Relancer l’économie de Ktama

Notre stagiaire a récidivé et semble déterminé à à prendre ma place de président éternel du Cercle des Jeunes Débiles Marocains. Je lui pardonne ses envies criminelles seulement parce qu’il tient un excellent quoique nihiliste blog que je vous invite à visiter (si vous osez).
Abou Lahab
Une proposition du CJDM
Le stagiaire a les dents longues et veut être Aboulhab à la place d’Aboulahab (pur réflexe marocain, et si je puis me permettre, une caractéristique intrinsèque de la sélection naturelle).
Nous parlerons aujourd’hui de pétards. Non, pas les engins improvisés que nos enfants, artificiers d’un jour, ont créé pendant l’Achoura (et pan ! dans la gueule des Chiites). Non, je parle de drogue. De joints, de beu, de shit, de… excusez le bourgeois bien-pensant que je suis, je ne connais pas les autres noms de cette malédiction. Je n’en consomme pas moi-même, voyez vous. (Pour l’élite, il y a l’ecstasy)
Liant l’utile à l’agréable, je (re)lisais une n-ième fois le dernier rapport annuel de Bank Al Maghrib (toujours en mode fayotage), et j’ai découvert que la nomenclature du panier des biens consommés par l’ensemble des marocains a été… comment dire ? ‘upgradée’ pour intégrer de nouveaux types de biens (page 243 pour les feignasses).
Voyez plutôt : depuis Novembre 2009, un nouvel indice, dit des prix à la consommation, a remplacé l’indice du coût de la vie. D’abord parce que le coût de la vie, comme vous le savez, est désormais très bas au Maroc (une activité en expansion versus une inflation à 1-2% seul le Maroc le réussit) donc pour ne pas associer une image de coût de vie, on a décidé, au département Marketing du HCP, de parler ce prix à la consommation. C’est plus classe, et on a l’impression de parler d’autre chose. Donc ce nouvel indice se décompose comme suit :
Et là, l’honnête nihiliste se reprend un moment, et relis : ‘Boissons alcoolisées, tabacs et stupéfiants’. Si le nihiliste est barbu (ou voilée, c’est selon), c’est tout l’intitulé qui le/la choque : ‘أعود بالله، إن هذا لمنكر ‘ Serait même sa première réaction.
Le nihiliste endurci –comme votre serviteur- notera que désormais, l’administration en charge de la publication des statistiques officielles admet, tout aussi officiellement, que les marocains, non seulement consomment de la drogue, mais qu’ils y allouent environ, avec la bière et le paquet de casa sport, 2.2% de leur misérable revenu. Sur le mode de l’article de notre distingué maître, je me propose, comme je le fais dans la vraie vie, de détailler une nouvelle politique économique, résolument nihiliste, moderniste et réaliste (admirez l’alignement et l’harmonie de la rime) : après la légalisation des putes, voici la légalisation du ma’joun. (Entre autres)
Avant de commencer à déployer mon argument, certains demanderont, incrédules : mais comment diable ont-ils réussi à calculer ce chiffre? D’abord, c’est une insulte à l’ingéniosité de nos ingénieurs statisticiens (formé au biberon de la manipulation statistique. Pardon pour le pléonasme) et à l’ingéniosité marocaine tout court. Le joint se fume avec une feuille dite ‘OCB’ ou, comme dirait la populace : ‘Nibro’. Nos statisticiens ont simplement extrapolé la consommation annuelle de ces feuilles en tenant compte de la consommation de tabac y correspondant (notamment la consommation de feuilles de tabac par rapport aux cigares sur-mesures) Pour les autres types de drogues, se sont les ingrédients entrant en fabrication qui sont comptabilisés. La manip’ dans un sens fonctionne très bien dans l’autre : ils réussissent non seulement à estimer les quantités de facteurs de production, mais aussi les quantités produites.
Sur ce point, nous pouvons avancer sans grand risque de se tromper que les chiffres de consommation de stupéfiants sont solides.
Le tableau de BAM est troublant d’exactitude : entre Juillet 2008 et Septembre 2009, les prix de cette rubrique (que nous appellerons rubrique des loisirs alternatifs) ont augmenté de près de 6.1%, une augmentation qui s’estompera  pour le reste de l’année (consommation estivale peut être) A titre d’information, le poids de 2.2% affecté aux loisirs alternatifs correspond au même poids calculé pour la rubrique ‘loisirs et culture’. Peut être les deux vont-ils ensembles.
Revenons à nos joints : les légaliser permettra à l’état d’engranger un supplément de taxes, sans pour autant toucher significativement le pouvoir d’achat des sujets consommateur de ces biens récréatifs. La cigarette est déjà taxée à fond (mes amis fumeurs confirmeront) l’alcool vient d’être taxé un supplément (merci qui ? Merci le groupe parlementaire PJD) reste les stupéfiants, dont les autorités n’ignorent rien des capacités de production, de distribution et de consommation. Pourquoi ne pas en prendre un ‘tit bout, légalement et comme dirait le défunt : ‘في نظام و إنتظام’ ?
Tout d’abord, la base d’imposition : nous savons que le marocain moyen dépense, annuellement, 2.2% de son revenu immédiat à consommer des loisirs alternatifs. Nous pouvons même dire que chaque famille dépense 2.2% de son reve
nu : pour le chômeur qui vole ses parents, pour l’ouvrier alcoolique qui bat sa femme pour lui en soutirer les maigres revenus amassés à la sueur de son front de femme de ménage, pour le soudard qui met la pression sur la sœur pour lui filer sa doser quotidienne, elle qui passe sa journée penchée sur la machine à coudre à l’usine, pour ceux-là et pour d’autres, un revenu additionnel n’est jamais de trop (ni assez, d’ailleurs)
Le Marocain moyen (le marocain médian, devrons-nous dire), c’est quelqu’un qui ne touche pas plus de 70.000 dhs annuels, c’est-à-dire, 80% de la population. 1540 dhs affectés à la consommation de loisirs alternatifs, c’est 140 dirhams par mois (ne pas oublier d’exempter le Ramada, allah y khelikoum). En mettant de côté l’alcool et les cigarettes (et par extrapolation du poids résiduel des biens récréatifs sur la base de l’indice ce production industrielle des alcools et du tabac) on obtient une dépense mensuelle moyenne de près de 94 dirhams par famille et par mois de joints et assimilés.
Ensuite, Imaginons que l’Etat impose une taxe de 14% (10% sur les biens alimentaires, mais dans ce cas, il s’agit d’un bien très spécial). En calculant ce taux sur une base de 94 dirhams par ménage, et dans l’éventualité que cette base représente un marché brut de 27.1 Milliards de dirhams, soit une recette nette de 3,70 Milliards de dirhams annuels. Notre gouvernement peut facilement payer pour les dépenses suivantes :
– les fonctionnaires de la chambre des représentants (y compris les parlementaires, dont certains sont considérés comme partie prenante de la distribution des drogues, faut-il le souligner)
– les dépenses d’investissements du ministère de la justice
– Entretenir le département de ministère de du développement social, de la famille et de la solidarité
– Payer pour les dépenses d’investissements de la délégation générale à l’administration générale pénitentiaire et à la réinsertion (bonne idée ça) et en construire 9 fois plus de prisons et de centres de réhabilitation.
Et si l’Etat est gourmand, on obtient une augmentation d’un 1.6 milliard en recettes fiscales en passant au taux plein de 20%. On peut aussi supposer que l’élasticité de la demande est rigide (c’est-à-dire que, lorsqu’on a une addiction, on n’est pas prêt à abandonner, quelque soit le prix à payer pour une petite taf.)
Voyez, il faut un minimum d’imagination pour trouver à notre gouvernement de nouvelles sources de revenus.
On peut même considérer un raffinement de cette imposition, comme multiplier les taux, graduellement du ma’joun de basse qualité –exempté ou hors champ d’application- au joint de Ktama à un taux plein de 20%. Sans compter les impôts municipaux qui peuvent être levés sur les régions riches (Casablanca, Rabat, Agadir, Marrakech, Meknès essentiellement). Les calculs n’ont porté que sur 80% de la population, imaginez ce que ce serait si en plus, l’Etat pourrait imposer des taxes forfaitaires sur les importations d’ecstazy d’héroïne et de cocaïne, ce qui peut porter les revenus à près d’un demi-milliards de dirhams.
Les possibilités sont immenses. En ces temps de serrage de ceintures, une nouvelle source de revenus fiscaux telle que les drogues est une bien bonne soupe pour cracher dessus. Bon joint à tous.
Source : CJDM, 7/1/2011

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