Grâce au Maroc et au Mali, la peine de mort contre les homosexuels ne serait plus “injustifiée”, comme le souligne Rue89 , et ce depuis le 16 novembre dernier. La mention “homosexualité” qui figurait depuis 1999 dans une résolution condamnant les exécutions extrajudiciaires vient d’être subtilement remplacée par “pour quelque raison que ce soit”. L’amendement a été voté à l’initiative du Maroc et du Mali pour le compte de l’Organisation de la Conférence Islamique OCI et des groupes africain et arabe, à 79 voix contre 70 (et 17 abstentions), la Russie étant le seul pays européen à avoir voté pour.
Les Etats-Unis, eux, ne l’entendent pas de cette oreille. Selon Reuters, l’ambassadrice américaine auprès des Nations-Unies Susan Rice s’est déclarée “outrée” par ce vote lors de la journée mondiale des Droits de l’Homme le 10 décembre dernier. Elle a également fait part de son souhait de le voir abandonné à la prochaine assemblée plénière qui se tiendra le 20 décembre. “Nous ferons preuve de fermeté, et nous avons bien l’intention de remporter la bataille“, a-t-elle affirmé.
Le Maroc n’en est pas à sa première proposition controversée. Le 23 novembre dernier, la Troisième Commission des nations-Unies a achevé ses travaux “en demeurant divisée sur la lutte contre la diffamation des religions“. Pour le Maroc et les pays de l’OCI, “une liberté d’expression sans limites ne fait qu’inciter à la haine et va à l’encontre du multiculturalisme“. Les Etats européens, les Etats-Unis et la Suisse, quant à eux, s’opposent fermement à l’adoption d’une telle résolution en rappelant que les Droits de l’Homme protègent les individus et non pas les religions et systèmes de croyance. En 2009 déjà, la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton s’est dite en profond désaccord avec “ceux qui affirment qu’une telle résolution serait la meilleure façon de protéger la liberté religieuse“. Pour elle, “La liberté d’un individu de pratiquer sa religion ne doit pas avoir de conséquence sur la liberté d’expression des autres“.
L‘idée est-elle saugrenue de faire voter des résolutions d’arrière-garde en matière de Libertés Individuelles lorsque l’on se définit comme un digne représentant de l’islam modéré? Pas lorsque les apparences de tolérance religieuse cachent une législation théocratique ouvertement liberticide. En effet, la motivation de la majorité des pays qui défendent de tels retours en arrière, avec le Maroc en tête, c’est de réduire l’incompatibilité de leurs lois nationales avec les textes internationaux. Le Maroc, bien qu’il ait signé et ratifié le Pacte International des Libertés Civiles et Politiques en 1979, continue à appliquer des lois qui violent ses dispositions, comme l’article 489 du code pénal qui punit de six mois à trois ans de prison toute personne ayant un comportement “impudique ou contre-nature avec un individu du même sexe”, ou encore l’article 222 qui punit d’un à six mois de prison toute personne supposée musulmane qui “rompt ostensiblement le jeûne durant le mois de ramadan”, acte justement considéré par l’Etat marocain comme portant atteinte aux valeurs de l’islam. Jusqu’où peuvent aller les lois censées protéger une certaine morale, et où commence l’inquisition envers tous ceux qui ne la partagent pas?
Le rapport 2010 du Département d’Etat américain sur la liberté religieuse a justement souligné des violations commises par l’Etat marocain envers les dé-jeûneurs et les chrétiens de nationalité marocaine ou étrangère. Entre-temps, fort de sa petite victoire aux Nations-Unies – quand bien même décrétée provisoire par les Etats-Unis – le Maroc continue à appliquer un code confessionnel du statut personnel et à museler le débat sur la laïcité, de plus en plus réclamé par une large partie de la jeunesse.
Zineb El Rhazoui
Vox Maroc, 15/12/2010
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