Lâge dor de la diplomatie algérienne : Le génie maquisard

Dans plusieurs capitales européennes de lOuest, des jeunes gens stylés et cultivés, qui ont pu passer à travers le filtre déjection colonial placé par la France afin déliminer du cursus scolaire les enfants algériens les plus doués, nouent des relations, tissent des amitiés et donnent corps à un formidable réseau de soutien au profit de la Révolution algérienne. La diplomatie des maquisards est née. 

De nombreux spécialistes des relations internationales se sont référés à cette époque avant daffirmer que, différemment à un grand nombre de pays, la diplomatie algérienne ne constitue pas un aboutissement dun Etat fort, mais la plate-forme solide sur laquelle a été bâti lensemble de lédifice institutionnel de la république naissante. Une république portée par les baroudeurs de lArmée de libération nationale et des contingents démissaires, denvoyés spéciaux et de négociateurs affirmés, qui nallait pas tarder à simposer comme un sérieux partenaire et une force de propositions dans un monde divisé en deux blocs antagonistes. Demblée, lAlgérie affiche des ambitions qui tirent leur essence dune appartenance plurielle : le Maghreb, les pays arabes et musulmans, lAfrique et ensuite les pays du tiers-monde. Elle est déterminée à fédérer tous ces ensembles autour dune stratégie commune qui se situe en dehors du clivage Est-Ouest. 

Dans une étude consacrée à la politique internationale algérienne, un analyste occidental écrit : « Quoi quil en soit, lAlgérie se situe dans une vision du monde à logique binaire, où la distinction fondamentale oppose les nations pauvres aux nations riches suivant un rapport plutôt qualitatif que quantitatif. La distinction entre les grandes et les moyennes puissances parmi les États développés lui paraît secondaire. Entre les États sous-développés ou en voie de développement, lAlgérie ne veut pas faire de distinction de puissance : elle se présente comme primus inter pares, le porte-parole des petits contre les gros. Et elle préférerait sans doute être la première des petites puissances, que la dernière des moyennes puissances. » 

Durant le quatrième sommet de la conférence des pays non alignés qui sest tenue à Alger en septembre 1973, où avaient pris part 57 chefs dEtat ainsi que de nombreuses personnalités marquantes du mouvement tiers-mondiste, lAlgérie a géré avec beaucoup de succès les quelques incompatibilités apparues entre plusieurs leaders. Le charisme de Boumediene et le savoir-faire de son ministre des Affaires étrangères, Bouteflika, se sont avérés des atouts décisifs dans la gestion des querelles dapparence anodine qui avaient opposé certains chefs dEtat entre eux, notamment ce qui sest passé entre le président cubain, Fidel Castro, et le leader libyen, Mouammar Kadhafi à propos du non-alignement et de lalliance avec lUnion soviétique. Cette divergence à caractère idéologique a été vite remise en marge des travaux pour céder la tribune à la grande question de lheure : le droit des pays du tiers-monde au développement économique. La problématique posée par Boumediene au nom de lAlgérie, et qui demeure dactualité, a sauvé le sommet et relancé une nouvelle dynamique tiers-mondiste. 

La presse internationale, y compris celle qui regardait lAlgérie dun Sil très critique, avait fini par souligner le rôle éminemment important joué par Boumediene en mettant en relief le travail accompli par la diplomatie algérienne, avant et durant la tenue du sommet. Onze ans, presque jour pour jour, après avoir arraché son indépendance à lissue dune éprouvante épreuve, lAlgérie signe une victoire internationale éclatante malgré toutes les tentatives de sabordage lancées depuis certaines capitales inquiétées par le défi et lenjeu tracés par les tiers-mondistes. En effet, les résolutions adoptées par les non-alignés reflètent largement la vision stratégique de Boumediene et sa conception des exigences vitales exprimées par plus de trois milliards dêtres humains à lépoque. Aucune voix discordante ne sest élevée pour chahuter le climat dunanimité qui a dominé les débats autour de lappel lancé par lAlgérie à la révision des politiques économiques, seul moyen pouvant amener les puissances occidentales à rectifier leurs positions à légard de ces pays qui revendiquent le droit dexister décemment.

Un prestige inégalable

LAlgérie, qui apparaît alors comme un État révolutionnaire apportant inconditionnellement son soutien à tous les « mouvements de libération », est fermement décidée à bouleverser les rapports Nord-Sud. Elle y gagne un incontestable prestige dans le tiers-monde. Après ce succès retentissant, Alger avait pourtant le droit de jubiler et de fêter son sacre diplomatique de façon éclatant, mais elle ne lavait pas fait. Dirigée par des sommités qui ont su préserver leur modestie maquisarde, elle sétait abstenue de toute manifestation triomphaliste. La situation internationale nétait pas stable et lheure était grave au Proche-Orient. LAlgérie avait vu juste. 

Immédiatement après la guerre doctobre 1973, léquilibre international fut lourdement bousculé par lembargo pétrolier qui aura de graves conséquences sur léconomie mondiale dominée majoritairement par le grand capital occidental. Un mot sur cette guerre ; larmée algérienne, lANP, a réussi brillamment à perpétuer létat desprit de la glorieuse ALN, et lAlgérie dont une partie de la force était composée de trois escadrons de chasseurs et de bombardiers domina les airs du Sinaï. Les pilotes algériens étaient, cette fois, mieux préparés et plus aguerris grâce à la guerre dusure. Elle fut, selon de nombreux témoignages concordants, la seule force aérienne arabe à ne pas avoir perdu dappareils au combat, seul un MiG-17 fut touché par un appareil israélien et malgré la gravité de limpact, le
pilote algérien réussit à faire écraser son avion près de sa base dattache tout en séjectant et en évitant de se faire capturer. Les pilotes algériens avaient réussi à protéger Le Caire contre toute agression israélienne ! 

Juste après que les armes se sont tues, la diplomatie est entrée en jeu ; le rôle principal est le plus normalement du monde dévolu à lAlgérie. Lappel dAlger pour une réelle prise en mains de lensemble des potentialités et ressources au profit exclusif des pays du tiers-monde avait été entendu par lOrganisation des pays exportateurs de pétrole. La réussite du sommet nest pas le fait du hasard. Elle est le résultat logique dune conjonction defforts fournis à tous les niveaux de lEtat par des responsables « anonymes », aux yeux de lopinion publique et des personnalités connues, à linstar du ministre des Affaires étrangères de lépoque, Abdelaziz Bouteflika. Diplomate chevronné et reconnu, Abdelaziz Bouteflika impulsera, pendant plus dune décennie, la politique étrangère qui mène aux grands succès de la diplomatie algérienne, dont le renforcement et lunification des rangs arabes lors du sommet de Khartoum de 1967, puis lors de la guerre doctobre 1973 contre Israël, la reconnaissance internationale des frontières de lAlgérie et linstauration de relations de bon voisinage et de fraternité avec les pays limitrophes, ou encore léchec de lembargo contre lAlgérie à la suite de la nationalisation des hydrocarbures.

Le rôle déterminant de Bouteflika

Aux Nations unies, Bouteflika dirige la délégation algérienne aux sessions régulières et spéciales de lAssemblée générale depuis 1963. Il a également dirigé la délégation de son pays à la cinquante-cinquième session du Conseil économique et social et aux deuxième et troisième sessions de la Conférence des Nations unies du commerce et du développement (CNUCED), à New Delhi, en 1968, et à Santiago, en 1973. Il était président de la première conférence des ministres des Etats membres du groupe des 77 pays en voie de développement, qui sest tenue à Alger en octobre 1967 et il a dirigé la délégation algérienne à la deuxième conférence à Lima en octobre 1971. Il était membre de la délégation algérienne au deuxième Sommet des pays non alignés qui sest tenu au Caire en 1964, et il a dirigé la délégation algérienne à la Conférence des ministres des Affaires étrangères des pays non alignés qui sest tenue à Dar es-Salam où il était le rapporteur général de la conférence. Il a dirigé la délégation algérienne à la Conférence des chefs dEtat des pays non alignés qui sest tenue à Lusaka, en 1970, et à la Conférence des ministres des pays non alignés, qui sest tenue à New York, en 1971, et à Georgetown, en 1972. Il a dirigé également la délégation algérienne à la conférence des ministres des Affaires étrangères qui sest tenue à Kaboul en 1973. Il était président de la Conférence des ministres des pays non alignés chargée des préparations pour le quatrième Sommet dAlger en 1973. Il a également été membre de la délégation algérienne à la quatrième Conférence des chefs dEtat et du gouvernement. M. Bouteflika était rapporteur de la première session du Conseil des ministres de lOrganisation de lunité africaine (OUA), qui sest tenue à Dakar en avril 1963 et a dirigé les délégations algériennes à toutes les sessions du Conseil des ministres depuis létablissement de lOrganisation. Il était président de la onzième session du Conseil des ministres qui sest tenu à Alger en 1968. Il était membre de la délégation algérienne aux première et deuxième Conférences du sommet des Etats membres de la Ligue arabe qui se sont tenues au Caire et à Alexandrie; chef de la délégation algérienne à la Conférence des chefs dEtat et des gouvernements dEtat arabe qui sest tenue à Khartoum en 1967, et président de la Conférence des ministres des Affaires étrangères chargée des préparations pour la sixième conférence du Sommet des chefs dEtat et de gouvernement qui sest tenue à Alger, en 1973. Il était membre de la délégation algérienne aux première et deuxième conférences du Sommet des pays islamiques qui se sont tenues à Rabat en 1969 et à Lahore en 1974 et chef de la délégation algérienne à la Conférence des ministres des pays islamiques qui sest tenue à Benghazi, en 1972 et à Kuala Lumpur, en 1974. Abdelaziz Bouteflika a joué également un rôle important dans la consolidation des organisations du tiers-monde et le renforcement de leur unité daction, notamment à travers son action lors de la conférence des 77 et du sommet africain, tenus respectivement en 1967 et en 1968 à Alger. De même, il fera de lAlgérie un des leaders du mouvement des non-alignés. Il défendra également sans relâche les processus de décolonisation dans le monde. LAlgérie devient ainsi le porte-parole du tiers-monde et particulièrement dans sa revendication pour un nouvel ordre économique international. Elu à lunanimité président de la 29e session de lAssemblée générale des Nations unies, en 1974, Abdelaziz Bouteflika obtient la mise au ban par la communauté internationale du régime sud-africain pour sa politique dapartheid et réussit le coup déclat dadmettre le leader de lOrganisation de libération de la Palestine, feu Yasser Arafat, qui prononcera un discours historique devant lAssemblée générale. Il préside également, en 1975, la 7e session extraordinaire consacrée à lénergie et aux matières premières dont lAlgérie était lun des initiateurs. En marge des travaux du sommet des non-alignés, lAlgérie avait parrainé la réconciliation entre deux importants pays du mouvement, lIrak et lIran. Des indiscrétions diplomatiques ont laissé entendre, à lépoque déjà, que Bouteflika était lun des principaux artisans de cette mémorable rencontre entre Saddam Hussein et Reda Pahlavi paraphée par une poignée de mains historique entre les deux hommes. Vingt-six ans plus tard et lors du sommet de lUnion africaine, Alger accueille et veille sur la réconciliation entre lErythrée et lEthiopie sous le regard du même Bouteflika, mais cette fois-ci en sa qualité de président de la République !

Ladmiration de Kissinger

Une simple lecture dun document top secret déclassé par la CIA et publié par les médias nous donne un aperçu sur la personnalité de Bouteflika et la haute estime quil suscitait chez une icône de la diplomatie de la trempe de Kissinger, le secrétaire dEtat américain aux Affaires étrangères. La conversation, lit-on, a lieu dans la résidence de lambassadeur américain à Paris, un mercredi 17 décembre 1975, autour dun petit-déjeuner. Côté algérien, Mohamed Bedjaoui, alors ambassadeur en poste dans la capitale française, est présent en qualité dassistant de Bouteflika. Côté américain, sont présents M. Sabbagh, interprète de Henry Kissinger, lambassadeur Jidda et Peter
W. Rodman du National Security Council des Etats-Unis (NSC). Abdelaziz Bouteflika, qui représentait lAlgérie dans une conférence sur la coopération économique, tenue à Paris en ce décembre de lannée 1975, une conférence considérée comme le couronnement de la stratégie algérienne plaidant pour un nouvel ordre économique mondial, plus juste, est reçu, en marge des travaux, par son homologue américain pour une entrevue qui a duré près dune heure et demie. Notez la durée de lentretien ; il sagit sans le moindre doute dun « énorme » détail. Quarante cinq minutes, ce nest pas rien dans lagenda du numéro deux de la première puissance mondiale ! Dans ce document minuté, nous pouvons lire : « Enfant terrible ! » lance, en français, le docteur Kissinger en direction du ministre algérien. Plus âgé que son interlocuteur de 14 ans, Kissinger, lun des monstres sacrés de la diplomatie mondiale, sait quil peut se permettre ce genre d«écart» au langage diplomatique. Kissinger se tourne alors vers son interprète pour évoquer leur interlocuteur du jour : «Lorsque je lai rencontré, il était révolutionnaire. Maintenant, cest un diplomate révolutionnaire.» «Il est nécessaire parfois, durant une vie, de changer de parcours après la fin de létape précédente », réplique Bouteflika. Kissinger demande alors à discuter dabord de la conférence de Paris, sans fermer la porte aux autres sujets sur lesquels il souhaite connaître lanalyse des Algériens, tout en signifiant demblée à son vis-à-vis que son gouvernement ne pourra pas faire grand-chose pour le règlement du conflit au Sahara occidental. Evoquant la conférence en cours à Paris, Kissinger souhaite savoir si Bouteflika na pas trouvé son discours « un peu agressif ». « Cétait agressif, mais pas trop », réplique en riant le ministre algérien qui note, cependant, une « évolution » dans la position américaine qui a désormais le mérite dêtre plus « claire ». Kissinger se montre enfin un peu conciliant : « Laissez-moi réfléchir et je vous contacterai par le biais de notre ambassadeur. A propos, quand allez-vous désigner un ambassadeur à Washington ?» Et Bouteflika de répondre : «Effectivement, votre remarque est pertinente. Nous allons désigner quelquun au début de lannée. En fait, il est dans notre intérêt de choisir quelquun qui a le profil approprié. Et je vais régler le problème très rapidement.» Kissinger rassure : «Je pourrais être plus utile sil y avait quelquun à Washington.» Il faut préciser que lAlgérie avait rompu ses relations diplomatiques avec les Etats-Unis dAmérique en 1967, après la guerre des six jours contre Israël et la débâcle arabe, en signe de protestation contre le parti pris flagrant des Américains en faveur de lEtat annexionniste. La carrière diplomatique se confondait dans une large mesure avec lévolution de la position algérienne dans le monde.

Une ténacité légendaire

A travers les innombrables portraits qui lui ont été consacrés, laccent est mis sur sa ténacité légendaire, un trait bien souligné, quoique sur un ton aigre-doux par la presse française de 1967, lorsquil obtint de Paris que la dette algérienne soit ramenée de 6 milliards de francs à 400 millions. Lun des atouts de Bouteflika, font remarquer des analystes de la politique internationale, est de maintenir le contact avec ladversaire, quoi quil advienne. Dans laffaire du Sahara occidental, il fait preuve dune intransigeance exceptionnelle dans la défense des principes immuables concernant le thème de lautodétermination rejetée par le Maroc. Pour autant, même au plus fort des tensions, il ne manquera jamais dadresser ses vSux à Hassan II. Près de trois décennies plus tard et peu après son élection à la magistrature suprême, averti par des investisseurs étrangers quil était plus que temps de stabiliser les relations entre les deux pays, Bouteflika envoyait une lettre au souverain chérifien. Cette démarche reflète parfaitement la constance dune politique étrangère se basant sur lexpression sans réserve dans ladhésion de lAlgérie aux principes du non-alignement et sa capacité à défendre la paix et la sécurité dans le monde. Sur ce plan, des observateurs font noter que lAlgérie a été dune grande influence à travers sa diplomatie dans le soutien des mouvements de libération nationale ou de réponse aux dictatures qui maintenaient sous leur étau les peuples dAfrique, dAsie ou dAmérique latine. Alger, appelée jadis la «Mecque des mouvements de libération», en référence à laccueil sur le sol algérien des représentants de mouvements de libération nationale à travers le monde, ou de réfugiés politiques fuyant la dictature dans leurs pays respectifs, était considérée, à juste titre dailleurs, comme un abri sûr pour tous les opprimés du monde. Dans ce contexte, le soutien inconditionnel quelle a apporté et apporte toujours au peuple palestinien, à titre dexemple, contraste avec lattitude adoptée par certains « alliés » dans la mesure où elle na jamais tenté de linstrumentaliser à des fins politiciennes ! Lors dune commémoration de la disparition de Boumediene, Djelloul Malaïka révélait que le qualificatif «Alger, Mecque des révolutionnaires », avait été donné par Cabral dans les années 1960, alors en déplacement en Algérie dont lengagement en faveur des causes des peuples colonisés, surtout en Afrique le cas du Mozambique, de la Guinée-Bissau, du Cap-Vert, alors sous occupation portugaise na jamais été pris en défaut. Durant cette période, Alger avait refusé de nouer des relations diplomatiques avec le Portugal du dictateur Salazar. Le soutien aux militants anti-apartheid avait conduit Boumediene, comme le rapporte Djelloul Malaïka, ancien responsable des Mouvements de libération au FLN, à recevoir Nelson Mandela et ses compagnons à la frontière algéro-marocaine, avant lindépendance de lAlgérie, ce qui avait été la cause de larrestation du leader de lANC à son retour en Afrique du Sud. « Non seulement, Boumediene soutenait les mouvements de libération dans le continent noir, le monde arabe et lAmérique latine, mais il accueillait les leaders indépendantistes, en Algérie, où ils étaient formés politiquement et militairement », a-t-il ajouté. Dautres témoignages provenant de politiciens et dintellectuels occidentaux versent dans la même veine. Sous Boumediene, les principes dindépendance nationale, danti-impérialisme et de non-alignement sont réaffirmés. Ils forment la colonne vertébrale de laction internationale de lAlgérie. Les journalistes français, Paul Balta et Claudine Rulleau dans un de leurs ouvrages consacrés à lAlgérie citent ainsi Boumediene : « Indépendance nationale, coopération désintéressée et ouverte à tout le monde sur des bases claires dans le respect de la souveraineté des partenaires, rejet de la politique des blocs et des bases militaires, refus de lexploitation économique du tiers-monde par le biais du commerce extérieur, par le truchement du capital international ou de la vente de ce quon appelle la « technologie », tels sont les impératifs que notre pays doit défendre et respecter, pour contribuer à létablissement de liens internationaux qui servent tous les peuples au lieu denrichir davantage les pays nantis et dappauvrir de plus en plus les pays démunis». Depuis son admission en tant que membre à part entière aux Nations unies, le 8 octobre 1962, lAlgérie sest imposée comme un acteur autonome et très actif sur la scène internationale. A ce sujet, Ali Mebroukine, professeur universitaire, écrit : « De cette époque, datent quelques-unes des constantes qui ont marqué ensuite la politique étrangère de lAlgér
ie. Les dirigeants tentent alors de théoriser lexpérience acquise pendant les années de lutte armée. On décèle ainsi trois postulats de base : la lutte contre limpérialisme et le colonialisme, le soutien des mouvements de libération, la coopération internationale tant avec les pays du tiers-monde quavec les puissances socialistes. » Laccord de 1965 sur lexploitation du pétrole algérien, se voulant dailleurs exemplaire, témoigne des « bonnes » relations entre les deux pays. Par rapport à la question palestinienne, lAlgérie navait pas de position dogmatique, note le professeur qui poursuit: « Houari Boumediene navait pas de position dogmatique sur le sujet. Il exhortait les Etats arabes à aider les Palestiniens dans leur combat contre Israël pour recouvrer leur territoire et y édifier un Etat. Boumediene navait jamais déclaré ni laisser entendre quil fallait détruire lEtat hébreu, comme sy risquera un fantasque chef dEtat arabe, aujourdhui converti à dautres causes. Il inscrivait la lutte du peuple palestinien dans le cadre dune lutte de libération nationale et na, à aucun moment, cherché à instrumentaliser la cause palestinienne, ni à des fins de politique intérieure (il nen avait nul besoin) ni à des fins de suprématie régionale (le passage par Alger pour le traitement de toute question intéressant la région lui paraissait naturelle). Quant aux effets induits par la guerre dOctobre 1973, cette guerre na pas libéré la Palestine ni Jérusalem. Mais cest grâce au rôle exercé par Boumediene que le monde arabe va se considérer, à partir de 1973, comme partie prenante au destin de cette région. Il est parvenu à convaincre les chefs dEtat arabes que lOccident ne cherche en réalité quà maintenir sous sa tutelle les peuples arabes et à les dominer technologiquement, économiquement, militairement, de sorte quils ne puissent plus se considérer comme des acteurs de lhistoire en train de se faire. A ceux qui continuent de sinterroger sur la dimension dhomme dEtat de Boumediene, il convient de rappeler quil navait pas seulement réussi à convaincre de la légitimité de la cause palestinienne des hommes dEtat progressistes comme le Suédois Olof Palme ou lAutrichien Bruno Kreisky, mais réussit le prodige de retourner le rigoriste roi Fayçal à sa perception du règlement du problème israélo-arabe et pas seulement du conflit israélo-palestinien. » Quant à la construction du Maghreb, il convient dinsister quelle a été beaucoup contrariée par la politique expansionniste marocaine diamétralement opposée au principe du droit des peuples à disposer deux-mêmes, défendu par lAlgérie. Au chapitre des relations algéro-françaises, la diplomatie algérienne a joué un rôle prépondérant sur un terrain nettement marqué par un lourd contentieux historique. Sans céder aux pressions, elle a maintenu le contact et fait preuve dun extraordinaire pragmatisme qui ne donnait lieu à aucune surenchère. Ce pouvoir de forcer le respect et ladmiration de ladversaire ou du rival a été incarné pendant plus dune décennie par un département aussi prestigieux que le ministère des Affaires étrangères, devenu en un temps relativement court un outil efficace au service de lEtat algérien. Ce département des Affaires étrangères, témoigne un ancien fonctionnaire, « avait dès le départ eu la chance de compter dans ses rangs un nombre relativement important de cadres de qualité. Ils venaient de lex-UGEMA et de lALN aux côtés dautres, venus, eux, des services du GPRA, et qui semployèrent tous à en faire un atout majeur et un facteur de promotion de lAlgérie. Comme lAlgérie sortait auréolée dune glorieuse révolution et lutte de libération, il était tout à fait naturel que son action extérieure sassocie à celle des autres pays non alignés, qui avaient appuyé sa propre lutte, et se déploie en faveur dune décolonisation totale en Afrique et ailleurs. Laction de lAlgérie sur ce plan ne se contentait pas des seules proclamations de soutien mais se traduisait par une solidarité active et concrète». En résumé, il convient davouer quil est pratiquement impossible de cerner dans le détail la politique extérieure menée par lAlgérie, depuis son indépendance jusquà la fin des années 1970, en deux, trois ou même dix articles de presse. Ce thème a déjà consommé des dizaines douvrages et des centaines de publications diverses. Toutefois, il est essentiel de préciser quelle a marqué de nombreux points et contribué à changer le cours des événements au niveau du Maghreb, au Proche-Orient, en Afrique et à léchelle internationale 
Par Mohamed Mebarki
El Djazaïr.Com, Octobre 2010

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