Une reprise de négociations directes entre le Maroc et le Front Polisario se profile tandis que se pose en filigrane l’épineuse question des droits de l’homme.
Des pourparlers entre le chef de la diplomatie algérienne et le représentant personnel du secrétaire général de l’Organisation des Nations unies pour le Sahara occidental ont eu lieu, jeudi, à New York. Cette réunion de travail entre les deux hommes, qui s’est tenue en marge de la 65e session de l’assemblée générale de l’ONU, avait pour objectif de mettre en oeuvre les moyens qui permettraient aux deux parties en conflit, le Maroc et le Front Polisario, de renouer les fils du dialogue interrompu depuis plus de sept mois.
C’est, en effet, le 10 février 2010 qu’ont repris à Armonk, une ville du comté de Westchester, située dans l’Etat de New York, les pourparlers de la seconde réunion informelle concernant le Sahara occidental de «l’ère» Christopher Ross. Pour rappel, ces entretiens ont été fortement entachés par l’atteinte à l’exercice des droits de l’homme contre les militants sahraouis. En effet, le 8 octobre 2009, sept d’entre eux ont été arrêtés à l’aéroport de Casablanca après leur retour d’une visite qu’ils avaient effectuée dans les camps de réfugiés de Tindouf. Le 13 novembre, Aminatou Haïder a été expulsée vers l’île de Lanzarote aux Canaries. Ces événements géopolitiques-phares avaient marqué l’année 2009 et relancé la question du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. Ces deux affaires fortement médiatisées auront à elles seules sévèrement terni l’image de la politique marocaine au Sahara occidental et mis à mal son projet de colonisation des territoires occupés sous le couvert d’un plan d’autonomie concocté pour la circonstance.
La communauté internationale les avait condamnées sans sourciller. La diplomatie américaine avait montré sa «préoccupation» et s’était inquiétée de la dégradation de l’état de santé de la militante sahraouie des droits humains qui était entrée dans une grève de la faim de plus de trente jours pour protester contre la confiscation de son passeport et son éloignement forcé d’El Aâyoune par les forces d’occupation marocaines.
Plus récemment, trois détenus sahraouis ont sollicité la secrétaire d’Etat américaine, lui demandant d’intervenir en vue de leur libération ou de la tenue d’un procès rapide juste et équitable. Les trois militants des droits de l’homme dénoncent les violations dont ils font l’objet. «Ça va faire bientôt une année que nous sommes placés en détention préventive, sans que les autorités marocaines n’optent pour le procès ou la libération», ont écrit Brahim Dahan, Ali Salem Tamek et Ahmed Naceri (trois des sept militants des droits de l’homme arrêtés le mois d’octobre 2009 à l’aéroport de Casablanca Ndlr), dans une lettre poignante adressée à Hillary Clinton.
Les prisonniers sahraouis ont par ailleurs attiré l’attention de l’ex-première Dame des Etats-Unis sur «les cas d’enlèvements et d’emprisonnements politiques exercés par les autorités marocaines à l’encontre des Sahraouis, en raison de leurs opinions et de leurs activités en tant que militants des droits de l’homme et syndicalistes». El Mami Amar Salem, défenseur sahraoui des droits humains a, de son côté, dénoncé devant la 15e session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève «la persistance et la gravité de la pratique de la torture dont ont été victimes plus de 30.000 citoyens sahraouis depuis le début de l’invasion marocaine en 1975».
Si la rencontre entre le ministre algérien des Affaires étrangères et l’Envoyé spécial de Ban Ki-moon au Sahara occidental, semble être de bon augure pour une reprise prochaine des pourparlers directs entre le Maroc et le Front Polisario, elle donne l’impression de vouloir se jouer sur une partition déjà entendue mais terriblement redoutée par le pouvoir marocain: celle de la violation des droits de l’Homme.
Mohamed TOUATI
Liberté, 24/9/2010
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