La fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie a été officiellement installée, mardi dernier par le secrétaire d’Etat à la Défense et aux Anciens combattants, Hubert Falco. D’emblée, cette fondation a été controversée par les historiens. Pour la ligue française des droits de l’Homme, elle se veut « partisane et orientée » et partant elle vient couper court à toute intention réconciliatrice. La fondation vient d’être instituée avec pour vice-président celui qui a été le principal artisan de cette loi, l’ancien secrétaire d’Etat aux anciens combattants sous la présidence Chirac, Hamlaoui Mekachera.
La fondation sera présidée par Claude Bébéar, ancien lieutenant de l’armée française en Algérie. Dans son conseil d’administration siègent trois généraux, Bertrand de La Presle, Jean Salvan et François Meyer, signataires en 2002 d’un manifeste affirmant que « ce qui a caractérisé l’action de l’armée française en Algérie, ce fut d’abord sa lutte contre toutes les formes de torture ». Ce texte est la préface d’un « Livre Blanc de l’armée française en Algérie » qui s’en prend violemment à la soi-disant campagne de « désinformation » contre l’armée. Il contribue à tuer dans l’oeuf le débat portant sur la reconnaissance objective du passé colonial et partant reprendre le flambeau de l’affirmation du passé colonial et en faire une fierté nationale, quitte à voiler la vérité. Mais au delà de l’orientation flatteuse des « nostalgiques de l’Algérie française », attardons nous sur l’autre portée que confère la nomination du président de cette fondation. Qui est Claude Bébéard ? Et quelle lecture donner à cette fondation et à la nomination de son président au moment même où les relations entre Alger et Paris semblent connaitre un dégel patent ?
Son président, un loup blanc chez les Chérifiens
Dans le monde des affaires, Claude Bébéar est un loup blanc. Fondateur du groupe AXA assuurance, il est passé maître dans la capacité de lobyying. Il dirige des « think tank », comme on aime à les appeler chez les anglo-saxons. Cercle de réflexion qui font et défont les décisions politiques. Ce renard du monde des affaires, très proche de Sarkozy, a noué une relation qui a pour point de repère le Maroc. Il fait partie des puissants décideurs économiques du CAC 40 qui ont les faveurs du palais chérifien. Dans ce cercle d’amitiés, tout le monde trouve son compte. Le Maroc en quête permanente de soutien élyséen dans le dossier du Sahara occidental et les patrons français étant avides de nouveaux terrains de chasse dans le Maghreb. Et quand il y a en ligne de mire la course à l’armement, il vaut mieux avoir comme partenaire Serge Dassault, ami de Sarkozy.
On prête à Claude Bébéar des accointances avec André Azoulay, conseiller royal et proche de Sarkozy. Bébéar est membre du cercle d’amitié franco-marocain. La présidente de ce même cercle, Paulette Brisepierre, ancienne doyenne de l’Hémicycle français qui a élu domicile à Marrakech joue les intermédiaires entre Sarkozy et les « expats d’influence » au Maroc. Elle participe à la rédaction d’un rapport pour le Sénat intitulé « Le Maroc en mouvement », véritable bible des lobbyistes pro- marocains. Ses positions sur la question du Sahara occidental ou encore la Moudawana sont reprises en chœur par l’Etat-major de Nicolas Sarkozy.
Dans la presse marocaine, on parle beaucoup de la grande capacité de lobbying de Bébéar et son influence auprès du patronat français, décisive dans le dossier de l’offshoring voulu par Rabat et dont il est acteur. Ce n’est par hasard qu’il est président du cercle franco-marocain.
En connaissant mieux le personnage, on comprend sa nomination à la tête de la fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie. Si les intentions de cette fondation étaient motivées par la réconciliation des mémoires, choisir une personnalité qui symboliserait le rapprochement entre Alger et Paris aurait été plus à propos.
A l’évidence, il n’est pas sûr que ce mélange d’activisme mémoriel partisan, conjugué à un activisme politique soudjascent orienté vers le Makhzen sera du goût des autorités algériennes qui ont pourtant mis en stand by la loi criminalisant la colonisation. M.C.
Par : notre correspondant à Paris Mounir Cheriffa
Le Midi Libre, 20/10/2010
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