Manifestement, la France compte sérieusement sur le rôle de l’Algérie et son expérience dans la lutte antiterroriste pour la libération des otages. Le fait d’exclure dans l’immédiat toute intervention militaire dans la région révèle la disposition de la France à laisser l’Algérie faire. Cette attitude s’explique par les déclarations de responsables et experts français sur les relations entre Alger et Paris dans le domaine sécuritaire.
La France et l’Algérie sont liées par leur intérêt commun à lutter contre le terrorisme au Sahel et ont toujours maintenu les échanges, quelles que soient leurs divergences. Pour le ministre français de la Défense, Hervé Morin, «nous avons une coopération en matière de renseignement avec nos amis algériens» qui sont «extrêmement mobilisés dans la lutte contre le terrorisme». Deux commentateurs de l’AFP rapportent qu’une semaine après l’enlèvement revendiqué par l’Aqmi de sept personnes, dont cinq Français, au Niger, la France tient à montrer à quel point elle considère l’Algérie comme un acteur incontournable.
Après des mois de tensions, les relations entre les deux pays se sont décrispées. «On en est à une relation stabilisée […] Cela ne se détériore plus, mais il reste des obstacles», explique à l’AFP le président de la Commission des affaires étrangères à l’Assemblée nationale Axel Poniatowski. L’Algérie n’a toujours pas digéré d’être inscrite par la France sur la liste des pays à risque pour les transports aériens ou l’appui de Paris à un plan d’autonomie marocain au Sahara occidental. La France accuse toujours Alger de protectionnisme suite à des mesures pénalisant ses entreprises. En revanche, plusieurs dossiers se sont dénoués, dont celui d’un diplomate algérien récemment blanchi par la justice française à la grande satisfaction d’Alger, estiment les analystes de l’AFP.
Citant des responsables et des experts, l’agence de presse française estime que même au plus fort de la crise, la coopération dans la lutte antiterroriste ne s’est jamais interrompue. «Ce qui est très réel, c’est qu’il existe un véritable intérêt commun à coopérer activement dans la lutte anti-Aqmi», dit M. Poniatowski. «L’Algérie est un acteur fondamental. Son atout c’est d’avoir Aqmi chez elle.» «Dans la région, c’est le pays le plus puissant, le plus riche, le plus grand», dit Jean-François Daguzan de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). «Le régime algérien a longtemps infiltré ces groupes, il a les moyens d’agir, l’envergure diplomatique et l’expérience militaire», confirme Kader Abderrahim de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS).
En outre, «les Algériens n’ont pas attendu les enlèvements dans le Sahel pour agir sur leur flanc sud», souligne le chercheur, rappelant qu’Alger avait «été un intermédiaire important sur la question des Touareg», nomades qui sillonnent la vaste bande sahélo-saharienne où opère l’Aqmi. Pour sa part, «la France a des dispositifs déployés dans les pays du Sahel, notamment en Mauritanie : elle a des moyens qu’elle peut échanger avec l’Algérie», explique M. Poniatowski. Cette coopération est aussi pour le président Abdelaziz Bouteflika le moyen de voir reconnu son «rôle de leader régional», résume Khadija Mohsen-Finan de l’Institut français des relations internationales (IFRI). Alger a créé, en avril, un poste de commandement à Tamanrasset (sud) pour coordonner les activités de son armée avec celles de la Mauritanie, du Mali et du Niger. Et en dépit de rivalités entre ces pays, une réunion ministérielle y a eu lieu cet été. Par ailleurs, la France se dit prête à «engager le contact à tout moment» avec la branche maghrébine d’Al Qaïda, a déclaré hier le chef d’état-major des armées qui exclut, pour l’instant, une intervention militaire.
«Bien sûr, les autorités françaises sont prêtes à engager le contact à tout moment, la seule difficulté que nous ayons, c’est que comme d’habitude dans ce genre d’affaire, ce sont les preneurs d’otages qui sont les maîtres du temps», a expliqué l’amiral Edouard Guillaud sur la radio privée Europe 1. «L’intervention militaire n’est pas, à l’instant où je vous parle, à l’ordre du jour. Pour l’instant, nous établissons la situation dans l’urgence, comme à chaque prise d’otage, et les forces militaires sont là en soutien de notre diplomatie», a-t-il ajouté. «L’option militaire reste envisageable pour autant, à l’instant où je vous parle, la vie des otages n’est pas directement menacée. Nous attendons donc d’avoir un canal de communication», a-t-il souligné. «Nous ne sommes absolument pas prêts à leur céder en toutes circonstances, la France comme d’autres pays l’a d’ailleurs montré des fois précédentes», a assuré l’amiral Guillaud, qui a aussi cité le président Nicolas Sarkozy selon qui le paiement de rançons n’est pas une stratégie durable, tout en nuançant : «Tout est fonction des circonstances.»
Par Abdelkrim Ghezali
La Tribune Online, 25/9/2010
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