Willy Meyer : « Au Sahara, le Maroc veut imposer sa loi »

L’eurodéputé espagnol Willy Meyer a été refoulé du Sahara occidental alors qu’il venait s’informer sur les affrontements entre l’armée marocaine et la population Sahraoui. Il dénonce le Maroc qui ne respecte pas ses engagements de dialogue sur la question du statut de la région.

Les tensions sont de nouveau vives au Sahara occidental. Des affrontements entre la police marocaine et la population sahraoui ont coûté depuis deux semaines la vie à onze habitants et huit policiers dans la région d’El Aioun. Mardi 9 novembre, dans le cadre de l’ONU, le dialogue entre les parties pour mettre fin au conflit territorial africain le plus ancien n’a abouti à rien. L’avant veille, l’europarlementaire espagnol du parti Gauche Unie Willy Meyer, venu visiter les lieux en tant qu’observateur a été refoulé et trois journalistes espagnols ont été arrêtés et viennent d’être expulsés.
La dispute autour de la souveraineté sur le Sahara Occidental oppose le Maroc et les forces indépendantistes du Front Polisario depuis 1975. Rabat propose que l’ancienne colonie espagnole se transforme en entité autonome intégrée dans le Royaume, tandis que le Polisario propose un référendum auprès de la population sahraoui avec, en option, la possibilité de l’indépendance.
L’Espagne, administrateur du processus de décolonisation, est coincée entre deux feux. D’un côté une population qui exige au gouvernement de Zapatero de défendre l’option du référendum et les droits de la presse espagnole bafoués par les autorités marocaines. De l’autre, le Maroc, qui voudrait voir le Royaume ibérique reconnaitre sa souveraineté sur le Sahara. Début Novembre, Taïeb Fassi Fihri, ministre aux Affaires Étrangères marocain, accusait la presse espagnole de « désinformer et de ne pas aider les gouvernements dans la résolution du conflit« .

Pourquoi cette nouvelle tension dans un conflit qui semblait endormi ?

Parce que la force d’occupation marocaine veut imposer sa loi à base de répression et sans témoins. C’est-à-dire, imposer la souveraineté marocaine sur le Sahara sans passer par la résolution de l’ONU qui exige une solution de consensus entre les parties. Justement, la pression exercée en parallèle sur la presse espagnole – et française, d’ailleurs – répond à une stratégie bien ficelée de la part des autorités du Maroc pour imposer définitivement son occupation du Sahara Occidental.

L’attitude de l’UE envers le Maroc devrait-elle changer en conséquence ?

D’abord, c’est l’Espagne qui ne joue pas son rôle en regardant ailleurs et en laissant le peuple du Sahara sans défense. Ensuite, le Maroc est le seul pays au monde à avoir signé avec l’Union européenne un Accord d’Association Privilégiée dont la clause numéro 2 exige du Maroc qu’il respecte les Droits de l’Homme. Ceci n’est pas le cas, et si Catherine Ashton [Haute Représentante européenne aux Affaires Étrangères] ne demande pas aux autorités marocaines des garanties de respect de cet Accord, elle devrait agiter la menace de sa suspension. En tout cas, c’est un leurre que de penser que le Maroc se dirige vers un modèle de démocratie respectueuse des Droits de l’Homme.

Quelle est la responsabilité de la France dans cette affaire ?

Quoique moins importante que celle de l’Espagne, elle reste considérable. La France défend ses intérêts économiques dans la zone du Maghreb et se range systématiquement aux côtés du Maroc. Mais au moins la France défend ses journalistes quand ceux-ci sont expulsés ou agressés. [Le Maroc a permis à nouveau l’entrée de journalistes français dans le territoire du Sahara].

Quels sont les soutiens européens envers le peuple sahraoui ?

En Europe, la solidarité avec eux est transversale. Elle touche pratiquement tous les groupes politiques du Parlement et tous les pays quant à l’exigence d’une cessation des hostilités de la part de l’armée marocaine. Le problème c’est que l’Espagne n’exerce pas son rôle d’administrateur du processus de décolonisation et laisse le Maroc imposer sa solution de manière unilatérale. 
 

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