Coopérer, par-delà tout calcul : la seule solution au Sahel

«Il faut passer à l’action» a déclaré le général Gaïd, lors de la réunion des chefs d’Etat-major des pays du Sahel à Tamanrasset. Une phrase, en forme de mot d’ordre, reprise par toute la presse. Mais que veut-elle bien dire ? 
 
On ne peut éviter de penser à l’actualité caractérisée par l’enlèvement des otages au Niger – dont cinq Français. Soucieuse de ne pas faire du tort à ses otages, la France s’abstient de toute déclaration belliqueuse et renouvelle sa détermination de commencer au plus tôt les négociations avec les ravisseurs de l’Aqmi. L’Algérie est plus à l’aise de ce point de vue. Elle prône l’action, la confrontation avec le phénomène terroriste et ce qui le nourrit dans la région – banditisme, paiement des rançons, laxisme des gouvernements locaux… 
 
Il faut passer à l’action signifie aussi qu’il faut «prendre ses responsabilités», comme dit encore le même général Gaïd, s’impliquer dans la lutte antiterroriste, au lieu de se cantonner à regretter que les terroristes proviennent historiquement de l’Algérie, instaurer des mécanismes de coopération sécuritaire, définir des stratégies communes et veiller à leurs applications, cesser d’alimenter des rumeurs médiatiques par des propos versatiles et belliqueux, enfin s’engager sérieusement et à long terme dans un combat sans merci, un combat concerté, contre toutes les formes du terrorisme que développe Aqmi dans la région. 
 
Ce n’est qu’à ce prix qu’on peut obtenir quelques résultats probants et faire reculer ce fléau. Pourquoi seulement «quelques» résultats ? Parce qu’il n’appartient pas aux militaires, malgré toute leur bonne volonté, d’éradiquer un phénomène qui plonge ses racines dans la misère économique, les défaillances des Etats ou encore les politiques à courte vue. Qu’il s’agisse de la France ou des Etats-Unis, mais aussi de l’Algérie, c’est là que se situe le vrai défi. Les mauvais calculs qui veulent faire l’économie de la générosité et des visions larges ne mènent qu’à des impasses douloureuses. 
 
Coopérer militairement ne veut rien dire sans la coopération tout court. Première concernée par cette exigence, parce que partageant des frontières communes, l’Algérie n’a pas affiché jusqu’ici sa détermination à développer ses rapports avec ses voisins qui soient à la mesure de ce qu’ils doivent être. Pourtant, la coopération militaire n’en serait que plus simple si elle était précédée et accompagnée par des mesures concrètes et amples de renforcement des liens culturels, économiques, sociaux et politiques. 
 
Les trois pays représentés à Tamanrasset, soit la Mauritanie, le Mali et le Niger, doivent bénéficier du maximum de ce que nous pouvons leur procurer, en matière d’aide et de coopération, par-delà tout intérêt étroit et mesquin. C’est la seule politique à adopter.
Par Aïssa Khelladi
Les Débats, 29/9/2010

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