POLITIQUE DE LA PEUR : La menace terroriste : info ou intox ?

La menace terroriste : info ou intox ? Cette question vient immanquablement à lesprit à la seule vue du ministre de lIntérieur, Brice Hortefeux, nous faire une déclaration dramatique sous la tour Eiffel, exactement là où une fausse alerte à la bombe avait eue lieue quelques heures plutôt. Nous savons tous, intuitivement, que la peur joue un rôle dans la vie politique dun pays. Et pas seulement lors dévénements exceptionnels comme les attentats du 11 septembre à New York. Mais, parce quil est humiliant davoir peur et de se lavouer, nous en minimisons irrésistiblement linfluence, préférant nous réfugier derrière des explications plus « rationnelles » du comportement des gouvernants comme des citoyens. 
 
Le maître-livre de Corey Robin déchire ce voile dignorance. Dans une analyse à la fois brillante et provocante, très largement saluée lors de sa récente publication aux États-Unis, il montre en quoi la peur constitue un levier fondamental de pouvoir, même dans une démocratie libérale comme la nôtre. Lauteur conjugue ici une analyse historique de lidée de peur (de Hobbes à Hanna Arendt en passant par Montesquieu et Tocqueville) avec une description concrète, menée sans complaisances, de la vie politique américaine actuelle. Il sen dégage une démonstration particulièrement efficace qui déborde le cadre strictement américain pour sappliquer à tout fonctionnement démocratique. 
 
Si cette thèse originale trouble certainement notre confort intellectuel, elle peut aussi nous dessiller politiquement les yeux pour des lendemains mieux libérés de la peur. LEtat Français, du sentiment dinsécurité à la marchandisation des risques Si les leaders de la Gauche et la Droite françaises sont désormais presque unanimes pour affirmer que la sécurité est la première des libertés, ce sont maintenant les conditions dans lesquelles sexerce cette sécurité qui font débat. Notamment du fait que dici 2014, les effectifs de la sécurité privée dans notre pays dépasseront ceux cumulés de la police et de la gendarmerie nationales. Quel rôle restera-t-il à lEtat en la matière ? Quelles seront les conséquences pour le citoyen devenu client, consommateur de sécurité ? Quelles incidences cela aura-t-il sur notre modèle de société ? Au-delà des stricts enjeux de sûreté, cest bien une analyse prospective sur lavenir de notre collectivité nationale que propose cet ouvrage. 
 
Avec à la clé une indispensable réflexion sur ce qui constituera demain le cSur de notre pacte républicain.Cet ouvrage expose, traite, analyse les peurs multiples de lhomme dans notre société. La peur monopolise notre existence dans tous les domaines, politique, économique, psychologique, sociologique. Cest une véritable maladie contemporaine. La peur évoque toute lhistoire de lhumanité. Les usages politiques de la peur, son invocation et son instrumentalisation qui furent le privilège des régimes de terreur, ne peuvent plus servir aujourdhui de critère discriminant entre les démocraties et les régimes, dont, par principe, elles devraient être distinctes. Dans tous les domaines de lexistence, les citoyens sont affectés par la «culture» dont elle fait lobjet une culture qui les conduit à tolérer des discours et des pratiques quils nauraient pas cru pouvoir ni devoir accepter auparavant. Ainsi se sédimente dans nos vies «linacceptable», au nom dune exigence démultipliée de protection et de sécurité. 
 
La question alors est de savoir quelle est, dans cette exigence, la part du besoin de «sécurité humaine», dont aucun discours politique ne devrait faire léconomie, et celle de «la sécurité de lÉtat». Sil est vrai que leur frontière indécise se joue, à chaque fois, dans le choix et le calcul des «cibles de linsécurité», au double sens dun génitif subjectif et objectif, lavenir de la démocratie appelle une critique ininterrompue de ces choix et de ces calculs à plus forte raison quand ils se portent sur la figure de létranger. Gouverner par la peur De toutes parts montent les discours de la peur, des peurs. Peur de linsécurité, de la précarité, du chômage. De la violence, de la marginalisation, dêtre délocalisé. Peur de louvrier chinois, du plombier polonais, de son collègue de travail, du terroriste. Peur aussi de ce que lon mange, de ce que lon boit, de son corps. Peur du changement climatique. Peur intime et peur publique. Peur de tout. 
 
Cette montée de la parole collective sur langoisse pourrait être positive : connaître et énoncer ses peurs, cest déjà les combattre. Il suffirait de changer de regard, de déchausser les lunettes de la morosité ambiante pour prendre une mesure apaisée des évolutions positives comme des risques encourus par nos sociétés contemporaines. Or cest tout le contraire qui se passe : loin de se réduire, nos peurs grandissent chaque jour un peu plus. Pourquoi a-t-on tant de mal à les affronter, dans un contexte qui est loin de sêtre autant détérioré quon voudrait nous le faire croire ? 
 
Lexploitation de langoisse rapporte, et parfois beaucoup, au sens propre. Mais qui a intérêt à gouverner par la peur ? Quelles formes de résistance et quelles alternatives peut-on y opposer ?. Non seulement les individus pris isolément, mais les collectivités et les civilisations elles-mêmes sont engagées dans un dialogue permanent avec la peur. Celle-ci prend toutefois des visages différents, depuis les terreurs médiévales jusquà lobsession contemporaine de la sécurité. Jean Delumeau montre à la fois les continuités et les ruptures, ainsi que la diversité des formes prises par la peur en Occident. Des peurs collectives, comme celles engendrées par la peste, aux séditions populaires, des visages de Satan aux procès en sorcellerie, ce livre a profondément renouvelé lhistoire des mentalités et des comportements. 
 
Cet ouvrage inaugure ainsi la grande enquête consacrée par Jean Delumeau à lhistoire des représentations collectives, des inquiétudes et des espoirs de lhumanité occidentale, qui sest poursuivie par lexploration du péché et de la culpabilité, puis par celle de la rédemption et du paradis. La politique aime les couleurs, mais le bourgeois vomit le « rouge ». La peur sociale provoque les « effrois », les émeutes et les « folles commotions » des populations révoltées dès le Moyen Age. Elle est la peur de ceux qui sapent les colonnes de la société, comme les partageux du premier XIXe siècle, avides de redistribution des richesses et de substitution du socialisme au capitalisme. Aux environs de 1840, en effet, la Révolution industrielle prend son essor, un prolétariat en naît et, avec lui, se nouent les tensions sociales, liées à toute croissance économique brutale. La politique aime les couleurs, mais le bourgeois vomit le « rouge », fier de son travail. Après la phobie des attentats anarchistes de la fin du XIXe siècle, lhomme du XXe siècle a eu bien davantage de craintes politiques et sociales, dabord multipliées par les affiches du « moujik hirsute » de 1919, qui concrétise la hantise des « rouges », version bolcheviks cette foi
s-ci. Il a connu pas forcément éprouvé la hantise de la Guerre froide, du « camp communiste », de lArmée rouge, des « gauchistes » et des « étés chauds » Qui a réellement « profité » de cette peur ? Les « rouges » ont-ils été manipulés ? Et la « cible » na-t-elle pas totalement changé avec la drogue, les banlieues « à risque », le terrorisme ? 
 
La peur, la mort et les médias Quel est le rôle social de ces récits de mort et de violence, qui remplissent nos écrans et nos journaux, telle est la question que posent les différents articles de cet ouvrage, qui vont du questionnement théorique sur « la peur, les médias, le lecteur » ou sur les stratégies narratives de la peur au cinéma, à létude minutieuse dune enquête du quotidien bruxellois « La Dernière Heure, fondée sur la thématique de linsécurité ».Comment la peur surgit-elle face à linconnu ? Comment exprime-t-elle la crainte des autres peur de létranger, de lennemi, du monstre, du différent ainsi que la volonté décarter de soi lirréductible altérité qui habite tous les êtres humains ? Lauteur montre ici que la peur est souvent instrumentalisée par les pouvoirs politiques, jusquà devenir un moyen de contrôle et de gouvernement. Ainsi est-elle utilisée pour bâtir des politiques sécuritaires qui « institutionnalisent » la méfiance de chacun à légard de tous. Mais, même si elle renvoie à la fragilité et à la contingence de la condition humaine, la peur nest pas invincible : elle ne réduit pas nécessairement notre marge de manoeuvre. Une fois admise lidée que tout ne peut pas être « contrôlé » et que l « inattendu » est une composante de la vie, nous pouvons tenter de construire des relations de confiance qui, tout en ne nous mettant pas à labri de linconnu ou de limprévu, nous permettent aussi daller vers les autres, de même que de renouer avec notre propre altérité. Déclassement le mot est aujourdhui sur toutes les lèvres et sous toutes les plumes Mais, au-delà de son caractère incontournable, il recouvre deux réalités bien distinctes. La plus évidente a trait aux ruptures qui conduisent des individus à voir leur position se dégrader La deuxième est encore plus décisive : cest la peur du déclassement. Cette angoisse sourde, qui taraude un nombre croissant de Français, repose sur la conviction que personne nest » à labri « , que tout un chacun risque à tout moment de perdre son emploi, son salaire, ses prérogatives, en un mot son statut. 
 
En rendant la menace plus tangible, les crises portent cette anxiété à son paroxysme. Source de concurrence généralisée et de frustrations, la peur du déclassement est en train de devenir lénergie négative de notre société. A partir de ce constat, Eric Maurin fonde une sociologie des récessions et propose une lecture radicalement neuve de la société française, tout en aidant à repenser les conditions de sa réforme.

La Rédaction
Réflexion, 30 Septembre 2010

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