité : «…La croissance (5% par an en moyenne depuis 2000) et le développement devraient concerner la majorité des Etats de la région…». Quant aux enjeux, on peut lire : «…Enjeux politiques et sociaux d’une Afrique en mouvement». Pour le danger, il est mentionné : «…Les tensions et la conflictualité resteront probablement vives, alimentant des réseaux criminels et des foyers de terrorisme –en particulier la bande sahélienne– qui pourrait nous concerner au premier chef». A partir de ce livre, il est tout à fait clair que la France tente de s’ingérer directement dans la région du Sahel. Mais, face à ce «désir» français, les pays de la bande sahélo-saharienne refusent toute implication ou initiative qui viendraient d’un pays n’ayant pas de liens géographiques avec cette zone. C’est ce message qui a été adressé aux Etats-Unis également. Les Etats-Unis veulent à tout prix y prendre pied. Les Américains sont toujours en quête d’un pays qui pourrait faire l’affaire et abriter le siège de l’Africom. Alors que quelques pays voisins proposent leur sol pour accueillir ce commandement américain, les Etats-Unis insistent pour qu’il soit implanté dans un des pays de cette bande géographique, surtout en Algérie.

Après plusieurs tentatives et négociations, l’US Department ne trouve toujours pas de partenaire idéal. Cette zone est perçue comme étant la plaque tournante des trafics en tout genre. Cela va des groupes terroristes aux trafiquants de drogue en passant par la traite humaine et l’immigration clandestine. C’est sous ces mêmes arguments que les puissances mondiales, qui se sont engagées dans une sorte de guerre non déclarée, tentent de s’implanter dans cette région. Cette «communauté internationale» réussira-t-elle à devenir un partenaire incontournable qui pourrait assurer et prendre en charge le problème de la sécurité au Sahel? Le temps nous le dira.
Par Lotfi Itou

Les Débats, 07/02/2011

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