Une question de justice

Elle s’est rendue au Sahara occidental pour, disait-elle, promouvoir le commerce équitable, mais ce que cette jeune Française a découvert sur place, l’aura marquée pour longtemps. La preuve, elle n’ose même pas révéler son identité pour échapper aux forces marocaines d’occupation. Elle a peur pour elle-même parce qu’elle a brisé la loi du silence imposée à ce territoire d’où rien ne sort, et même les entrées sont filtrées pour éviter les regards indiscrets. Des parlementaires européens ont subi eux aussi ce traitement, et leur seule réaction a été de différer leur voyage. Un bien curieux comportement à l’endroit d’une cause considérée comme une question de décolonisation, et l’Europe ne s’y est jamais opposée en votant toutes les résolutions au moins depuis 1990.
Cette jeune bénévole a, en quelques lignes, démonté en démenti tout le discours marocain. Ce qu’elle rapporte de la révolte actuelle des Sahraouis des territoires occupés devrait au moins retenir l’attention de la communauté internationale. Populations encerclées et meurtre de sang-froid. Elle apporte même la preuve de ce qu’elle a vu, sous la forme d’un diaporama, qui a déjà fait le tour de la planète. Un témoignage de plus sur la situation imposée au peuple sahraoui qui a opté pour toutes les formes de lutte. Un combat qui met aussi en relief l’échec de toutes les politiques menées par l’occupant depuis 1975, et visant justement à étouffer le sentiment nationaliste.

Plus clairement, l’occupant n’a pas réussi à faire des Sahraouis des sujets loyaux. Cela a été constaté dès 1991, quand le Maroc, pourtant signataire avec le Front Polisario de l’accord de paix, a commencé à se rétracter et renier sa signature, ou quand des têtes connues sont tombées pour manque de réussite. Elles sont nombreuses, et ceux qui avaient pour charge de persister dans cette voie se rendent eux aussi à l’évidence. On ne fait pas de bons Sahraouis en recourant à autre chose que la force. Les Sahraouis n’ont jamais été aussi proches qu’auparavant, et le monde entier a connu et apprécié le combat de Aminatou Haidar. Et pourtant, l’Europe a été interpellée aussi bien sur son mutisme que sur son empressement à conclure avec la puissance occupante des accords incluant les eaux territoriales sahraouies. Elle affiche un incroyable immobilisme, mais, apprend-on, elle a décidé de réduire de 40% l’aide accordée aux Sahraouis. C’est surtout une impression, et elle est fausse. Que dire aussi de cette discrétion par rapport aux valeurs qu’elle déclare défendre, pour ne pas dire cette politique des deux poids, deux mesures concernant les violations des droits de l’homme au Sahara occidental ? En agissant de la sorte, l’Europe aide à perpétuer le statu quo colonial que tout le monde sait intenable, voire dangereux, même si par endroits, certains de ses membres ont affiché quelques signes d’agacement à l’égard d’une telle situation et de ce qu’elle offre comme perspectives. Très peu, car il s’agit de rendre justice au peuple sahraoui.
Mohamed Larbi
El Watan, 30/10/2010

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