La question du Sahara occidental a été le thème exclusif que Mme Trinidad Jimenez a soulevé au cours de la première visite qu´elle a effectuée, vendredi dernier à Paris, depuis qu´elle est à la tête de la diplomatie de son pays voilà à peine quelques semaines.
Officiellement, une telle initiative est en soi louable puisqu´en apparence, la nouvelle ministre espagnole des Affaires étrangères a déclaré vouloir obtenir de son homologue française, Mme Alliot-Marie, le «soutien» de la France «au Maroc et au Front Polisario» dans les négociations informelles que ces deux parties impliquées dans le conflit du Sahara occidental avaient engagées, au même moment, près de New York sous les auspices des Nations unies.
Tous les aspects d´un complot
La déclaration franco-espagnole paraît séduisante puisqu´elle prétend apporter une contribution à une solution «juste et durable» au conflit sahraoui qui traîne depuis plus de 35 ans. Dans sa formulation, cette initiative prétend donc partir d´une bonne intention. Il se trouve cependant que ni Mme Trinidad Jimenez ni Mme Alliot-Marie ne présentent un visage net dans cette démarche qui a du mal à cacher les aspects d´un complot.
La chef de la diplomatie espagnole est déjà connue dans son pays pour faire partie aux côtés de son prédécesseur à ce poste, Miguel Angel Moratinos, dont elle suit la voie diplomatique tracée pour le Sahara, du premier cercle du lobby espagnol pro-marocain. Quant à Mme Alliot-Marie, sa seule fonction de ministre des Affaires étrangères de la France la disqualifie pour jouer quelque rôle positif dans le conflit du Sahara occidental.
N´est-ce pas le gouvernement socialiste du président José Luis Zapatero qui a, dès son installation officielle en avril 2004, entrepris d´encourager le Maroc dans son rejet de toute solution «juste et définitive» basée sur la tenue d´un référendum d´autodétermination pour l´ancienne colonie espagnole !
«Le référendum n´est pas la seule technique pour la mise en œuvre du droit à l´autodétermination», dira Miguel Angel Moratinos sitôt installé, en 2004, dans ses fonctions de ministre des Affaires étrangères de Zapatero. Pour lui, ni le Plan de règlement de l´Onu de 1991, ni le Plan Baker ne sont des «textes sacrés».
Il a tout dit. Durant six ans, ce diplomate chevronné a encouragé le Maroc à camper dans sa position de refus de la solution préconisée par les Nations unies et a, dit-on, inspiré la solution d´autonomie, calquée sur le modèle des autonomies en Espagne. A son départ du gouvernement, en octobre dernier, son regret a été, dit-il, de « n´avoir pas vu s´instaurer la paix au Sahara occidental». Par paix, il entend «un Sahara occidental pacifié et intégré au Maroc».
La France disqualifiée
C´est exactement la solution que défend la France depuis le partage du territoire sahraoui – sous les manœuvres de l´ex-président Valéry Giscard d´Estaing – le 14 novembre 1975. Davantage encore que Madrid, sous Zapatero, Paris ne peut pas être un partenaire impartial dans la recherche d´une solution juste au conflit sahraoui.
Le président Mohamed Abdelaziz a dénoncé, en avril 2010, l´attitude franchement pro-marocaine de la France dans le Conseil de sécurité en la qualifiant de principal facteur de blocage d´une solution au conflit sahraoui basée sur le respect du droit à l´autodétermination, dans le cadre de l´Onu.
Comment dès lors peut-on imaginer que Paris puisse jouer un rôle médiateur dans le processus de règlement de cette question ! Comment la France peut-elle aider un mouvement de libération qu´elle ne reconnaît pas et dont elle combat la cause lorsque le chef de la diplomatie marocaine, Fassi Fihri, a été reçu, lui, la semaine dernière, avec tant d´égards par son homologue française, sans le moindre reproche – une attitude qui vaut encouragement – pour les violations des droits de l´homme au Sahara occidental ?
Les mêmes soupçons de partialité en faveur du Maroc pèsent sur les bonnes intentions du gouvernement Zapatero qui exprime quatre postions sur le conflit sahraoui :
une à Madrid devant les parlementaires espagnols, une autre face aux dirigeants du Front Polisario, une troisième à Alger et une quatrième, la bonne, la vraie, à Rabat. Le soutien au plan marocain comme l´ont révélé au grand jour les câbles du Pentagone. C´est celle-là que Mme Jimenez a développée, en toute confidentialité, à Paris, avec Mme Alliot-Marie.
Les «Amis du Sahara»
Pourquoi la ministre espagnole des Affaires étrangères a-t-elle sollicité spécialement l´aide du pays le plus suspect de partialité dans le conflit du Sahara occidental et pourquoi, spécialement encore, à ce moment précis ? La démarche espagnole obéit à un double objectif.
Les partenaires du lobby pro-marocain ont pris la décision depuis l´adoption, à la fin du mois dernier, d´une résolution par le Parlement européen exigeant l´ouverture d´une enquête internationale sur ce qui s´est passé au Sahara occidental. Une enquête de l´Institut espagnol El Cano classe le Maroc en tête du lot des pays où les droits de l´homme sont les plus violés.
Ils ont donc multiplié leurs manœuvres en ce sens, particulièrement la semaine qui vient de s´écoulée, en marge de la réunion des MAE des «27» suivie de celle du Conseil des chefs d´Etat et de gouvernement, pour tenter de développer une action diplomatique tous azimuts en vue de desserrer l´étau qui s´est resserré, ces derniers temps, autour du Maroc, le «partenaire stratégique» de l´Union européenne, depuis la prise d´assaut brutale du camp de Gdeim Izik, le 8 novembre dernier.
Ce même lobby ne désespère pas de rallier à la solution marocaine, soutenue par la France et l´Espagne, les membres du groupe des Amis du Sahara occidental composé, outre de ces deux pays, des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de la Russie.
L´objectif serait non pas d´aider, comme le laissent entendre Paris et Madrid, les deux parties impliquées dans le conflit sahraoui, mais d´imposer au Conseil de sécurité la solution annexionniste marocaine avancée à travers son plan d´autonomie. S´il le faut par des pressions sur le gouvernement algérien pour son soutien indéfectible à la cause sahraouie.
La clé du problème
Or, ni Washington, allié d´Alger dans la lutte contre le terrorisme, ni Moscou, principal allié traditionnel de l´Algérie, ni Londres qui plaide la solution d´un référendum dans le contentieux qui l´oppose à l´Espagne sur le cas de Gibraltar, ne semblent vouloir jouer «el juego sucio» du gouvernement Zapatero avec la complicité de Paris.
La démarche de Mme Jimenez confirme ce que Mohamed Abdelaziz avait affirmé, en avril dernier, lorsque sous le veto du gouvernement français le Conseil de sécurité n´avait pas accepté que la mission de la Minurso soit élargie à la surveillance des droits de l´homme : «La clé du problème se trouve à Paris !».
Par Hamid A.
Le Temps d’Algérie, 18/12/2010
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