La France contre les droits de l’Homme ?

La France, la patrie des droits de l’Homme serait-elle contre la défense des droits de l’Homme au Sahara Occidental. C’est la question autrement pertinente que pose Philippe Bolopion, directeur de Human Rights Watch, dans un point de vue publié par le quotidien parisien Le Monde dans son édition datée du mercredi. «Les événements qui ont embrasé El-Ayoun, la capitale du Sahara Occidental, le 8 novembre, devraient convaincre la diplomatie française de changer de cap sur un dossier peu connu, mais qui embarrasse jusqu’aux plus aguerris de ses diplomates. Depuis plusieurs années, à l’abri des portes closes du Conseil de sécurité de l’ONU, la France use du pouvoir de dissuasion que lui confère son droit de veto pour tenir les Nations unies à l’écart des questions touchant au respect des droits de l’Homme dans le territoire annexé par son allié marocain en 1975», écrit le directeur de l’influente ONG, Human Rights Watch. 
 
«Faute d’un mandat approprié, la mission de l’ONU au Sahara Occidental (Minurso) est restée aveugle tout au long des événements qui ont opposé le mois dernier les forces de l’ordre marocaines aux militants sahraouis – les troubles les plus graves depuis le cessez-le-feu de 1991. Le Conseil de sécurité de l’ONU, en charge de la paix internationale, s’est vu dans l’incapacité de faire la part des choses entre le mouvement indépendantiste du Front Polisario et (…) le Maroc qui prétendait, sans plus de crédibilité, libérer les milliers de civils sahraouis soidisant retenus en otage par des  » criminels  » dans un camp érigé en signe de protestation à proximité de El-Ayoun» , ajoute Philippe Bolopion, relevant que si « ces événements s’étaient déroulés en République démocratique du Congo, en Haïti ou au Soudan, des experts en droits de l’Homme de l’ONU auraient immédiatement été dépêchés sur place pour établir une version objective des événements et informer le Conseil de sécurité, contribuant ainsi à apaiser les tensions. La présence d’observateurs de l’ONU aurait aussi pu s’avérer dissuasive pour les forces de sécurité marocaines qui ont, à plusieurs reprises, selon notre enquête, passé à tabac des personnes arrêtées à la suite des troubles.» 
 
« Toutes les missions de maintien de la paix de l’ONU établies depuis 1991 disposent de ces mécanismes, qui reposent sur le constat que toute paix durable s’appuie sur le respect des droits de l’Homme. Partout ailleurs, du Darfour au Timor Oriental, en passant par le Kosovo, la France soutient pleinement l’intégration croissante des questions touchant aux droits de l’Homme dans les missions de l’ONU. Il n’y a que sur le dossier sahraoui que Paris s’arcboute, persistant à défendre une anomalie historique», ecrit-il encore, notant que «cette obstination française a un coût. 
 
L’ambassadeur de France à l’ONU, Gérard Araud, l’a appris à ses dépens, le 30 avril dernier, lorsqu’il a dû faire face aux pays du Conseil de sécurité tels que le Royaume-Uni, l’Autriche, l’Ouganda, le Nigeria ou le Mexique, qui sont favorables à un élargissement du mandat de la Minurso aux questions de droits de l’Homme. À quelques heures de l’expiration du mandat de la mission de l’ONU, selon plusieurs témoins, le ton est monté.» «Comment la France, qui se prétend le berceau des droits de l’Homme, pouvait-elle s’opposer à toute mention des droits humains dans la résolution, a demandé un ambassadeur occidental ? Son homologue chinois, un rien ironique, s’est réjoui de constater que Paris partageait désormais les réserves de Pékin sur tout débat des droits de l’Homme au Conseil de sécurité. Après une vive réponse de l’ambassadeur français, suivie d’excuses toutes diplomatiques, la France a obtenu gain de cause, non tant par la force de ses arguments que par celle de son droit de veto. (…) «Le renouvellement du mandat de la Minurso, en avril 2011, offre à la diplomatie française une chance de corriger la situation», a-t-il estimé par ailleurs, soulignant que se faisant le Conseil de sécurité pourra avancer sérieusement sur la question du Sahara Occidental. 
 
Ces derniers jours, la capitale française a vu défiler le ministre marocain des Affaires étrangères et son homologue espagnol, venant s’assurer que la nouvelle ministre française des Affaires étrangères, Michelle Alliot-Marie, ne modifiera pas le soutien inconditionnel de Paris à Rabat.

 Mokhtar Bendib 
Le Courrier d’Algérie, 24/12/2010

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*