Michèle Alliot-Marie, la ministre des Affaires étrangères française, a proposé à l’Algérie et à la Tunisie d’établir une «coopération sécuritaire» pour permettre aux gouvernement de ces pays de faire face à leurs manifestants. La France, a-t-elle précisé, a une réputation de savoir faire mondial en la matière. Elle peut donc montrer à nos gouvernants comment neutraliser la colère de son peuple. Sarkozy rappelait à l’occasion du nouvel an combien son pays savait y faire, en évoquant la manière pacifique avec laquelle les grandes manifestations sur la retraite s’étaient déroulées.
Ce point de discours a fait l’objet d’un bêtisier – vraie spécialité hexagonale, celle-là – dans les télévisions françaises et des images ont été rediffusées sur les pneus brûlés et les routes crevées à l’occasion. Ne parlons donc pas des émeutes de banlieues qui sont récurrentes à Paris et dans de nombreuses autres villes, notre «amie» Michèle Alliot-Marie parait les avoir déjà oubliées.
Pendant que se déroule en Tunisie des manifestations dues à un problème de chômage affectant les jeunes diplômés, conséquence naturelle d’un pouvoir qui a su éduquer ses jeunes à un haut niveau, la presse française n’a d’yeux que pour l’Algérie, où elle croit savoir que le peuple est violemment sorti dans les rues, saccageant tout sur son passage, réclamant le départ des généraux et de la mafia corrompue qui s’est emparée des milliards du pétrole. Aussi bien, fait-elle des comparaisons entre les Maghrébins : la Tunisie est victime de son miracle économique, dont certains diplômés se sentent exclus, le Maroc de son développement impressionnant, malgré la persistance d’une certaine pauvreté dans quelques régions rurales, et l’Algérie de sa misère totale, de sa mal vie, de son indépendance, de ses militaires, de sa bureaucratie et de Bouteflika. Sur France 5, un spécialiste de l’Algérie a déclaré que le peuple algérien a commencé à régresser en 1962 et depuis lors, sa descente en enfer n’arrête pas.
Cette «campagne» qui dure encore, entre en contradiction avec la proposition de la ministre qui veut nous faire bénéficier de la haute technicité française. Puisqu’il suffit de chasser le pouvoir, pour que l’Algérie devienne heureuse, pourquoi donc veut-elle l’aider à se maintenir en lui offrant les services de sa police ? Disons que tout cela est de bonne guerre. Le fait est que les dernières émeutes ont clairement montré des insuffisances au plan du maintien de l’ordre qu’il s’agirait de corriger. Car si les problèmes économiques ou politiques expliquent ces émeutes, elles ne doivent pas les justifier.
Que ceux qui se réjouissent tant de ce qui s’est passé et qui déjà appellent les généraux à intervenir pour restaurer l’Etat, comme le fait cet universitaire de Lyon ADDI Lahaouari – auteur d’une formule sur la «régression féconde» à défaut d’une œuvre – soient libres de le faire, cela participe de la diversité des opinions. Mais que ceux, comme les forces anti-émeutes, qui sont chargés de faire leur boulot le fassent aussi bien que possible. Pour que ceux, comme Michèle Alliot-Marie, ne viennent pas les insulter, et nous insulter tous avec, en proposant de le faire à leur place. Si rien ne ressemble à un policier autant qu’un autre policier, Madame doit savoir que les siens ne seraient pas reçus à Alger et ailleurs par des émeutiers armés de pierres – mais par tout à fait autre chose.
Aissa Khelladi
Le Jour d’Algérie, 13/1/2011
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