En réaction à la condamnation de l’assaut de Gdeim Izik par les députés espagnols
Le Maroc a décidé, hier, de sortir l’arme du chantage, comme l’avait promis, la veille, le porte-parole du gouvernement marocain, Khalid Naciri, pour «punir « Espagne à cause de la motion à travers laquelle le congrès des députés avait condamné la brutale prise d’assaut du camp de toile de Gdeim Izik du 8 novembre.
Jeudi, M. Naciri avait averti, au cours d’une conférence de presse, que «les circonstances actuelles mettaient le Maroc dans l’obligation de reconsidérer ses relations avec l’Espagne, dans tous les domaines».
L’arme du chantage brandie
Une menace à peine voilée dont les députés marocains en ont précisé le contenu, hier, à travers un communiqué au langage direct que publie la MAP : «L’Espagne a tout à perdre sur le terrain de la sécurité, de la stabilité, du terrorisme, de l’immigration clandestine, du crime organisé et du narcotrafic.»
Les députés ont exigé, surtout, du gouvernement de Bassa El Fassi, qui n’attendait en fait que le feu vert de tous les partis politiques présentés au Parlement pour remettre, officiellement, sur la table la question des présides de Ceuta et Melilla, «villes occupées» par l’Espagne, malgré l’avis réservé du palais royal.
En termes clairs, le Maroc menace de fermer les yeux sur tous les trafics comme il l’a souvent fait en période de crise diplomatique avec son voisin du nord qui constitue la frontière sud de l’espace Schengen. Il vient de le confirmer durant la crise diplomatique de l’été dernier qui avait surgi à la suite des incidents au poste frontalier de Melilla.
Timide réaction à Madrid
Le gouvernement socialiste espagnol qui a joué la modération depuis le démantèlement violent du camp d’Al Ayoune continue d’observer une certaine retenue pour ne pas envenimer ses relations privilégiées avec son voisin du sud.
Dans son dernier communiqué officiel, le ministère espagnol des Affaires étrangères entend privilégier la «voie du dialogue» et de mettre en avant la «relation stratégique» qui lien les deux pays.
Certains milieux diplomatiques veulent croire encore que Rabat fait dans le «bluff» parce qu’il n’a pas les moyens de sa menace.
Le 13 novembre doit se tenir la session ordinaire du conseil d’association UE-Maroc. En plus, le moment est mal choisi par Rabat pour entrer en conflit avec l’Espagne, son meilleur avocat pour le renouvellement de l’accord de pêche qui parvient à expiration en mars 2011.
Sur la question de Ceuta et Melilla, Madrid, avec le soutien des 27, a déjà fait savoir sous le gouvernement d’Aznar comme celui de Zapatero – et devrait le refaire incessamment – que Ceuta et Melilla ne «sont pas négociables» et sont, de surcroît des «territoires de l’Union européenne». Il sera très difficile dès lors aux autorités marocaines d’espérer, un jour, que cette question soit inscrite dans l’agenda diplomatique des deux pays.
Un «bluff» ?
D’autres, au contraire, sont persuadés que Rabat jouera le pourrissement de ses relations avec l’Espagne où le Front Polisario jouit du soutien le plus large. Même le Parti socialiste a choisi de renforcer ses relations avec le Front Polisario comme l’ont exigé les parlementaires, dans les deux chambres, dans leurs dernières motions respectives sur le Sahara occidental.
Certes, la secrétaire aux relations internationales du PSOE, Mme Elena Valenciano, pourtant connue pour faire partie du lobby pro-marocain, a proposé, la semaine passée, au représentant sahraoui à Madrid, Bayoune Boucharaya, que les relations entre son parti et le Front Polisario soient élevées au plus haut niveau.
C’est vrai aussi que Rabat n’a pas pardonné au gouvernement Zapatero, soumis à toutes les pressions depuis la grève de la faim, en 2009, d’Aminatu Haider, d’avoir pris ses distances vis-à-vis du plan d’autonomie marocain sur le Sahara occidental. Les préoccupations du Maroc sont d’avenir, toutefois.
Rabat est conscient, en effet, que les jours du gouvernement socialiste Zapatero, en chute libre dans tous les sondages, sont comptés.
Le Parti populaire espagnol est assuré d’arriver au pouvoir, en mars 2012, date à laquelle la droite, en France, devrait quitter l’Elysée et Matignon. Les «amis du roi» de retour dans l’opposition, de fait la diplomatie marocaine perdra les meilleurs alliés de sa thèse sur le Sahara occidental. Aussi, la diplomatie marocaine vit-elle, aujourd’hui, ses pires moments !
Par Hamid A.
Le Temps d’Algérie, 4/12/2010
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