Au moment où les représentants du Front Polisario et du Maroc se retrouvaient à la table des négociations à Manhasset, sept militants sahraouis des droits de l’Homme passaient devant un tribunal marocain à Casablanca en présence d’observateurs étrangers. Il s’agit des militants sahraouis Brahim Dahane Sahraoui, Ahmed Nassiri, Ali Salem Tamek, Degia Lachgare, Yahdih Ettarrouzi, Rachid Sghavar, Lebaihidi Saleh, coupables d’avoir rendu visite à leurs familles dans les camps des réfugiés à Tindouf en 2009. Le procès a été reporté au 7 janvier 2011 en raison des perturbations causées par certains avocats marocains et de l’assistance qui ont empêché son déroulement.
Le collectif d’avocats chargé de la défense des sept Sahraouis vendredi dernier ont dénoncé hier les conditions dans lesquelles s’est déroulé ce procès marqué par «plusieurs anomalies». Dans un communiqué dont l’agence de presse algérienne (APS) a eu une copie hier, le collectif a affirmé que les observateurs étrangers, magistrats, avocats et représentants d’ONG de soutien au peuple sahraoui, venus notamment d’Italie, d’Espagne, de France, de Suède, «ont été soumis à des intimidations» dès l’entrée du tribunal et dans la salle d’audience. Selon les témoignages des observateurs italiens, «comme lors des deux précédentes audiences, il y a eu au cours de cette séance des attaques contre les accusés, leurs proches, certains observateurs internationaux et deux journalistes espagnols».
Ils ont ainsi relevé que les procédures d’admission au tribunal et, par la suite, à la salle d’audience «ont été particulièrement lourdes» à l’égard des observateurs internationaux, citant notamment «la longue attente, le contrôle des passeports, les recherches». De nombreuses personnes prenaient en photo les observateurs qui ont été délestés de leurs téléphones portables, ordinateurs et modems «au moment même où cette mesure n’a pas été imposée au public venu nombreux», ont-ils témoigné encore. La salle d’audience, ont-ils noté, était comble, avec une présence de plus de 80 avocats marocains, qui ont occupé toute la salle, empêchant les observateurs de suivre le procès, ont également indiqué ces derniers, relevant qu’«aucun Sahraoui n’a pu être admis à l’audience, contrairement aux des nombreux civils marocains».
Le collectif d’avocats a également tenu à préciser que cinq observateurs n’ont pu assister à la deuxième partie de l’audience et qu’«ils ont été poussés en dehors de la salle d’audience par une partie du public qui les a soumis à des violences physiques». Les forces de police, ont-ils ajouté, ont empêché l’entrée dans la salle d’audience du journaliste marocain Abdelmoumene Chebari, membre du secrétariat de la Voie démocratique (parti de la gauche radicale marocaine) connue pour ses positions en faveur de l’autodétermination du peuple sahraoui. Les avocats ont, en outre, signalé que, dès leur arrivée au tribunal, la salle d’audience était déjà bondée et que plus de «80 avocats qui apparemment n’avaient aucun lien avec l’audience étaient debout, au premier rang, et empêchaient les observateurs de suivre le procès». Les avocats chargés de la défense affirment également avoir fait l’objet d’«intimidations» et ont été relégués au quatrième banc derrière les avocats marocains venus en nombre, alors que l’avocat marocain et défenseur des accusés Me Mustapha Errachidi a été pris à partie et accusé de «trahison» par ses confrères marocains. Toutes les places assises étaient également occupées par des civils marocains criant des slogans et brandissant des drapeaux marocains et des photos du roi, ont-ils rapporté par ailleurs, soulignant que les plaidoiries des avocats de la défense ont été interrompues à plusieurs reprises par des cris provenant de la salle d’audience.
Le collectif d’avocats a également indiqué qu’aucun Sahraoui n’était présent au milieu du public et que les accusés, en liberté provisoire, étaient absents de l’audience ainsi que leurs familles, «de crainte d’être de nouveau agressés». L’audience a été plusieurs fois suspendue pour permettre au public de scander des slogans patriotiques et brandir des drapeaux marocains et des portraits du roi, a-t-on également signalé. De plus, les observateurs font remarquer que l’absence forcée de l’accusé en liberté sous caution à l’audience pourrait être utilisée par le procureur comme preuve pour maintenir en détention les autres accusés. Cette absence, ont-ils dit, a été utilisée par le ministère public pour «justifier la nécessité de maintenir les autres accusés en détention». Selon l’acte d’accusation, les sept accusés sahraouis sont jugés pour «atteinte à la sécurité de l’Etat du Maroc», alors qu’ils ne revendiquent rien d’autre que le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination.
Par Ghada Hamrouche
La Tribune d’Algérie, 19/12/2010
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