La politique extérieure du Royaume du Maroc est bâtie, à mon avis, sur quatre piliers : une pleine soumission aux intérêts des grandes puissances, avec un soin spécial vers les États-Unis; un lien étroit avec la France, comme amphitrion principal au sein de l’Union Européenne et partenaire privilégié du point de vue économique; éloignement et proximité calculés, selon convenance, par rapport aux stratégies du monde arabe et, last but not least, mise en scène d’attitudes provocantes vers l’Espagne, qui imposent la négociation – toujours au moyen des déplacements des responsables espagnols à Rabat – pour restaurer le calme non sans avoir, au préalable, donné des preuves que celui qui marque l’agenda des relations des deux côtés du Détroit est le fils de Hassán II, dont le nom est Mohamed VI. Sans doute, les liens avec l’Espagne s’inscrivent dans un panorama d’anomalie permanente, d’instabilité létale, qui frôle le chantage et établit les règles à suivre sous le stigmate de la menace périodique et toujours imprévisible.
Ce qu’il s’est passé à Melilla au mois d’août en est une bonne preuve, autant que les dirigeants du Parti politique espagnol de droite, secondés dans le Congrès par l’ineffable Rosa Diez, ont essayé d’en tirer profit sans s’apercevoir – ou, en tout cas, pour s’en servir d’une façon opportuniste – des manigances utilisées au-delà de la Mer d’Alboran. On peut dire la même chose de la répression brutale subie le 29 du même mois par les citoyens qui, provenant des Iles Canaries, ont réclamé à El Aaiun le droit à la liberté du peuple sahraoui et contre l’occupation illégale par le Maroc d’un territoire qui ne lui appartient pas, comme stipulé par le Droit international. Fréquemment, des personnes arrivent des îles, des personnes qui soutiennent la cause d’un peuple subjugué, mais, jusqu’à présent, la violence n’a jamais été apparue réaction et leçon. Ils n’ont pas été arrêtés, tout simplement frappés avec fureur pour démontrer qui est qui dans cette cause dont l’irrésolution offense la dignité humaine.
Pourquoi tout cela est-il arrivé ? Y a-t-il un lien entre l’histoire de Melilla et celle d’El Aaiun ? Personnellement, je trouve que oui. Les deux situations sont le reflet de provocations claires destinées à être entendues comme avertissements sévères de ce qui peut arriver encore si l’Espagne n’accepte pas le plan d’autonomie pour le Sahara Occidental qui, contre les Nations Unies, le Maroc essaie d’appliquer de façon immédiate dans le but de légitimer l’occupation du Sahara pour toujours. L’Espagne continue d’être un écueil dans ce processus, puisque, malgré les preuves d’hommage que les responsables espagnols offrent périodiquement à Rabat, le soutien que le Maroc demande n’est pas clair, face au rejet majoritaire de la société espagnole à céder la souveraineté d’un territoire qui a été occupé par la force et qui force la population sahraouie à vivre dans des conditions inhumaines depuis 35 ans.
A mon avis, ce qui préoccupe le Maroc n’est pas la situation de Ceuta et Melilla – surtout quand les flux commerciaux et des personnes qui se produisent dans ce contexte si singulier semblent avantageux pour la population marocaine – mais la pleine possession, sans fissures, du Sahara Occidental acceptée par la communauté internationale à travers la formule de l’autonomie dessinée ad hoc par Rabat. De là le sens de ces manifestations hostiles vers l’Espagne ou les Espagnols, pour rappeler tout le temps qui contrôle les temps, les situations et la séquence du conflit.
Ce qu’il s’est passé suscite le pessimisme, puisque la seule position espagnole ne suffira jamais à donner au problème du Sahara Occidental la solution légalement prévue depuis longtemps. L’Espagne est isolée dans cette bataille, dans laquelle les gouvernements se trouvent attachés des pieds et des mains tandis que l’Union Européenne, et particulièrement la France, ne montrent pas une position solidaire dans ce sens. Et, bien sûr, la France ne le faira pas parce que tout un tas d’intérêts et de complicités lient le Maroc à son ancienne métropole. Je crains bien que ce qui s’est passé en août recommencera encore et encore jusqu’à ce que le gouvernement espagnol, toujours si disposé à voyager pour la tempérance du voisin du Sud et pour faire des déclarations – éloquentes et pathétiques les mots exculpatoires de Moratinos et Valenciano – qui n’incommodent jamais le souverain de la Jellaba blanche, accepte que ce que celui-ci veut faire du Sahara Occidental soit sans retour. Et surtout lorsque, dans les petites réunions du pouvoir sont nombreuses les voix qui conseillent clairement dans cette ligne, comme déjà commenté dans ce blog.
Une autre chose bien différente est ce que nous pensons les nombreux Espagnols qui considérons que la responsabilité historique de l’Espagne au Sahara Occidental ne doit pas se clôturer avec l’occupation illégale du territoire dont nous avons été responsables, et auquel nous avons laissé à son sort.
Source : Campos Abiertos, 4/9/2010
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