Le camp de Agdim Izik

L’hebdomadaire marocain «Tel Quel» décrivait fin octobre le camp de Agdim Izik mettant en relief les raisons qui ont poussé 15 000 personnes à quitter leur domicile à Laâyoune ville pour aller s’installer dans un camp de tentes à 15 km de là. « … à la base, ce campement est né il y a une dizaine de jours pour protester contre les conditions de vie de certaines couches de la population au Sahara. “Les principaux meneurs du mouvement sont des jeunes chômeurs ou des personnes tombées dans l’oisiveté depuis que le Maroc a décidé de serrer la vis concernant les filières de contrebande et d’émigration clandestine”, confie notre interlocuteur de l’administration territoriale. Très vite, ces personnes ont été rejointes par des familles entières, composées majoritairement d’anciens pensionnaires des bidonvilles Al Wahda, en attente de recasement. «La colère gronde depuis plusieurs mois», reconnaît ce militant de gauche à Laâyoune. Les meneurs ont d’abord essayé de sensibiliser les responsables de la ville et frappé à plusieurs portes. En vain. Personne n’a voulu les écouter. Mais lorsque qu’ils ont constaté les privilèges, souvent démesurés, accordés aux derniers groupes de ralliés, ils ont laissé exploser leur colère.»

Mais l’hebdomadaire s’interroge : «Le campement de Laâyoune ne serait-il donc qu’une réponse spontanée à un ras-le-bol massif et populaire ? A voir. Ce qui est sûr, c’est que l’acheminement puis le montage de milliers de tentes en plein désert a nécessité des moyens financiers et logistiques importants. Le campement s’est ensuite déployé en un temps record, ce qui laisse supposer une préparation minutieuse en amont.» Citant un responsable local on lit : «Les motivations des initiateurs du campement sont strictement sociales, analyse un observateur sur place. Ils ont d’ailleurs interdit aux protestataires de brandir des drapeaux ou de scander des slogans politiques. Mais le mouvement a été récupéré depuis. Les services algériens ont certainement dû offrir un soutien financier ou logistique aux organisateurs qui adoptent aujourd’hui une terminologie de plus en plus politique et indépendantiste». «Soit, mais comment expliquer que toute cette machine se soit mise en branle sans éveiller les soupçons des autorités locales, d’habitude aux aguets lorsqu’il s’agit de mouvements sociaux ou politiques ?» s’interroge le journal.

De toute évidence, sans se perdre en conjectures, un tel mouvement de ras-le-bol dans une ville des mieux dotées au Sahara occidental renseigne sur l’extrême fragilité du statu quo maintenu jusque-là par le Maroc. Ils semble qui celui-ci s’est évaporé avec les fumées des tentes et des véhicules brûlés à Laâyoune et Agdim Izik.
A. E.
Les Débats, 17-24/11/2010

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