Campagnes médiatiques et manœuvres politiciennes risquent de la saper
La coopération entre les pays du Sahel pour faire face à Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) semble s’accélérer. Mercredi dernier, une réunion technique des chefs des services de renseignement des pays de la région sahélo-saharienne, à savoir l’Algérie, la Mauritanie, le Niger, le Mali, la Libye, le Tchad et le Burkina Faso, s’est tenue à Alger. Elle devrait conduire à la mise en place d’une coopération pour échanger et centraliser les informations sur la nébuleuse. Trois jours avant cette réunion, une autre réunion régionale, celle des chefs d’état-major à Tamanrasset, avait eu lieu.
Cette dernière devrait, pour sa part, permettre la mise en œuvre du dispositif régional de lutte contre le terrorisme. Il faut reconnaître que la coopération régionale pour une lutte commune contre le terrorisme a souvent été évoquée par les Etats mais elle n’a jamais été concrétisée. Aujourd’hui et avec la pression menée par l’Aqmi dans le Sahel, une certaine synergie semble se mettre en place mais qui risque, d’ores et déjà, d’être minée par certaines déclarations.
La presse française, en évoquant la lutte contre le terrorisme, parle de «chasse gardée algérienne» et soutient, en citant un diplomate africain qui a gardé l’anonymat, que «le Mali, la Mauritanie ou le Niger manquent de moyens. La clé du problème est entre les mains d’Alger, qui semble moins pressé d’agir». Elle affirme que «la susceptibilité» de l’Algérie de voir des forces armées étrangères sur son territoire «n’est pas le seul frein. La mise en place d’une cellule de renseignements basée à Alger se heurtera d’entrée à la volonté de certains d’élargir le cercle à d’autres pays : Maroc, Tchad et Libye. Or l’Algérie, en froid avec le Maroc, se refuse à l’intrusion de Muammar Kadhafi dans ce dossier».
Une autre campagne médiatico-politique est menée, depuis peu, en faveur de l’implication du Maroc dans la lutte commune des pays sahélo-sahariens et dans laquelle l’Algérie est accusée d’être le frein majeur à la participation du royaume chérifien au dispositif régional et ce, à cause du conflit du Sahara occidental qui l’oppose à son voisin. Or, et de source proche de ce dossier, il est expliqué que la position algérienne quant au droit à l’autodétermination du Sahara occidental est basée sur les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies et n’est liée ni de près ni de loin à ses conditions de lutte commune dans la région du Sahel.
«Les activités d’Al Qaïda sont concentrées dans les territoires sahélo-sahariens et le Maroc n’a pas de frontière dans cette région», a expliqué cette source. Rappelons également que le Maroc n’est pas un membre de l’Union africaine. Les pressions médiatiques se sont multipliées ces derniers jours pour mettre en avant «l’efficacité» et la «discrétion» du Maroc dans la lutte contre l’Aqmi. Un autre article de presse a affirmé que, depuis l’enlèvement des sept otages dans le nord du Niger, «chaque pays du Sahel réagit et fait jouer ses alliances. L’Algérie dit être en mesure de contrer la menace islamiste, mais elle veut le faire seule par des moyens militaires».
L’auteur de l’article qui soutient que «le Maroc joue un peu le rôle de joker dans la région» a omis de préciser que le rapprochement nourri par le royaume chérifien avec les puissances étrangères afin, à n’en pas douter, de renforcer sa position dans le conflit du Sahara occidental ouvre grande la porte au risque imminent d’une ingérence étrangère. Ce que l’Algérie refuse catégoriquement.
Que vise cette campagne médiatique ? L’isolement de l’Algérie ou intégrer coûte que coûte un pays qui permettra l’implantation des forces étrangères dans la région nord-africaine ? L’Algérie a déjà déclaré par la voix de ses officiels que toute aide allant dans le sens du soutien logistique à cette initiative de lutte commune est la bienvenue. Pour l’action, les pays du Sahel sont capables de relever le défi.
La Tribune
Source : Fibladi, 2/0/2010
Be the first to comment