« Frantz Fanon a marqué l’histoire de l’Algérie, du tiers monde et de l’humanité toute entière»

Frantz Fanon est un grand homme qui a marqué l’histoire de l’Algérie, du tiers monde et de l’humanité toute entière. Il était une personne exceptionnelle qui avait une grande fibre nationaliste et qui a lutté contre la colonisation.

Entretien réalisé par M.D
Echorouk : pourquoi avez-vous choisi d’écrire sur Frantz Fanon et non pas sur d’autres personnes qui ont marqué l’histoire de l’Algérie ?
Abdelkader Benarab* : j’ai choisi Frantz Fanon pour plusieurs raisons. Tout d’abord par ce que je le vois comme algérien à part entière quoi qu’il est né en Martinique. Il a choisi l’Algérie comme pays d’adoption et comme sa véritable mère patrie. En plus de cela, il n’est secret pour personne que Frantz Fanon est un grand militant qui a rejoint les rangs du Front de Libération Nationale (FLN). Enfin, il est psychiatre et un homme de science qui est venu en Algérie et il a servi des centaines de musulmans algériens à l’hôpital de Joinville (Blida) durant l’occupation française. Il y ainsi au moins trois (3) principales raisons qui m’ont poussé à écrire sur ce grand homme.
Echorouk : que doit-on retenir de Frantz Fanon ?
Abdelkader Benarab : Frantz Fanon est un grand homme qui a marqué l’histoire de l’Algérie, du tiers monde et de l’humanité toute entière. Il était une personne exceptionnelle qui avait une grande fibre nationaliste et qui a lutté contre la colonisation. Il était parmi les plus grands militants tiers-mondistes. Ayant des convictions ferme et un grand esprit de militantisme, il a écrit une lettre à Léopold Senghor alors président du Sénégal lui demandait s’il était possible de venir au Sénégal pour servir ses frères sénégalais qui vivaient dans des conditions très difficiles. Mais Senghor ne lui a pas répondu. A ce moment il a eu une affectation du ministère français qui l’a envoyé à Joinville, à cette époque là, il avait à peine 28 ans.
Echorouk : quelle était l’histoire de Frantz Fanon avec l’Algérie ?
Frantz Fanon ne connaissait pas l’Algérie, mais quand il est venu et pris son poste en tant que psychiatre à l’hôpital de Joinville, la première chose qu’il a remarquée, c’est que le traitement des malades  n’était pas le même entre musulmans et français. Les arabes et musulmans étaient mis dans un coté et les français et européens dans un autre.  Il y a ce qu’on appelle une séparation de régime, une sorte de racisme médical. Frantz fanon était quelqu’un qui bouillonne, il avait une grande flamme de nationalisme, ainsi il s’est révolté contre ces méthodes là et il a tenté de les combattre. Il était contre l’isolement des malades de leur environnement socioculturel. Quand il  traitait les musulmans, il tenait toujours en compte les dimensions religieuse, sociale et culturelle des malades. En replaçant le malade don son environnement algérien et il a obtenu des résultats assez importants.
Echorouk : comment-avait-t-il rejoint le FLN ?
Abdelkader Benarab : les conflits avec l’administration et les responsables français ont commencé suite à ces bons résultats obtenus. L’administration jugeait que Frantz Fanon est sorti du rang, par conséquent, il était vu comme un rebelle. Suite à ces problèmes, il a remis sa démission. Il s’est exilé à Manouba en Tunisie et c’est là qu’il a rejoint une équipe du FLN qui activait là bas à cette époque. Frantz Fanon a joué un grand rôle dans la création du journal el Moudjahed. Il même occupait le poste de rédacteur en chef de ce journal en Tunisie. Vu son militantisme exemplaire et son aversion pour colonialisme et l’injustice, il  est aperçu comme un homme dangereux  pour la France. Pour mettre fin à son combat, l’administration coloniale a tenté de l’assassiner à deux reprises. Mais il a pu écharper à deux attentats le premier au Maroc duquel il est sorti avec des blessures le deuxième en Italie.
Echorouk : comment Frantz Fanon était-t-il vu en France à cette époque là ?
Abdelkader Benarab : Frantz Fanon est un martiniquais c’est-à-dire un français. Pour l’administration coloniale il a trahi la France et a servi l’Algérie et le tiers monde.Il a, en outre, remis en cause la psychiatrie coloniale, c’est-à-dire qu’il a remis en cause le colonialisme. Par-dessus tout cela, il a rejoint l’Algérie, a soutenu avec toutes ses forces sa cause juste et a adhéré à la thèse révolutionnaire algérienne. Donc le procès que lui a été fait par la France et même certains penseurs français était très dur.
Echorouk : pouvez vous nous parlez un peu de ses œuvres ?
Abdelkader Benarab : Frantz fanon a écrit trois grandes œuvres. « Peau noire, masques blancs » (1952), « l’an V de la révolution algérienne », (1959) ainsi que « les damnés de la terre », (1961). Ce dernier a été traduit à plus de 30 langues. Publié en 1961, à une époque où la violence coloniale se déchaîne avec la guerre d’Algérie, saisi à de nombreuses reprises lors de sa parution aux Editions François Maspero, le livre Les Damnés de la terre a connu un destin exceptionnel. Il a servi – et sert encore aujourd’hui – d’inspiration et de référence à des générations de militants anticolonialistes. Son analyse du traumatisme du colonisé dans le cadre du système colonial et son projet utopique d’un tiers monde révolutionnaire porteur d’un « homme neuf restent un grand classique du tiers-mondisme, l’œuvre capitale et le testament politique de Frantz Fanon.
Abdelkader Benarab*
Né à SETIF, Docteur en littérature française, titulaire d’une maitrise en littérature arabe à la Sorbonne  exerce actuellement comme attaché de recherche et chargé de cours à Paris III Sorbonne Nouvelle. Longtemps préoccupé par la question culturelle et religieuse au sein des communautés, A. Benarab a publié de nombreux ouvrages  dont les « voix de l’exil (1996), les mots(1994) et Maghrébins de France(2005) dont il a été récompensé par le prix de la sélection Franco- arabe. Conférencier hors pair, il est omniprésent  dans les colloques et autres rendez-vous internationaux dans des domaines spécialisés comme le développement et la diffusion de la Presse, de la langue et de la culture arabes et particulièrement sur les thèmes des relations interculturelles et la littérature africaine.
Echourouk Online, 5/1/2011 

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