En remettant directement en cause le principe d’intangibilité des frontières héritées de la colonisation, le référendum d’indépendance du Sud Soudan ouvre la boite de Pandore en Afrique.
Selon René Otayek, du Centre d’étude sur l’Afrique noire à Sciences Po Bordeaux, il s’agit d’un précédent, « dans la mesure où il n’y a jamais eu jusqu’ici, de référendum dans un pays Africain, permettant à une population ou à une région en particulier, de décider si elle a l’intention de rester dans un Etat unitaire ou de faire sécession ».
En 1885, lors de la Conférence de Berlin, les puissances Occidentales s’étaient partagés, tel un gâteau, le continent Africain. Après le recouvrement de leur indépendance, les Etats Africains, regroupés au sein de l’Organisation de l’Unité Africaine, (OUA), avait édicté le principe « l’intangibilité des frontières » héritées de la période coloniale.
Avec l’accord reconnaissant le droit des Sud-Soudanais à un référendum d’autodétermination, menant à terme à la partition du plus grand pays d’Afrique, c’est ce principe même qui est foulé aux pieds, créant un précédent aux conséquences incalculables pour de nombreux Etats du continent.
Certes, l’Erythrée s’était prononcée en 1993 sur son indépendance face à l’Ethiopie, mais à la différence du Sud-Soudan, ce pays de la Corne de l’Afrique avait déjà existé, en tant que colonie Italienne.
« En terme légal, le référendum se fait dans les règles prescrites du droit international, avec l’accord de la capitale et une supervision internationale qui doit en attester la crédibilité. Mais en termes de perception, cela montre qu’il est possible d’obtenir la sécession. Et donc puisque c’est possible, on peut se battre pour elle », considère Roland Marchal, spécialiste du Soudan.
Encouragés par l’exemple Soudanais, qu’est-ce qui empêcherait en effet, d’autres régions d’Afrique, ou mouvements rebelles, de réclamer un référendum d’autodétermination ?
Au Soudan même, les rebelles du Darfour, région de l’ouest du pays en proie à la guerre civile, ont récemment plaidé pour la tenue d’un référendum sur l’avenir de leur ancien sultanat, faisant planer la menace d’un réel démembrement de cet immense pays.
Des réserves ont été émises par de nombreux chefs d’Etat Africains face à la sécession attendue du Sud-Soudan en raison de ce précédent qui risquent de contaminer leurs pays.
« Il y a un malaise Africain face à cette indépendance parce qu’elle rompt une tradition, (l’intangibilité), et parce qu’elle semble due à la pression des Etats-Unis. Cela est perçu comme si c’était un Berlin II, où des puissances occidentales découperaient à nouveau l’Afrique », constate M. Marchal.
Radio Algérie, 5/1/2011
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