Aux côtés des motivations liées à la pression «interne» qui a poussé le président français Nicolas Sarkozy a opéré un remaniement ministériel, l’écartement de Bernard Kouchner aurait une relation directe avec deux dossiers importants pour Paris. Il s’agit en premier de l’échec de la relance de l’Union pour la Méditerranée, et en second la complication des relations avec l’Algérie causée notamment par les dérapages verbaux de l’ex-ministre français des Affaires étrangères.
Ainsi, à la veille de la visite de l’ex-Premier ministre français, Jean-Pierre Raffarin à Alger, chargé par Sarkozy de relancer les relations économiques entre l’Algérie et la France, le président français veut apparemment réunir toutes les conditions pour réussir cette mission. Parmi ces conditions, les visites des différents émissaires français à Alger, à commencer par le représentant de l’Elysée, la secrétaire d’Etat chargé du Commerce extérieur et enfin l’ex-ministre de la Justice et garde des Sceaux, Michelle Alliot-Marie qui aurait réussi à séduire les responsables algériens. En tout cas, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, avait déclaré à l’issue de sa rencontre avec Mme Alliot-Marie : «Les relations entre l’Algérie et la France se portent bien». A ce propos, certains observateurs soulignent que Sarkozy aurait bien pris ce point en considération puisque Mme Alliot-Marie vient d’être nommée ministre des Affaires étrangères suite au dernier remaniement ministériel intervenu en France.
Kouchner indésirable en Algérie
Il faut dire que Bernard Kouchner est devenu un personnage indésirable en Algérie. Il était attendu en visite en Algérie le mois de février dernier mais celle-ci a été reportée. Un report qui n’a pas été expliqué par Paris, et du côté d’Alger, Ahmed Ouyahia avait renvoyé la balle au Quai d’Orsay en précisant que c’est Paris qui a décidé de reporter cette visite et non pas Alger.
Le Premier ministre avait rassuré que les relations entre les deux pays «sont normales et basées sur le volet commercial, la circulation des personnes et les relations de bon voisinage».
Il faut dire que le choix de Raffarin pour relancer les relations économiques entre l’Algérie et la France n’est pas dû au hasard puisque ce dernier est connu pour le rôle qu’il a joué dans la relance des relations économiques entre la France et la Chine. En tout cas, au départ, c’était à l’ex-ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, de mener les négociations avec les responsables algériens sur les différents dossiers qui fâchent entre les deux pays. Mais l’image qu’a donnée ce dernier avec les propos qu’il a tenus à l’encontre de la génération de la guerre de Libération nationale algérienne a rendu son déplacement en Algérie indésirable.
Cet ex -responsable français avait estimé que la complexité des relations entre l’Algérie et la France est due au fait que «c’est la génération de l’indépendance algérienne qui est au pouvoir et qu’après le changement de pouvoir en Algérie les relations vont s’améliorer».
A l’hebdomadaire français «Le Journal du Dimanche» qui lui demandait quand les relations entre les deux pays seront réparées, Kouchner répond que «la génération de l’indépendance algérienne est encore au pouvoir. Après elle, ce sera peut-être plus simple». D’autre part, l’ex -chef de la diplomatie française avait dit : «Nos rapports avec l’Algérie ont été à ce point sentimentaux, violents et affectifs. Tout est très difficile et très douloureux. L’Algérie a été vécue comme française en France quand elle était une colonie de peuplement», rappelant que l’anticolonialisme a été son «premier engagement».
Kouchner avait même défendu la décision de son pays portant inscription de l’Algérie sur la liste des pays à risque terroriste dont les ressortissants seront soumis à des mesures de contrôle spécifiques au niveau des aéroports français. Pour cet ex -responsable français, «c’est une norme de sécurité et l’Algérie n’est pas seule en cause. Les Algériens sont choqués, et c’est vrai qu’ils se battent courageusement contre Al-Qaïda. Mais nous appliquons des règles de sécurité».
En outre, bien avant la nomination d’Alliot-Marie à ce poste, le président français Nicolas Sarkozy avait déchargé Bernard Kouchner de quelques prérogatives liées au poste de ministre des Affaires étrangères , en particulier en ce qui concerne les relations avec l’Algérie. D’ailleurs, pour renouer le dialogue avec les responsables algériens, le président Sarkozy avait confié le «dossier» Algérie au secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, qui avait au moins réussi à évoquer tous les points qui fâchent entre les deux pays avec le Premier ministre Ahmed Ouyahia.
L’échec de l’UPM et la question sahraouie
Par ailleurs, l’ex-chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, n’a pas pu donner un souffle au projet initié par le président français qui est l’Union pour la Méditerranée (UMP), dont le deuxième sommet vient d’être reporté. Ce sommet était prévu pour ce 21 novembre à Barcelone, mais la situation au Moyen-Orient n’a pas encouragé la relance de l’UPM. De son côté, Alger a été sollicité par Madrid pour que le président Bouteflika participe à ce sommet. Les responsables espagnols n’ont pas pu convaincre les responsables algériens. A ce propos, il est à rappeler que l’Algérie a toujours était réservée par rapport à ce «cadre» initié par Sarkozy, d’autant qu’Israël est membre important de l’UPM et qu’au début de lancement de ce projet la diplomatie française avait accordé de l’importance au rôle de l’Egypte alors que l’Algérie pèse de tout son poids notamment dans la région de la rive sud de la Méditerranée. Par ailleurs, les agressions marocaines contre les réfugiés sahraouis auraient eu un impact sur la position de l’Algérie qui ne peut nier l’attitude «négative» de Paris sur ce dossier. Ainsi, l’échec de Kouchner concernant l’UPM est très clair et ne peut être pardonné par le président français.
Pour rappel, c’est le 19 mai 2007 que Bernard Kouchner hérita du poste de la diplomatie française. Nombre d’observateurs et d’analystes ont critiqué le choix de Sarkozy et avec la pratique elles ont été confirmées, notamment en ce qui concerne les relations avec l’Algérie. En tout cas, Kouchner qui se présentait comme un bon élève de son président Nicolas Sarkozy a été écarté du gouvernement.
Après sa nomination au poste de ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie a déclaré, en prenant ses fonctions au Quai d’Orsay : «Il est vrai que nous croyons à certains équilibres mondiaux. Nous croyons à un monde multipolaire dans lequel il est important que la France (…) puisse faire entendre sa voix». Une déclaration qui confirme que la diplomatie française veut revenir en force sur la scène internationale.
Il est à rappeler que Mme Alliot-Marie, qui faisait déjà partie du gouvernement de l’ex-président français Jacques Chirac, est très appréciée à Alger où elle fit plusieurs séjours dans ses diverses fonctions. Mme Alliot-Marie, qui a été successivement ministre de la Défense nationale, de l’Intérieur et de la Justice avant de prendre en main les Affaires étrangères, a une expérience politique qui sera mise au profit de la diplomatie française.
Relancer les relations algéro-françaises
Il faut dire que Paris ne veut pas perdre ses relations avec l’Algérie, ni sa place comme partenaire stratégique alors que l’Algérie est en train d’acquérir d’autres partenaires puissants comme les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Ainsi, en dehors de l’héritage historique, la France a des intérêts commerciaux énormes avec l’Algérie. Toutefois, avec le lancement du nouveau plan d’investissement public doté d’une enveloppe financière de plus de 200 milliards de dollars, Sarkozy est conscient de l’enjeu économique de ce programme.
D’ailleurs, c’est pour cela que l’ex- Premier ministre français Jean-Pierre Raffarin est attendu à Alger mardi prochain, le 24 novembre.
Il faut noter que les échanges entre les deux pays ont atteint 7,75 milliards d’euros en 2009, en recul de près de 3 milliards par rapport à 2008. Un recul qui serait en relation avec la position de la France par rapport aux mesures prises dans le cadre de la LFC 2009.
Cependant, le gouvernement algérien a affirmé qu’il n’est pas question de revenir sur les nouvelles mesures économiques prises dans le cadre de la loi de finances complémentaire de 2009, confirmées dans la loi definances 2010 et auxquelles la France doit se soumettre.
Par Nacera Chenafi
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