Les Débats : Le Sahara sera-t-il abandonné une nouvelle fois ?

Christopher Ross écrit son désarroi «aux pays amis»
Le Sahara sera-t-il abandonné une nouvelle fois ?

La lettre de Ross, si elle permet effectivement de faire le point sur la situation actuelle du conflit, rappelle aussi le risque de voir une nouvelle fois le chargé de mission de lONU abandonner la partie comme le fit James Baker avant lui voyant son action vouée à léchec et Van Vaslum ensuite, considéré comme acquis aux thèses marocaines. 

Il reste que Ross met en évidence limpasse actuelle et sollicite laide du conseil de sécurité. Cette instance de lONU est appelée en fait à faire pression sur les parties en conflit, royaume du Maroc et Front Polisario, pour que justement les négociations deviennent effectives. Lintransigeance, principalement du Maroc, nest pas pour favoriser une solution à moyen terme. Ross indique dans sa lettre que «le Front Polisario a fait une esquisse modeste de ce qui pouvait être une négociation authentique» après avoir exploré avec le Maroc certains aspects spécifiques de sa dernière proposition dautonomie. Par contre, souligne lenvoyé spécial de lONU le «Maroc a décliné pour sa part dexplorer la proposition du Polisario. En conséquence, ce dernier sest refusé à continuer». Dans la même lettre, Ross rappelle avoir avoir indiqué à la partie marocaine que si celle-ci veut amener le Polisario à accepter le plan dautonomie vanté comme étant la solution idoine intégrant les aspects les plus étendus elle doit aussi montrer ses «bonnes intentions» par le respect des droits des militants sahraouis luttant pour leur indépendance (les arrestations de militants, les questions de restrictions de la liberté daction et respect des droits de lhomme dans les territoires sahraouis sous administration marocaine sont au centre des critiques à ladresse des marocains, Ross cite à ce propos le cas Aminatou Haidar et la propension des Marocains à gérer avec un peu moins de rigueur la question des militants indépendantistes sahraouis au Maroc).

Pas de statu quo

Par ailleurs, si la lettre met en évidence léchec et le blocage actuel de laction de lenvoyé spécial de lOnu, celui-ci considère toutefois que le statu quo est inacceptable. Statu quo sur lequel se fonde toute laction diplomatique et la démarche du Maroc pour faire entériner la situation doccupation de fait. Ce statu quo pourrait être à lorigine dune radicalisation des jeunes sahraouis et fait lobjet dune mise en garde de Ross à ladresse de ses interlocuteurs. Le risque dune «aventure militaire ou paramilitaire» est réel quand la diplomatie ne donne pas de résultats. Pour Ross, chaque partie doit trouver les voies «pour examiner et discuter des propositions de lautre», soulignant que «examiner et discuter» ces propositions ne «signifie pas les accepter» mais montre seulement un respect pour lautre partie. Sans examiner les propositions sur la table, la convocation de nouveaux rounds de négociations est tout simplement inutile. Les rencontres sans résultats seraient même désastreuses pour la «crédibilité de lONU, du Conseil de sécurité et de lenvoyé personnel».

Il reste que si la lettre tire la sonnette dalarme quant aux suites de laction de Ross dans la région, elle nen reste pas moins un rappel des voies et moyens pour aboutir à un début de solution, notamment lorsquil met les jalons des étapes à suivre et du rôle que chacun se doit dassumer. Concernant les Etats voisins, Ross note que la participation de la Mauritanie demeure symbolique, alors que celle de lAlgérie est plus à prendre en considération du fait quelle accueille chez elle les réfugiés sahraouis et du soutien politique quelle assure au Front Polisario. Par ailleurs Ross souligne que lAlgérie ne veut pas simmiscer dans les discussions sur le futur du Sahara occidental. LAlgérie a montré sa disposition à prendre part à toute discussion qui nécessiterait une action de sa part, notamment pour certaines des mesures pour létablissement de confiance mutuelle. Sur ces mesures, Ross met en évidence la nécessité de poursuivre les visites familiales entre réfugiés et sahraouis des territoires, même sil voit mal ces visites seffectuer par route comme accepté par les deux parties. Mais Ross met en évidence la nécessité de mettre sur pied des réunions techniques permettant lorganisation de visites familiales par route. Dans le même sens de ces mesures, Ross voit dun bon Sil les mariages entre résidents des deux bords, et les obsèques des personnes décédées dans les camps de réfugiés en territoire sahraoui. Les camps de jeunes sont aussi appréciés par Ross.

Tout est à faire

Il reste également que la lettre de Ross met en évidence les parties à consulter pour faire aboutir sa mission. Au- delà du Maroc et du Front Polisario, une attention particulière est portée par Ross à laction de lAlgérie. A ladresse des pays amis, concernant les approches à haut niveau, il serait demandé à lAlgérie, dont on reconnaît quelle nest pas partie prenante du conflit ni ne peut prendre part à la décision sur lavenir du Sahara occidental (à linverse de ce quavance le royaume du Maroc) dêtre plus engagée dans la construction des mesures de confiance et de donner plus dimportance au danger du statu quo, tout en prenant dautres mesures adéquates au moment approprié. Impossible de dire donc si la lettre est un prémice à un jet déponge de Ross, mais un signal dalarme certain qui devrait aboutir à une mise en branle de la machine diplomatique de pays comme les Etats -Unis ou la France pour convaincre les parties en conflit de se mettre réellement autour dune table et commencer à négocier. La tenue dun nouveau round de discussion
serait le signe que les choses vont bouger. Sans cela il ne fait aucun doute que le conflit va dégénérer. 

Par Amine Esseghir

Les Débats, 1/9/2010

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