Abdelaziz, de la France : "La situation est grave et peut déraper d’un moment à l’autre"

Le cadre était on ne peut plus symbolique : c’est du haut d’une tribune de l’Assemblée nationale française que Mohamed Abdelaziz, qui prenait part à une rencontre en préambule à la 36e Conférence européenne de soutien au peuple sahraoui (Eucoco), qui devait s’ouvrir vendredi dans la ville du Mans, face à des parlementaires européens mais aussi venus de très loin (Brésil, Angola, Nicaragua, Mexique…), a interpellé la France, et son alignement incompréhensible sur les thèses marocaines, comme il a averti les Etats et institutions internationales sur la situation faite par le royaume du Maroc aux Sahraouis, notamment ces derniers temps, qui «constitue une réelle menace pour la paix dans la région» et risque «de rendre improbable la reprise des négociations entre le Front Polisario et le Maroc». Aminatou Haider, militante sahraouie des droits de l’Homme qui a vécu directement les affres de l’occupant, a pris part à cette rencontre.

La pré-conférence qui a eu lieu dans l’enceinte de l’Assemblée nationale française, grâce au concours de parlementaires de gauche français, membres de l’Eucoco, a été ouverte par Pierre Galand (militant inlassable de la cause de libération du peuple sahraoui et de celle du peuple de Palestine). La décolonisation du Sahara occidental, responsabilité des Nations unies et rôle de la France vus au travers du contexte juridique du droit de la décolonisation de l’autodétermination et de la résistance ; les droits de l’Homme et le rôle de la Minurso et du Conseil des droits de l’Homme ; la protection des ressources naturelles et enfin l’Europe et le Sahara occidental ont tour à tour constitué les socles de cette conférence animée par de brillants intervenants et déclinés quasi exclusivement sur la base des textes du droit international et de son piétinement par la force occupante marocaine avec souvent la complicité évidente de certains états et de l’ONU et de l’Union européenne. Les exposés des participants ont été précédés par l’intervention de Mohamed Abdelaziz, très applaudie, parce que ferme et mettant institutions et Etats devant leurs responsabilités.
Dans quelques jours, cela fera 35 ans que le Sahara occidental connaît l’occupation militaire marocaine, devait rappeler M. Abdelaziz, «35 ans d’illégalité, de transgression du droit, de violations des droits de l’homme et d’affront à la communauté internationale». Mais 35 ans aussi de résistance d’un peuple et surtout de respect de ses engagements internationaux. Et en dépit de «toutes les difficultés de la guerre qui nous a été imposée, nous avons été toujours fermement attachés à la paix et avons loyalement coopéré pour la mise en application du plan onusien de 1991 et des engagements pris en 1997» de cessez-le-feu. Pour s’en convaincre et pour rappel, le président sahraoui retracera toutes les péripéties par lesquelles est passé à la trappe marocaine l’arsenal juridique constitué par la série de résolutions de l’ONU qui n’ont connu aucune application, y compris la dernière proposition de 2003 du Conseil de sécurité, mais dès la publication par la commission d’identification de la liste provisoire des électeurs devant prendre part à la consultation du peuple sahraoui, le Maroc a décidé de refuser le principe même de la consultation du peuple sahraoui pour décider de son destin.
La décision d’autonomie prônée aujourd’hui unilatéralement par le Maroc est un déni du droit international. Ce qui l’est autant sinon plus, explique-t-il, «c’est que le Maroc se comporte au Sahara occidental en terrain conquis». Mieux encore, le président sahraoui, et pour ne prendre que la situation qui prévaut actuellement au Sahara occidental, évoque aux participants «les milliers de Sahraouis victimes de la répression, de tortures, de disparitions forcées, de dizaines de prisonniers politiques» encore détenus dans les geôles marocaines. Face à ce déni de justice et de droit, M. Abdelaziz appelle, encore une fois, les institutions internationales et des droits de l’Homme à la libération des prisonniers, à la présentation au plus tôt devant la justice pour des procès équitables de ceux qui attendent depuis des lustres leurs procès. Si les droits de l’Homme sont bafoués par l’occupant marocain dans l’indifférence de ceux qui sont chargés de les appliquer, l’exploitation des ressources du territoire sahraoui est un autre scandale, une autre violation du droit international, perpétrée par le Maroc, sans que ni l’ONU, ni l’Union européenne ne s’en préoccupent.
Le Sahara occidental, ayant un statut de pays non-autonome, ses ressources naturelles ne peuvent être exploitées qu’en respectant la volonté et au bénéfice des habitants autochtones du territoire, et ce, selon le droit international. Or, que fait-on ? Dans un avis juridique, jusqu’ici confidentiel, le service juridique du Parlement européen a déclaré que la pêche des navires européens dans les eaux du Sahara occidental représente une violation du droit international. Or, cette même Union européenne a signé un accord de pêche avec le Maroc qui exploite, sans être inquiété, les ressources halieutiques du peuple sahraoui, qui n’a, à aucun moment, été consulté, comme l’exige le droit international en la matière. Pour le phosphate, dont les rentrées pour le Maroc sont colossales, la situation est identique. «L’Europe a une grande responsabilité dans la pérennisation du conflit parce qu’elle ferme les yeux et participe au pillage des ressources naturelles du territoire. Mais que ce soit au niveau du Conseil de sécurité de l’ONU ou au niveau de la politique européenne à l’égard du conflit, la position prédominante de la France, quitte à renoncer aux principes des droits de l’Homme, a toujours privilégié l’alignement sur les thèses de l’autre partie au conflit au détriment de la légalité et de relations équilibrées avec tous les peuples de l’Afrique et du nord-ouest du Maghreb.
Quant à la situation de ces dernières semaines, au Sahara occidental, l’intervenant rappelle que face au blocage marocain et à l’inertie des institutions internationales, 20 000 Sahraouis ont décidé de s’exiler collectivement dans plus de 8 000 tentes dans les environs d’El Ayoun, à l’extérieur du territoire occupé : «La situation y est très préoccupante et ne cesse de se dégrader, les forces marocaines d’occupation y ont même tiré à balles réelles sur des citoyens sans défense, tuant un enfant de 14 ans et blessant 5 autres». Et de s’indigner : «Une telle situation où habitent des milliers de Sahraouis innocents est un danger et constitue une réelle menace pour la paix dans la région et risque d’anéantir les efforts consentis à ce jour par l’ONU et rendre improbable la reprise des négociations entre le Front Polisario et le Maroc.» Notons que l’Algérie était représentée à cette rencontre par M. Benaoum, le second de l’ambassade, et que des parlementaires algériens sont venus d’Alger, pour prendre part à la 36e Conférence européenne de coordination du soutien au peuple sahraoui, qui poursuit des travaux jusqu’à dimanche dans la ville du Mans.
De notre bureau de Paris, Khedidja Baba-Ahmed

INTERVIEW EXPRESS DU PRÉSIDENT MOHAMED ABDELAZIZ
«Notre cause ne peut laisser indifférent»

A l’issue de la pré-conférence de jeudi dernier à Paris, le président Abdelaziz a bien voulu répondre à deux questions du Soir d’Algérie.

Le Soir d’Algérie : A l’issue de votre présence effective durant cette pré-conférence qui a réuni de très nombreux parlementaires et amis de la RASD venus de tous les continents, pensez-vous que vos appels vont être entendus ?

Mohamed Abdelaziz : Je suis heureux de cette présence ici au siège de l’Assemblée nationale française, c’est très significatif. Je peux dire que l’appel lancé à partir d’El Ayoun, à travers des campements et des sit-in qui ont été organisés ce mois d’octobre, ont trouvé écho en France et à travers le monde entier.
Les parlementaires latino-américains ont émis l’idée d’organiser prochainement le même type de conférence qui réunirait les pays de ce continent pour promouvoir l’indépendance du peuple sahraoui. Comment avez-vous perçu cette proposition ?

C’est bien, là, la preuve que l’écho des appels du peuple sahraoui se renforce et que les soutiens à notre peuple viennent de partout, notre cause étant juste et ne peut laisser indifférent.
Pensez-vous que le pouvoir français actuel peut changer de position et ne plus s’aligner sur les thèses marocaines ?
Le gouvernement français est invité à agir le plus rapidement possible. Il y a une occasion qu’offrent aujourd’hui les Nations Unies. L’effort que développent Christopher Ross et le secrétaire général de l’ONU est une opportunité sans pareille pour que la France agisse dans le sens de la paix et ne reste pas dans cette position qui encourage le Maroc à continuer dans son intransigeance.
K. B.-A.

INTERVIEW EXPRESS DU PRÉSIDENT MOHAMED ABDELAZIZ
«Notre cause ne peut laisser indifférent»

A l’issue de la pré-conférence de jeudi dernier à Paris, le président Abdelaziz a bien voulu répondre à deux questions du Soir d’Algérie.

Le Soir d’Algérie : A l’issue de votre présence effective durant cette pré-conférence qui a réuni de très nombreux parlementaires et amis de la RASD venus de tous les continents, pensez-vous que vos appels vont être entendus ?

Mohamed Abdelaziz : Je suis heureux de cette présence ici au siège de l’Assemblée nationale française, c’est très significatif. Je peux dire que l’appel lancé à partir d’El Ayoun, à travers des campements et des sit-in qui ont été organisés ce mois d’octobre, ont trouvé écho en France et à travers le monde entier.
Les parlementaires latino-américains ont émis l’idée d’organiser prochainement le même type de conférence qui réunirait les pays de ce continent pour promouvoir l’indépendance du peuple sahraoui. Comment avez-vous perçu cette proposition ?
C’est bien, là, la preuve que l’écho des appels du peuple sahraoui se renforce et que les soutiens à notre peuple viennent de partout, notre cause étant juste et ne peut laisser indifférent.
Pensez-vous que le pouvoir français actuel peut changer de position et ne plus s’aligner sur les thèses marocaines ?
Le gouvernement français est invité à agir le plus rapidement possible. Il y a une occasion qu’offrent aujourd’hui les Nations Unies. L’effort que développent Christopher Ross et le secrétaire général de l’ONU est une opportunité sans pareille pour que la France agisse dans le sens de la paix et ne reste pas dans cette position qui encourage le Maroc à continuer dans son intransigeance.
K. B.-A.

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