Pierre Galand, président de la Task-force EUCOCO, au JI:
La conférence internationale d’Alger fut l’occasion pour de nombreux acteurs politiques de rappeler les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité de l’ONU sur l’organisation du référendum d’autodétermination du Sahara occidental. Et pour les dirigeants du Front Polisario le moment rêvé de rappeler leur droit de reprendre les armes si…
Vous avez participé à la conférence internationale d’Alger sur le droit des peuples à la résistance, et le Front Polisario, faute d’une solution politique, menace déjà de reprendre les armes. Y voyez-vous l’exercice d’un droit ou la prise d’un risque inutile ?
Le droit d’un peuple à choisir les moyens de sa lutte est intégré dans le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes dans le cadre de la décolonisation. Les Nations unies avaient cadré cette hypothèse où un peuple choisit les moyens les plus appropriés pour obtenir l’application de ses droits.
L’ONU avait proposé en 1991 au Front Polisario de déposer les armes en échange d’une mise en œuvre du processus d’organisation du référendum d’autodétermination qui devait être appliqué après deux ans alors que nous sommes aujourd’hui en 2010. Je trouve que le peuple sahraoui et le Polisario ont témoigné d’une très grande retenue pour laisser le soin à l’ONU d’aboutir à un processus d’autodétermination.
Aujourd’hui à l’ONU, il est beaucoup plus question d’une négociation entre les parties alors que l’une d’entre elles, le Maroc en l’occurrence, reste autiste et refuse d’admettre qu’il s’agit d’une négociation bilatérale et non point d’imposer aux Sahraouis, par le biais de l’ONU, une formule qui n’est pas celle du droit à l’autodétermination mais une autre forme d’occupation qu’on appelle «l’autonomie». Je pense qu’il ne faut pas être dupe.
Le Front Polisario avait fait savoir à l’ONU qu’il y a des limites à sa patience. Il a fait savoir à M. Ross qu’il est toujours prêt à négocier à condition que l’autre partie soit honnête. Mais si ce n’est pas possible, eh bien ! le Front Polisario prendra des mesures en ce qui concerne les accords avec la Minurso, ce qui est une première étape d’indication d’un changement de stratégie de sa part. Un droit consacré par les résolutions des Nations unies.
Comment évaluez-vous les marges de manœuvre du médiateur onusien Christopher Ross ?
Le dernier rapport de M. Ross se lit de deux façons : la première, pessimiste, suggère l’aveu d’impuissance après avoir vainement tenté de rapprocher les points de vue. La seconde, plutôt intéressante, souligne la nécessité de se conformer à la politique des petits pas, autrefois initiée par l’ancien secrétaire d’Etat, Henry Kissinger, dans le conflit israélo-palestinien.
Maintenant M. Ross est revenu au cœur du débat. Ce qui est beaucoup plus courageux que son prédécesseur, Peter Van Walsum, qui avait dit qu’il existe aujourd’hui des réalités et que c’est la loi de la force qui dicte les conditions internationales.
C’était une grande erreur d’analyse parce que je ne crois pas que l’Union africaine puisse admettre indéfiniment une violation de tout l’accord qui fait aujourd’hui l’équilibre de la construction africaine. Donc la violation par le Maroc de ces règles-là serait un risque pour l’ensemble de l’Afrique sur le plan de sa sécurité.
La 36e édition de l’EUCOCO se tiendra en France fin octobre…
On a commencé à travailler pour la solidarité avec les Sahraouis il y a maintenant 37 ans et moi, qui suis à sa tête depuis 37 ans, je peux vous dire que je n’ai rien perdu de mes convictions dans le combat pour la cause sahraouie.
Il faut se battre d’abord pour un peuple digne, un peuple qui mérite qu’on soit à ses côtés, mais aussi se battre pour la façon dont nous voyons le monde et son devenir. Ce n’est pas simplement pour faire plaisir aux Sahraouis parce qu’on les trouve sympathiques mais parce qu’ils sont porteurs d’une espérance pour l’humanité.
Entretien réalisé par Yassine Mohellebi
Le Jeune Indépendant
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