De la Guerre des sables à l’occupation des territoires sahraouis

La monarchie marocaine réussit à utiliser l’affaire du Sahara Occidental pour forger une union sacrée de toutes les forces politiques autour d’une tâche historique : l’«achèvement de la libération nationale». Pour contrer la pression de la gauche dans les années 60, la monarchie n’a trouvé son salut que dans la surenchère nationaliste. Elle a revendiqué dans un premier temps des territoires algériens (Guerre des sables de 1963), puis s’est emparée du Sahara Occidental en novembre 1975, tout en continuant de contester le tracé des frontières, qui ne sera ratifié qu’en juin 1992 à l’issue d’une entrevue entre le roi Hassan II et le président Mohamed Boudiaf. 
 
La monarchie a utilisé cette arme nationaliste contre la principale force d’opposition, l’Union nationale des forces populaires (UNFP), créée et dirigée par feu Mehdi Ben Barka. Ce dernier se sentait proche du régime algérien d’Ahmed Ben Bella et son parti fut décapité en juillet 1963, sous l’accusation de complot contre la sûreté de l’Etat. Quand éclate la Guerre des sables en octobre 1963, Mehdi Ben Barka, en exil à Alger, dénonce «l’agression contre la révolution algérienne par une monarchie féodale». Les partis fidèles à la DST, l’administration royale omniprésente, saisissent l’occasion pour accuser ouvertement les militants de gauche de trahison. 
 
L’UNFP en sera durablement affaiblie et son dirigeant assassiné à Paris, en octobre 1965, avec la complicité de hauts fonctionnaires de la police française. Traumatisée par le souvenir de 1963, la gauche marocaine reprit à son compte la rhétorique nationaliste et adhéra totalement à la «récupération» du Sahara sous domination espagnole (à l’exception du mouvement marxiste Ilal Amam d’Abraham Serfaty). En 1975, elle appelle à participer à la «marche verte», par laquelle le roi Hassan II fait envahir ce territoire, le jour du départ annoncé des soldats espagnols, par des dizaines de milliers de Marocains brandissant le Coran et ses portraits. L’objectif du roi – récupérer ses adversaires les plus dangereux, les héritiers de Mehdi Ben Barka. 
L. Y. 
La Nouvelle République, 14/11/201

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