Le chantage éhonté de Rabat

La première chambre du Parlement marocain a réclamé, vendredi dernier à l’unanimité, la «récupération» par le Maroc des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, nouvelle étape dans le froid entre les deux pays. Les députés ont également demandé au gouvernement marocain de «réévaluer le plus rapidement possible les relations maroco-espagnoles» à «tous les niveaux politique, économique, sécuritaire et culturel». Le texte a été adopté par l’ensemble des partis politiques marocains représentés. 
 
La Chambre était réunie au lendemain d’une motion des députés espagnols demandant à leur gouvernement de «condamner les incidents violents du 8 novembre» survenus lors du démantèlement d’un campement de contestataires sahraouis au Sahara occidental. Rabat considère que «le moment actuel nécessite une réévaluation globale des relations avec l’Espagne dans tous les domaines», avait déjà déclaré jeudi dernier le ministre marocain de la Communication, Khalid Naciri. «La Chambre des représentants renouvelle l’attachement du peuple marocain à son unité nationale et insiste fortement à son parachèvement en récupérant les villes de Ceuta et Melilla ainsi que les îles Chaâfarines occupées», selon le communiqué. 
 
Le contentieux territorial sur les enclaves est la source de tensions diplomatiques récurrentes entre les deux pays. Etrange attitude des élus du peuple marocain et de ses gouvernants qui utilisent Ceuta et Melilla comme un moyen de chantage éhonté contre l’Espagne chaque fois que le Parlement espagnol prend position contre l’occupation illégale du Sahara occidental par le Maroc. Cette attitude révèle une arrière-pensée marocaine indigne du peuple marocain et de ses droits légitimes sur Ceuta et Melilla qui sont marocaines depuis la nuit des temps et que le Maroc semble avoir troquées en 1975 contre le Sahara occidental. Le Makhzen a préféré enliser le Maroc dans une aventure coûteuse en occupant un territoire sur lequel il n’a aucun droit et céder Ceuta et Melilla situées sur la côte méditerranéenne à l’Espagne, contre un soutien politique et économique et le silence de Madrid sur l’occupation du Sahara occidental. 
 
L’éveil du Parlement marocain a été provoqué par la position sans complaisance des élus du peuple espagnol qui exige de Madrid une position claire sur le Sahara occidental quant au droit du peuple sahraoui à l’autodétermination et au respect des droits humains dans les territoires occupés par le Maroc. Cette position principielle n’a pas plu au palais royal marocain qui a actionné la Chambre basse pour exiger la restitution de Ceuta et Melilla. La marocanité de ces deux enclaves est indiscutable et la revendication de la souveraineté marocaine sur ces deux villes doit être permanente si le Makhzen y tenait réellement. Car, en réalité, le pouvoir marocain n’est nullement intéressé par l’indépendance de Ceuta et de Melilla, mais par l’occupation illégitime du Sahara occidental dont la population n’accepte aucun compromis autre qu’un référendum d’autodétermination. Et si les populations de Ceuta et Melilla revendiquaient un référendum d’autodétermination, quelle serait l’attitude de Rabat ?Abdelkrim Ghezali   
La Tribune d’Algérie, 5/12/2010

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