L´Espagne plaide pour des «pressions internationales» sur le Front Polisario

Le cinquième round des négociations informelles qui s´est tenu du 21 au 23 janvier dernier à Manhassat entre le Maroc et le Front Polisario aura surtout permis de constater l´écart des positions entre le Maroc qui veut consacrer par un accord avec le Front Polisario l´«annexion de facto» de l´ancienne colonie espagnole, et le mouvement sahraoui qui n´entend pas renoncer au principe du droit à l´autodétermination. 
«Respect mutuel»

Encore une fois, ce fut l´impasse parce que les deux parties s´étaient présentées à ces négociations sans propositions autres que le plan d´autonomie pour le Sahara Occidental du côté de la délégation marocaine, et le respect des résolutions de l´ONU sur la tenue d´un référendum d´autodétermination du côté des Sahraouis.
Après avoir exprimé à la veille de ce nouveau round  sa «confiance» de voir les deux parties assouplir leurs positions respectives, le représentant personnel du Secrétaire général des Nations unies pour le Sahara Occidental, Christopher Ross, a dû, hier matin, déchanter et se limiter, une fois de plus, à mettre en exergue l´«atmosphère d´engagement sérieux, de franchise et de respect mutuel qui a prévalu à Manhassat. Ces aspects formels ne sont pas suffisants, estiment les spécialistes de la question sahraouie qui ne cachent pas leur pessimisme quant aux chances du rendez-vous de voir les négociations s´ouvrir «autour d´idées concrètes» comme le laissait supposer hier Christopher Ross.

Cette formule a été lancée par M. Ross, après ce constat d´échec intervenu à la veille des entretiens que le Secrétaire général de l´ONU, Ban Ki-moon, puis lui-même, auront, aujourd´hui à Manhattan, avec la ministre espagnole des Affaires étrangères, Mme Trinidad Jimenez. La chef de la diplomatie espagnole ne se présente pas, en effet, les mains vides à New York où elle est porteuse d´une «proposition concrète» qui peut, de l´avis des observateurs de la scène maghrébine, changer le statu quo actuel au Sahara dans le sens des thèses marocaines. Mme Jimenez cherche, en effet, à mobiliser la communauté internationale officiellement, «pour débloquer le processus de négociation entre les Marocains et les Sahraouis en vue de promouvoir une solution négociée» sur le conflit sur l´ancienne colonie espagnole. Officieusement, l´objectif final de ce membre actif du lobby pro-marocain en Espagne n´est rien moins que de consacrer l´initiative du roi Mohamed VI que l´Espagne a elle-même inspiré, voilà 3 ans. 
Mme Jimenez sait que qu´un tel plan n´a de chance de prospérer aux Nations unies qu´avec l´accord des grandes puissances et qu´il faut, pour cela, sortir des sentiers battus.

Série de contacts diplomatiques

Elle a ainsi informé M. Ross de l´aval donné par son homologue française, Michèle Alliot-Marie, dont le pays, la France, est le principal soutien du Maroc, mais aussi du ministre russe des Affaires étrangères, Serguei Lavrov, de la tenue d´une réunion au niveau ministériel du «Groupe des pays Amis du Sahara Occidental», composé des  Etats-Unis, de la Russie, de la France, du Royaume-uni et de l´Espagne, qui se réunissait, jusque-là, au niveau des hauts fonctionnaires. La proposition espagnole invite plus ou moins indirectement les grandes puissances à faire pression sur le mouvement sahraoui pour qu´il accepte de discuter du plan marocain qui exclut toute option d´indépendance  comme base unique aux négociations qui auront lieu en mars prochain. Des «sources diplomatiques» proches de l´ONU croient savoir que la démarche de la ministre espagnole des AE a été «bien accueillie» par les MAE de ce groupe sur le plan du principe. Cependant, la plupart de ses collègues, en dehors de la MAE de la France, ont demandé que cette éventuelle réunion ait un contenu – une base de ménagement mutuel du Maroc et du Front Polisario – pour pouvoir accompagner les engagements des parties concernées dans la recherche d´une solution au contentieux qui les oppose.

A Washington et Moscou


La question du Sahara Occidental sera, de fait, l´un des thèmes à l´ordre du jour de la réunion que la ministre espagnole de Affaires Etrangères aura demain à Washington avec son homologue américaine, Hillary Clinton. Ainsi, Mme Jimenez aura conclu une série de contacts intenses avec les grandes puissances parmi lesquelles la Russie qui demeure le meilleur soutien  de la cause sahraouie au plan international.

A  la veille du rendez-vous de Manhasset, la chef de la diplomatie espagnole est allée plaider, vainement, le plan marocain auprès de son collègue russe, Serguéi Lavrov, au cours de sa visite de travail à Moscou où elle s´est vu plutôt interpellée sur le changement ou non de la de position de l´Espagne sur son ancienne colonie. M. Lavrov lui aurait rappelé que la Russie est d´accord sur le principe de la tenue de la réunion au niveau ministériel du Groupe des Amis du Sahara Occidental, toujours «dans le respect du droit du peuple sahraoui à l´autodétermination» et  «conformément aux résolutions du Conseil de sécurité de l´ONU à travers un référendum libre». De tous les pays membres de ce groupe, seule la France et l´Espagne sont favorables au rejet du référendum.

«Autodétermination oui, référendum non»


Le Royaume-Uni est à l´origine d´un projet de résolution favorable à l´exercice du droit à l´autodétermination du peuple sahraoui adopté au début des années 2000, lorsque ce pays assurait la présidence mensuelle tournante du Conseil de sécurité de l´ONU.
Londres ne veut pas se déjuger sur le plan de ce principe qu´elle soutient, face à l´Espagne, pour toute solution pour le problème de Gibraltar et n´entend pas, de ce fait passer outre le droit des habitants de ce rocher à l´autodétermination. 
Le président Barack Obama et Hillary Clinton n´ont jamais, pour leur part, exprimé leur soutien au plan marocain comme l´ont fait les gouvernements français et espagnols.
La nouvelle astuce espagnole consiste dans ce cas à soutenir le principe du droit à l´autodétermination tout en rejetant la tenue d´un référendum.
Avant son départ pour New York, la ministre espagnole des AE avait clairement affirmé que «la tenue d´une consultation populaire au Sahara est plus complexe, aujourd´hui qu´elle ne l´était il y a 15 ans», en laissant entendre implicitement que l´autodétermination peut se faire d´une autre manière. Concrètement sur le plan marocain d´autonomie. 
Mme Jimenez s´est gardée de dire, cependant, quelle autre question il faudrait poser aux électeurs sahraouis en cas de rejet du plan marocain.
H. A.
Le Temps d’Algérie, 24/01/2011

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