Ce que j'ai vu

Personnellement, je n’ai jamais entendu grand chose sur des patriotismes, mais de liberté, oui. Et plus je connais la réalité du peuple sahraoui, mieux je comprends l’intime relation qui ont, dans leur cas, les deux concepts. Laissez-moi m’expliquer.

Le mois de juillet dernier, après avoir longtemps entendu que les délégations d’activistes sahraouis des droits de l’homme qui avaient commencé à rendre visite aux camps de Tindouf, étaient reçus par la police marocaine avec beaucoup de violence lors de leurs retours à El Aaiun (le fameux Groupe des Sept a été arrêté et trois de ses membres séjournent encore en prison) nous avons décidé de voyager pour le vérifier.

Ce que nous avons vu alors depuis une fenêtre, à quelques mètres, c’est que, en effet, ces accueils sont des actes revendicatifs de l’indépendance du Sahara Occidental, oui. Les activistes descendent des véhicules au milieux des slogans et bradant un drapeau et, avant d’entrer dans le logement où leurs amis et parents les attendent, sont passés à tabac.

C’est un passage à tabac annoncé. Ils savent que cela va arriver. Parce que la maison est assiégée par des centaines de policiers quelques heures avant leur arrivée. Mais, dans un territoire occupé en attente d’un référendum qui lui donne un titre de propriété, les défenseurs de l’une des positions, ne devraient-ils pas pouvoir la revendiquer pacifiquement? Cela serait la liberté.

La semaine passée, 72 activistes se sont déplacés à Alger et sont revenus accompagnés d’une dizaine d’observateurs internationaux. Ils l’ont fait en trois groupes et dans le deuxième accueil, lorsque l’acteur Willy Toledo essaya de filmer à l’aéroport, plusieurs policiers se sont jetés sur lui et lui ont arraché la caméra en effaçant le contenu, et ont frappé, avec plus de violence qu’avec lui, plusieurs activistes. Une des femmes sahraouies, une fois terminé la raclée, avait une petite blessure dans le pied, et une heure après, la jambe enflammée.

Les forces de sécurité du Maroc avaient, selon la presse de ce pays, « des ordres de ne pas tomber dans les provocations des observateurs internationaux ». Et à cette occasion, la provocation, selon le ministre de la communication, était filmer la police. Et là-dessus, il y en a qui veulent centrer le débat.

Moi, si vous permettez, je peux ajouter des détails. Lorsqu’il n’y a pas d’observateurs, non pas à cause du poids médiatique qu’ils avaient à cette occasion, la violence se déchaîne en quelques secondes. Cette fois-ci, la police n’a pas chargé contre les activistes, mais les a entourés, leur a fait des gestes avec l’index sur le cou, les a criés dessus et poussés. Je ne peux pas confirmer les menaces parce que ce sont les sahraouis qui m’en ont fait la traduction. Peut-être qu’ils étaient en train de saluer, mais je peux vous transmettre l’attitude agressive. Ça, je l’ai vu.

Les espagnols, à aucun moment, n’ont répondu à ces agressions et, croyez-moi, ni Willy ni personne qui ne soit pas là, qui vive cette réalité au quotidien, aurait le courage de le faire, de provoquer plus de 100 policiers. Pardon, je rectifie, il peut y avoir des insensés avec un désir de protagonisme, je ne veux pas en parler. Mais ce n’était pas le cas. Ça, je peux l’affirmer, parce que je l’ai vu.

J’ai vu un groupe d’espagnols d’âge moyen, à coté de trois autres jeunes et Toledo en personne ou le conseiller de la Région de Canaries Carmelo Ramirez, se poster devant la porte d’une maison pleine de sahraouis et face aux agents –habillés en civil et, parfois, ils laissent entrevoir une matraque en dessous des vêtements- et supporter ces gestes et basculades sans bouger un sourcil. Et sans fuite, ni en avant ni en arrière.

Je les ai vus aussi regarder stupéfiés une protestation pacifique d’une centaine d’activistes sahraouis qui, profitant de leur présence, voulaient crier au monde leur souffrance. Et qu’ils n’ont pas trouvé meilleure façon de l’exprimer – et à mon avis, c’était génial – que le silence.

On dit que ce n’est pas nécessaire d’avoir du courage pour faire quelque chose, lorsque ce quelque chose c’est la seule chose que tu peux faire. Et ainsi, l’un pense que les sahraouis se trouvent entre l’épée et le mur. Mais c’est vrai qu’ils ont une autre option : celle de se taire, ne pas protester, ne pas revendiquer. Il n’y a que de la sorte qu’ils éviteraient les coups. Mais, n’est-ce pas cela de la répression?

Il ne s’agit pas seulement des plaintes de Toledo ou Ramirez, d’un doigt cassé ou d’une photo inopportune, mais des plaintes de centaines d’organisations, de Human Rights Watch, d’Amensty International, de groupes de parlementaires européens. La dernière que j’ai entendue était celle d’un haut commandement de la MINURSO déjà retraité, qui raconte à qui veut l’écouter comment il a vu avec ses propres yeux les autorités marocaines commettre tout genre de brutalités contre la population sahraouie en 2005, « sans pouvoir rien faire ». Parce que ce n’était pas dans ses prérogatives.

Telle est la réalité des faits, non pas une mise en scène : la résistance sahraouie, au moins celle de ceux qui vainquent la peur, c’est un exercice de liberté. La liberté d’aspirer à récupérer sa patrie. Et faire taire ces aspirations avec des coups, cela s’appelle répression. Comment quelques-une peuvent le retourner en affaire aussi compliquée? 
Laura Gallego

Traduction non-officielle de Diaspora Saharaui

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